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Environnement

Gestion des déchets à Nouakchott, le casse-tête

par Manon Rivière

Article publié le 17/09/2007 Dernière mise à jour le 17/09/2007 à 12:06 TU

Décharges à ciel ouvert, sur la route de la plage.(Photo : Manon Rivière/ RFI)

Décharges à ciel ouvert, sur la route de la plage.
(Photo : Manon Rivière/ RFI)

La croissance anarchique de la ville et un laisser-aller des autorités mauritaniennes ont rendu ingérable la collecte des déchets dans la capitale. Suite aux grandes sécheresses des années 1970, la ville de Nouakchott a en effet connu une croissance explosive. Elle abrite aujourd’hui un million d’habitants, mais les réseaux d’assainissement n’ont pas suivi. Conséquence : Nouakchott ressemble à une poubelle à ciel ouvert et les maladies respiratoires sont fréquentes. Les autorités semblent pourtant avoir pris conscience de l’ampleur du phénomène. Leur nouveau credo : « Une ville propre pour tous ! ».

« Notre souci est de faire de l'assainissement une priorité pour que nos populations vivent dans les meilleures condi­tions d'hygiène et de salubrité », voici ce que déclarait juste après son élection au début de l’année Yaye N’Daw Coulibaly, la maire de Tevragh Zeina, l’une des neuf communes qui composent Nouakchott. Pas de doute, les termes « d’assainissement » et de « propreté » sont désormais dans l’air du temps. Longtemps passés sous silence, les problèmes sanitaires et environnementaux liés à l’absence de gestion durable des déchets ménagers et industriels font désormais parler d’eux.

« Ville nouvelle », Nouakchott n’existait pratiquement pas avant l’indépendance, en 1960. A cette date, on recensait en ville environ 5 000 habitants. Cinquante ans plus tard, la capitale flirte avec le million d’habitants et est au bord de l’asphyxie. Ce sont les vagues successives de sécheresse, dans les années 1970 et 1980, qui expliquent en grande partie ce phénomène d’exode rural massif. Les nomades, en quête de moyens de subsistance, ont du quitter leurs campements et sont venus grossir les rangs des bidonvilles de Nouakchott. « Nous sommes un peuple de bédouins, explique posément Ahmed Hamza, le président de la Communauté urbaine de Nouakchott, la CUN. « Les bédouins avaient l’habitude de jeter leurs déchets n’importe où et de déplacer leurs tentes dès que les poubelles devenaient trop volumineuses. Or, les citoyens doivent comprendre qu’on ne vit pas de la même manière en brousse et en ville », poursuit-il.

Un vaste chantier

Depuis le début du mois de septembre, des groupes de « poussins jaune », armés de râteaux et de sacs poubelles, arpentent les rues de Nouakchott, sous l’œil surpris des habitants. Ce sont les nouveaux salariés de la société française Dragui-Transport, désormais chargée de la propreté de la capitale. « Auparavant, il existait plusieurs systèmes parallèles de ramassage des déchets, mais ils étaient défaillants, rappelle Serge Tiran, le responsable d’exploitation de Dragui-Transport en Mauritanie. Il y avait les enfants, qui opéraient une petite collecte de proximité à l’aide de charrettes, il existait aussi quelques petits contractants privés et enfin les mairies des neuf communes de Nouakchott sous-traitaient également cette activité à des sociétés privées. Mais ce n’était pas efficace. La ville ressemblait à un vaste dépotoir ».  Avec 650 employés, l’entreprise devrait maîtriser à terme l’ensemble du cycle d’assainissement. Collecte et transport, mais aussi enfouissement dans un Centre technique à une trentaine de kilomètres de la capitale. Fini donc les tas d’immondices déposés le long des routes. Fini peut-être aussi les maladies dues à cette négligence sanitaire.

Infections

Le quartier de Sebkha, qui longe quasiment la mer, fait partie des zones d’habitat populaire. Ici, pas de tout à l’égout. Les rues sont inondées au moindre crachin automnal. Les enfants pataugent dans une eau saumâtre où flottent canettes, sacs poubelles et excréments d’animaux. Les déchets envahissent même le Centre de santé du quartier. « Chaque année, quand arrive la saison des pluies, les maladies dues à l’insalubrité refont surface, explique le Professeur Abdel Khader ould Ahmed, cadre au ministère mauritanien de la Santé. On trouve d’abord les maladies hydriques comme les diarrhées aiguës et les dysenteries. Puis, en raison des vents de sable chargés de saletés, les infections respiratoires aiguës sont légions, surtout chez les enfants. Avec des bronchites et même des pneumonies. » L’absence de gestion des déchets hospitaliers à Nouakchott constitue aussi une source d’inquiétude. « Les déchets biomédicaux ne sont pas traités de manière efficace et radicale, ce qui pose bien entendu des problèmes au niveau de la transmission des maladies, et notamment des MST », souligne le professeur Abdel Khader ould Ahmed.

En Mauritanie, la diarrhée est la première cause de mortalité, suivie des infections respiratoires aiguës. Dans les régions du sud, le paludisme est également responsable de nombreux décès. « Mais si nous parvenons à maîtriser l’hygiène, la mortalité baissera c’est certain !, estime encore notre spécialiste en santé publique. Une gestion pérenne des déchets aura aussi des répercussions économiques, car la santé coûte très cher aux familles, ici. L’argent économisé pourrait servir à d’autres choses, comme à l’éducation par exemple. » Le Professeur espère que la société en charge des déchets « tiendra le coup » face à une situation complexe d’insalubrité. Pour lui, même si les mentalités se mettaient soudainement à changer, il persisterait certaines contraintes structurelles. « Le sable est partout ici et constitue une source de microbes. De la même manière, les marchés aux poissons et à la viande continueront de rejeter leurs résidus organiques dans les rues et à attirer les parasites ».

Chauffeur et balayeur chez Dragui-Transport, Mohammed Mangane est lui plus optimiste, déclarant : « Je suis certain que l’on peut rendre la Mauritanie propre !, s’exclame-t-il avec fierté. Bien sûr, il va falloir qu’on éduque les gens pour qu’ils cessent de mettre leurs poubelles partout et utilisent les containers. Mais certains ont déjà commencé à nous aider et ça c’est vraiment encourageant ! »