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Politique et santé

Le droit d'exercer une médecine ancestrale

par Marion Urban

Article publié le 28/11/2007 Dernière mise à jour le 28/11/2007 à 19:28 TU

La médecine occidentale est, à plusieurs niveaux, une médecine inaccessible pour les populations autochtones : elle est coûteuse et elle est éloignée des lieux de résidence. En outre -les enquêtes le prouvent- elle n'inspire pas confiance.

« Les docteurs mettent les traitements dans une boîte de pilules », ironise Babette Galang, une femme-médecin d'Hawaï, initiée par son père. « Nos traitements tiennent compte de la dimension sociale et spirituelle du consultant ».

Selon les estimations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 80% des peuples autochtones des pays développés ont recours à la médecine traditionnelle.

Consultation pédiatrique au Centre de Santé Dominique de Pikine.<a href="http://www.ird.fr/indigo" target="_blank">(Photo : IRD)</a>

Consultation pédiatrique au Centre de Santé Dominique de Pikine.
(Photo : IRD)


Un réseau de santé spécifique

C'est dans les années 70 que les premières structures de santé des communautés autochtones apparaissent dans les pays développés (Canada, États-Unis, Australie et Nouvelle-Zélande). C'est aussi à cette époque qu'a lieu la première conférence internationale des organisations autochtones à Genève (Suisse) contre la discrimination.

Décidés à prendre en charge un système public défaillant et fidèles à la conception d'une santé responsable, les autochtones développent d'abord des réseaux de dispensaires, puis des hôpitaux et enfin des écoles. La révolution internet transcende les difficultés liées à l'éloignement : plusieurs sites d'organisations de santé proposent la télémédication.

Quoiqu'il en soit, ces initiatives sont très en deçà des besoins réels des populations autochtones.

Respect

Pour les communautés autochtones, il ne s'agit pas seulement de subvenir à leurs besoins et de combler les déficits des États en matière de santé. Il s'agit aussi de faire reconnaître le droit de se soigner en accord avec leurs cultures, et que ce droit soit respecté.

« Une femme que j'avais connue comme une grand-mère pleine de sagesse et tout à fait capable dont la fille était morte d'une surdose de crack* était devenue à l'hôpital une vieille femme ratatinée, étendue dans un lit », raconte Jack Coulehan, directeur de l'Institut pour une médecine dans la société contemporaine de l'université de Stony Brook (New York), qui a longtemps travaillé avec les Navajo, la plus importante communauté autochtone des États-Unis. « Elle était devenue un objet, un cas de diabète incontrôlable au lieu d'une femme responsable de trois petits-enfants dans le deuil de leur mère ».

La mixité médicale

Le Conseil tribal navajo a été l'un des premiers en Amérique du Nord (1977) a mettre sur pied une école de médecine spécifique, « culturellement acceptable ». Où les principes tel que « ne pas regarder directement dans les yeux », « ne pas serrer fermement la main de son interlocuteur, mais tendre la main pour toucher celle de l'autre», la notion du temps de la maladie, la formulation des réponses et les pratiques rituelles sont entendus et respectés.
  
Aujourd'hui, le service de santé des Navajo, dont le siège est en Arizona, coordonne le travail de 6 petits hôpitaux, 7 centres de santé et 15 dispensaires, disséminés sur 4 États. Elle dispose de ses propres médecins et dentistes formés aux méthodes occidentales. Un fait suffisamment rare pour être souligné.

 « La fréquentation des hôpitaux et des dispensaires est en nette augmentation depuis l'instauration des services mixtes », a constaté la directrice du Centre de santé universitaire des minorités amérindiennes du Minnesota, à la frontière américano-canadienne, qui soigne les Mohawk.

Transversalité

« Solutions à la crise de la santé des autochtones en Australie. »DR

« Solutions à la crise de la santé des autochtones en Australie. »
DR

L'organisation nationale de la communauté aborigène pour une santé contrôlée (NACCHO), en Australie, gère près de 135 centres de soins primaires. Mais elle organise aussi des débats et échanges entre les médecins traditionnels. Elle collabore avec le mouvement créé en 1992 par des autochtones canadiens, « Guérir notre esprit »,  qui regroupe des peuples de 17 pays.

« Guérir notre esprit » se réunit tous les 4 ans. Le but de l'association est de mettre en commun les savoirs et faire la promotion des systèmes de santé traditionnels.

Sur le continent africain, Touaregs, Peuls, Masaï, Turkana, San et Twa manquent encore cruellement de moyens pour établir ce genre de structures. Ce n'est que lorsqu'ils ont eu à défendre leur « forêt de l'enfant perdu » où il puisait leur pharmacopée que les Masaï ont entrepris de recenser leurs plantes médicinales.

Maladies « occidentales », soins « traditionnels »

Pour les médecins traditionnels, l'adaptation aux maladies modernes ne pose pas de problèmes car les lois de la nature sont immuables et elles sont les bases de leurs traitements.

Les médecins occidentaux ont commencé à reconnaître l'efficacité des méthodes traditionnelles dans le traitement des maladies qui ont des résonances psychologiques et sociales comme le cancer, le VIH/Sida, la dépression, les troubles mentaux, l'alcoolisme et la violence.

Cette reconnaissance reste cependant encore superficielle.