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Déforestation

L'argent de la forêt indonésienne

par Solenn Honorine

Article publié le 14/01/2008 Dernière mise à jour le 17/01/2008 à 11:30 TU

Il y a trente ans à peine, une dense canopée chapeautait la quasi-totalité de la grande île de Bornéo. Aujourd'hui sa couverture arborée disparait à vue d'œil, si rapidement que si rien n'est fait elle pourrait avoir disparu d'ici quinze ans. Les grandes entreprises forestières, qui exportent le bois vers l'Europe et la Chine, mais aussi le gouvernement sont les responsables du désastre, avec pour seul moteur : l'argent.

(RFI)

(DR)

Dans les pas de notre envoyée spéciale, Solenn Honorine,
sur l'île de Bornéo.

Écoutez son Grand reportage en cliquant
ici            (Durée : 19 mn)

 

« Tu pars à Bornéo ». Je m'imagine déjà dans la jungle, agrippée à une machette glissante de sueur, craignant à chaque minute de tomber tête-à-tête avec une inquiétante créature forestière.

Pourtant, il y a quelques semaines, j'ai conduit pendant douze heures à travers la province indonésienne de Kalimantan-centre, sans apercevoir un seul arbre plus majestueux que le cerisier qui ombrageait le potager de ma grand-mère bretonne.

Les environs de Palangka Raya, la capitale provinciale, annoncent déjà le sort qu'attend le reste de Bornéo : sur des kilomètres, rien d'autre qu'un tapis de broussailles qui s'étend jusqu'au plat horizon, surmontés ça et là de cadavres d'arbres blancs qui épellent pour qui veut le lire le nom de leur malédiction : AVIDITE.

(Photo : Solenn Honorine/ RFI)


Retour en 1996, lorsque l'administration de Jakarta annonce donc une idée lumineuse, quoique risquée : transformer les bien inutiles forêts de Kalimantan en grenier à riz de l'archipel. Pendant deux ans, les scies résonnent dans la province.

Dix ans après, le premier boisseau de riz reste encore à produire.

Catastrophes peu naturelles

« En fait tout ce que les concepteurs de ce projet voulaient, c'était notre bois ! Nos ancêtres ici n'avaient jamais essayé de mettre ces terres en culture car ils savaient parfaitement que rien n'y pousserait ! », tonne Yarden, un agronome de l'université de Palangka Raya. 

La région du projet Mega Rice est composée de tourbières, un écosystème formé par la décomposition, sur des milliers d'années, de matières organiques et formé à 80% d'eau.

(Photo : Solenn Honorine/ RFI)


Le pied naïf ne remarquera qu'il arpente un sol de tourbières que grâce à la remarquable élasticité du sol, qui rappelle un tatami de judo ; pour le reste, cela reste semblable à des sols de forêts classiques.

Les paysans savent que la terre est y trop acide pour supporter des cultures intensives – d'où l'échec du projet Mega Rice. Pire : maintenant que la forêt a été coupée et la zone drainée, c'est devenu un désastre écologique.

En saison des pluies, les tourbières ne peuvent plus absorber l'eau ce qui provoque des inondations ; en saison sèche, la moindre étincelle peut provoquer des incendies quasi impossibles à éteindre : en 2006, ils dégageaient des fumées tellement intenses qu'au pire des moments, on ne voyait pas plus loin que quelques mètres.

En prime, l'assèchement des tourbières provoquent un processus d'oxydation qui, même sans feu, rejettent d'énormes quantités de gaz carbonique dans l'atmosphère.

(Photo : Greenpeace/ Budhi)

(Photo : Greenpeace/ Budhi)


Des palmiers, des palmiers, des palmiers

« Les grosses entreprises nous ont volé nos forêts », soupire Ingin, un paysan de 65 ans. Son village, aux petites maisons sur pilotis alignées le long d'une rivière brune, n'a pas changé depuis sa jeunesse.

Le mode de vie d'Ingin s'est transformé : dans sa jeunesse, il n'était pas rare d'apercevoir de timides orangs-outangs lorsque l'on allait ramasser bois de construction, légumes ou herbes médicinales dans la forêt qui bordait son village. Aujourd'hui, il ne reste plus qu'une mince langue de bois ; le reste a été remplacé par des champs de caoutchoutiers, manioc ou, surtout, d'huile de palme, la culture en plein boom actuellement.

De la ville de Sampit au parc de Tanjung Puting, il y a 150 km. Palmiers, palmiers, palmiers, à perte de vue. Sur de telles superficies que les organisations non gouvernementales appellent au boycott des produits qui contiennent l'huile de palme, accusée de détruire la forêt tropicale.


« Un bon job »

Si les vieux pleurent leurs forêts perdues et, avec elles, une source de revenu renouvelable et aisément gérée, d'autres, bien plus nombreux, se réjouissent des opportunités liées au boom de cette nouvelle activité.

« Travailler dans les plantations de palmiers à huile, c'est un bon job, avec un bon salaire, pas trop difficile », souligne un jeune homme comme Randa.

La plupart des foyers ont aujourd'hui une mobylette familiale, voire un téléphone portable. La fille de Ringam, sa voisine, sera dans quelques mois la première du village à être diplômée d'université. Elle étudie dans la capitale régionale pour devenir institutrice.

(Photo : Greenpeace/ Van Houdt)


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En savoir plus

* Le dossier Greenpeace et les forêts anciennes
* Wetlands International-Indonesia (en anglais)