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Restauration

« La Joconde » a les traits tirés

par Dominique Raizon

Article publié le 08/02/2008 Dernière mise à jour le 11/02/2008 à 09:13 TU

Mona Lisa, le plus célèbre tableau de Léonard de Vinci.(Domaine public)

Mona Lisa, le plus célèbre tableau de Léonard de Vinci.
(Domaine public)

Une équipe de scientifiques français, du Laboratoire de mécaniques des solides de l'université de Poitiers (ouest) et le Centre de recherche et de restauration des musées de France, ont étudié de près la peinture du célèbre tableau exposé au Louvre, à Paris. Les responsables du cabinet de conservation des peintures ont observé que, libéré de son cadre, « le mince panneau de peuplier, sur lequel cette image mythique est peinte, présente une déformation supérieure à celle qui avait été constatée par le passé ».

En mars 2005, Vincent Pomarède, conservateur en chef du département des peintures du Louvre, s’était adressé à une équipe de scientifiques pour qu’ils inspectent le tableau, déjà fissuré au-dessus de l'oeil gauche du portrait de La Joconde, avant de déplacer le tableau dans une nouvelle salle du musée. « Le mince panneau de peuplier, sur lequel cette image mythique est peinte, présente une déformation supérieure à celle qui avait été constatée par le passé. Faut-il faire du préventif, attendre, et voir si le problème est conjoncturel » ou bien au contraire « agir sur la structure en considérant que le problème va s’intensifier ? », s’interrogeait alors le conservateur.

« Nous avons réalisé une modélisation de la face avant et de la face arrière du tableau selon un principe de projection d'une source lumineuse. Cela permet de voir les reliefs de l'image », a expliqué Fabrice Bremand, un des cinq membres de l'équipe ayant participé à l'étude. Et, après observation, les scientifiques ont relevé présente « une courbure importante de 12 millimètres entre le point le plus bas et le point le plus haut, qui pourrait conduire à une fissure ».

En novembre dernier, les scientifiques ont pris de nouvelles mesures. « Rien n'a bougé depuis trois ans », a rassuré Jean-Christophe Dupré, un autre membre de l'équipe, ajoutant néanmoins, avec prudence, que « trois ans, cela n'est rien sur une échelle de 500 ans. Nous avons fourni aux conservateurs les outils nécessaires au contrôle du support mais on ne sait rien quant à son évolution »

« Une oeuvre extrêmement réactive aux variations d’humidité »

Cette altération du support n’est pas nouvelle : déjà par le passé, l’oeuvre a été réparée de quelques outrages du temps. En témoignent, « à l’arrière du panneau, des papillons, c’est-à-dire deux pièces de bois [installées à contre-fil] qui ont été placées par des ébénistes voici fort longtemps pour résorber une fente ». Mais, il semblerait que le chef d’oeuvre du grand maître de la Renaissance, peint entre 1503 et 1506 sur une mince feuille de peuplier accuse de nouveaux traits de fatigue.

En effet, si « on sait depuis toujours que c’est une oeuvre extrêmement réactive aux variations d’humidité qui peuvent provoquer des mouvements du panneau, ces derniers temps, le panneau, qui est de forme convexe et qui d’habitude bouge de façon relativement uniforme, bouge[ait] plus d’un côté que de l’autre », expliquait le conservateur.

D’innombrables couches de couleurs transparentes

Chaque année, ce sont des millions de visiteurs qui viennent lui rendre visite. Aujourd’hui, pour la mettre à l’abri des variations climatiques, des risques de déprédation volontaire et des flashes, la Joconde est protégée par une épaisse glace de verre. Ce ne fut pas toujours le cas, et le tableau a traversé pas moins de cinq siècles en se montrant résistant, entre autres, aux changements de températures, de lumière et d’humidité.

La technique maîtrisée par l’artiste était celle du sfumato, utilisant les glacis pour mettre en valeur les effets d’ombre et de lumière. Le motif a été dessiné sur plusieurs couches d’enduit avant que ne soit entrepris le travail à l’huile, additionnée d’essence très diluée. Pour affiner le modelé de ce visage au sourire énigmatique et pour jouer avec les subtils effets de lumière sur le teint diaphane de Mona Lisa, modèle présumé du chef d’œuvre, le peintre a dû superposer d’innombrables couches de couleurs transparentes.

Pour en savoir plus

Compte-rendu de l'étude du tableau sur le site du Laboratoire de mécanique des solides de l'université de Poitiers (cliquez ici)