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Nouvelle technologie

Haïti ‘Nimerik’ !

par Claire Gibourg-Guindre

Article publié le 03/04/2008 Dernière mise à jour le 04/04/2008 à 13:54 TU

Cap Rouge, situé à une petite centaine de kilomètres de Port-au-Prince, est entré dans l’ère de l’ internet haut-débit le 29 mars 2008, un événement fêté en grande pompe. Haïti et ses neuf millions d’habitants est l’un des pays les plus pauvre du monde. Près de 80 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. Internet doit devenir un outil de développement économique et social.

Ralph Hyacinthe en consultation au dispensaire de Cap Rouge.(Photo : Claire Gibourg-Guindre/ RFI)

Ralph Hyacinthe en consultation au dispensaire de Cap Rouge.
(Photo : Claire Gibourg-Guindre/ RFI)

Quiconque connaît Haïti, son enclavement naturel et ses routes impraticables, son absence d’infrastructures, ses équipements déficients en eau potable et électricité dans la plupart des zones rurales, peut comprendre toute l’ampleur de l’événement. « C’est un rêve qui se réalise », « c’est une révolution », s’exclamait la population locale.

Le projet a pu voir le jour grâce à des rencontres déterminantes : Frantz Verella, professeur de mathématiques à l’Université de Port au Prince, persuadé de l’importance des nouvelles technologies, a su convaincre Serge Miranda, directeur du Mastère en bases de données et Intégration de Systèmes (MBDS) de l’Université de Nice Sofia Antipolis, de délocaliser son diplôme. Et, depuis 2000, une vingtaine d’étudiants sont diplômés chaque année.

A la faveur d’un numéro spécial du journal l’Expansion sur Nice et ses « personnalités qui font bouger la ville », Serge Miranda s’aperçoit que Jean-Pierre Blanc, directeur général de Malongo, un torréfacteur niçois, travaille également à Haïti. Cette nouvelle rencontre débouche sur la commande d’un logiciel et outil de gestion à destination de la Fédération des associations caféières natives (FACN), regroupant les petits producteurs de café, fournisseur de Malongo.

Serge Miranda, accompagné de Frantz Verella, devenu depuis ministre des Télécommunications et des Travaux publics, convainc à son tour Thierry Albrand d’Alcatel-Lucent de participer au projet. Ils fourniront la station WiMax et ses terminaux, assureront l’installation et une année de maintenance. L’opérateur local Comcel / Voilà finance, quant à lui, deux ans de coûts de connexion et assure l’exploitation de la station.

Synergie fructueuse

 Depuis le 29 mars 2008, les quelque 18 000 habitants de Cap Rouge sont donc connectés au monde : là où les sacs de café s’entassaient avant de partir pour l’entrepôt de la FACN, une dizaine d’ordinateurs ont été installés. Une trentaine de professeurs des écoles ont déjà reçu une formation au ‘télécentre’. Certains d’entre eux n’avaient jamais touché à un ordinateur ! L’appropriation du nouvel outil va vite, très vite. Les adresses mail sont créées, on demande immédiatement quelques nouvelles à de la famille éloignée. Un groupe suit un match de foot visionné sur le site You Tube où la sélection haïtienne bat le Guatemala par deux buts à zéro !

Tous les professeurs se félicitent de pouvoir, bientôt, « enrichir leurs cours, se documenter et avoir accès à Wikipédia ». L’encyclopédie en ligne bénéficie d’une notoriété étonnante. L’objectif du centre est de proposer des cours de téléformations aux professeurs, aux élèves et aux petits producteurs : Malongo a demandé au CIRAD de Montpellier de créer neuf modules d’enseignement en créole pour améliorer les conditions de production du café, « Une stratégie win-win » affirme Jean-Pierre Blanc de Malongo, pour améliorer la production d’un point de vue quantitatif et qualitatif.

Une dizaine de projets en cours de développement

Un jeune homme en blouse bleue, Ralph Hyancinthe, 27 ans, ordinateur portable sur les genoux est un médecin fraîchement diplômé affecté au dispensaire de Cap Rouge, est ravi et attend beaucoup de la télé-médecine :  « Si un cas de souffle cardiaque m’inquiète par exemple, explique-t-il, je vais pouvoir me connecter sur un site où différents souffles au coeur ont été enregistrés, les écouter et je pourrais préciser mon diagnostic ».

En marge de ces utilisations concrètes et immédiates, doter les zones rurales d’Internet présente un espoir d’avancée économique : le ministre Frantz Verella est formel « Qu’on le dise ou non, un certain nombre de services comme l’eau ou l’électricité sont marchands.  La chose la plus importante à faire, c’est d’améliorer les revenus. Un paysan à Cap Rouge ne connaît pas le prix du café. Il n’a pas accès aux cours mondiaux. Il n’a pas non plus d’information utile pour améliorer sa production, pour se protéger contre les intempéries. »

Ainsi, le projet Simbi, un système d’information en temps réel pour la prévention des inondations, fait partie de l’un des nombreux services qui vont être développés grâce au haut-débit, grâce à des capteurs placés sur les berges inondables couplés à un système d’alerte SMS.

Autres exemples parmi la dizaine de projets en cours de développement par les étudiants du MBDS, le projet CellTranfert. Ce dernier permettrait des transferts de fonds nationaux et internationaux sans prélèvement des taxes bancaires. Une économie de taille - jusqu’à 14% peuvent être prélever sur la somme totale- puisque la diaspora haïtienne envoie plus de deux milliards de dollars par an sur l’île ! Ou bien encore des projets de « traçabilité financière » : une ONG ou une institution internationale pourrait savoir au jour le jour où et comment leurs fonds sont utilisés : cet outil pourrait rassurer les bailleurs de fonds dans un pays où la corruption est encore trop présente.