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Art/technologie

La Joconde a livré son secret

par Dominique Raizon

Article publié le 01/05/2008 Dernière mise à jour le 06/05/2008 à 08:48 TU

Le mystère du voile vaporeux qui enveloppe le sourire de Mona Lisa, est éclairci : pour peindre ce portrait, Léonard de Vinci a utilisé une technique de superposition de couches, dont un glacis inventé à l'époque par les Primitifs flamands. La composition est révélée dans une analyse scientifique publiée dans la revue Applied Optics. Les composants de ces couches ont été identifiés sans toucher à l'oeuvre grâce à une caméra multi-spectrale permettant de mesurer cent millions de spectres lumineux en autant de points du tableau, mise au point par la société Lumiere Technology, dont le siège est à Paris.

Le sourire de la Joconde.(Photo : Wikipedia)

Le sourire de la Joconde.
(Photo : Wikipedia)

La partie superficielle du tableau correspond à une superposition de couches de « terre d'ombre », une ocre contenant un peu de manganèse, caractéristique d'un glacis, a précisé l'auteur d'une étude sur la technique utilisée par Léonard de Vinci, Mady Elias, chercheuse du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Et, la seconde couche est « un mélange de 1% de vermillon et 99% de blanc de plomb, technique utilisée par tous les Italiens à l'époque », a ajouté la chercheuse, en soulignant que son étude représentait « la seule démonstration scientifique de la composition » des peintures utilisées.

Le « sfumato », cette apparence vaporeuse perçue par les admirateurs de Mona Lisa, est rendu par cette superposition. « Ce n'est plus une théorie, on est sûrs de ce que l'on a démontré, cela n'avait jamais été fait auparavant », s'est réjouie Mady Elias, en précisant que son analyse avait été réalisée sans toucher au tableau, ajoutant : « Mais, il n'y a que notre technique qui peut mettre en évidence un glacis », a-t-elle ajouté.

« Une stratification verticale »

La présence, sur la Joconde, d'un glacis  est une révélation, car cette technique était alors uniquement utilisée par des Primitifs flamands tels que Van Eyck et Van Der Weyden. Mais, ces derniers « utilisaient un seul type de pigment, très peu concentré. D'où l'effet magique de cette couleur qui a l'air d'être créée en profondeur, et non pas en surface », explique Mady Elias. Cette technique aurait été diffusée en Italie par un contemporain de Vinci (1452-1519), le peintre italien Antonello Da Messina, à la suite d'un voyage dans le Nord de l'Europe.

Par le passé, une étude canadienne à base d'imagerie numérique, réalisée grâce à un système de balayage laser sophistiqué, avait pour sa part révélé que le peintre avait enveloppé Mona Lisa d'un « voile de gaze » fine et transparente. D'autres spécialistes avaient tenté de percer le secret du « sfumato », dont Jacques Franck, peintre et historien d'art, qui a réalisé des tableaux pointillistes reproduisant des portraits de Léonard de Vinci avec des touches allant au 1/30e ou au 1/40e de millimètres. « Il n'avait pas complètement tort » parce que le glacis est une superposition de couches d'un seul type de pigment en surface. Léonard de Vinci, quant à lui, a placé des petits points horizontalement et « nous démontrons que c'est une stratification verticale », note l'auteur de l'étude.

Technologie utilisée en sciences de l'atmosphère et en océanographie

Pour identifier les composants de ces couches, les scientifiques ont eu recours cette fois à une caméra multi-spectrale permettant de mesurer cent millions de spectres lumineux en autant de points du tableau. Cette technique, mise au point par Pascal Cotte, « permet de mesurer les spectres des composants de la couche picturale (liant, vernis, mélange pigmentaire), une mesure à la fois optique (240 millions de pixels), physique et chimique », selon le président de Lumiere Technology, Jean Pénicaut.

Avec cet appareil, « on prend une photo tellement puissante qu'on est capables d'assurer une analyse dans les couches superficielles (vernis), comme dans la couche picturale la plus profonde avec les dessins sous-jacents, les repentirs ». Selon Mady Elias, « c'est la première fois qu'on applique dans l'art (...) un bilan des flux lumineux dans la matière », une technique jusqu'ici utilisée en sciences de l'atmosphère et en océanographie.

Pour en savoir plus :

Présentation du procédé de numérisation multispectrale haute définition par la société Lumière technology