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Jeux Olympiques

Pékin : oui...mais

par Gérard Dreyfus

Article publié le 24/02/2001 Dernière mise à jour le 23/02/2001 à 23:00 TU

La commission d'évaluation du Comité international olympique (CIO) a entrepris, cette semaine à Pékin, un périple qui va la conduire ensuite à Osaka, Toronto, Istanbul et Paris, les autres villes candidates à l'organisation des Jeux Olympiques d'été de 2008. Au mois de mai, elle rendra public son rapport énumérant les atouts et les faiblesses de chacune des cinq villes. Le choix définitif interviendra le 13 juillet à Moscou à l'occasion de la session du CIO qui aura également à désigner le successeur de Juan Antonio Samaranch.
Sauf surprise énorme, on devrait assister à un duel entre Paris et Pékin. Il n'est pas nécessaire de revenir sur les atouts de Paris, capitale d'un pays qui accueille désormais, chaque année, plus de soixante-dix millions de touristes. Ce qu'elle a fait pour la Coupe du Monde de football, elle le reproduira sans problème pour les Jeux.

La candidature de Pékin mérite, à l'inverse, qu'on s'y attarde. A la vérité, elle s'impose d'elle-même. Battue d'une seule voix par Sydney pour les Jeux de l'an 2000, c'est logiquement son tour. Ce serait déjà respecter la règle non écrite de l'alternance qui prévaut depuis une cinquantaine d'années : une fois en Europe, la suivante, en Amérique, en Asie ou en Océanie. Après Sydney et Athènes, la rotation continentale plaide en faveur de Pékin. Comment ignorer plus longtemps encore le pays le plus peuplé de la planète qui n'a jamais organisé une manifestation d'une telle ampleur ; comment ignorer plus longtemps encore une civilisation plusieurs dizaines de fois séculaire ? De ce double point de vue, Pékin n µa aucun adversaire à sa taille, pas même Paris dont les deuxièmes et derniers Jeux remontent pourtant à 1924.

Charmeurs, les Pékinois ont usé, ces derniers jours, de beaucoup d'artifices pour séduire les membres de la commission du CIO. Ils ont fait la toilette de la ville : un coup de peinture ici, un autre là. Des fleurs artificielles sont brusquement venues embellir les artères de la capitale. Des slogans multiples ont été affichés chantant tous la gloire du plus grand rassemblement planétaire : plus de dix mille athlètes, quinze mille journalistes et des millions de spectateurs dont un certain nombre accourus de l'étranger. Pékin, assure la nomenklatura chinoise, est une ville qui ne cesse de s' ouvrir au monde, de manière presque boulimique. De plus en plus nombreux sont les étrangers qui y travaillent ; de plus en plus nombreuses sont les entreprises occidentales qui viennent s'y établir. Sans parler de cet afflux de touriste sans cesse grandissant.

Tout serait merveilleux au pays de Mao

Le massacre de la place Tienanmen en Juin 89, l'occupation du Tibet, le sort pour le moins incertain des opposants ne seraient que soubresauts de l'Histoire. Les Pékinois assurent que leur ville et leur pays ont bien changé depuis sept ans, depuis qu'ils se sont, pour la première fois, portés candidats. Oui, affirment-ils péremptoires, notre pays a fait un bond en avant considérable en matière de développement de la démocratie et de l'Etat de droit.

Ce ne sont que de beaux discours destinés à endormir, rétorquent de nombreuses associations de défense des Droits de l'Homme. La femme d'un prisonnier politique ne vient-elle pas d'être condamnée, sans procès, à deux ans de camp de travail pour avoir justement écrit une lettre ouverte au CIO ! Les Chinois ignorent encore le sens exact du mot liberté. La candidature de Pékin équivaut donc à un monumental OUIàMAIS.

Lorsque le 13 juillet prochain, les membres de la famille olympique auront à faire leur choix, ils ne pourront pas ne pas en tenir compte. Il leur faudra oublier les pressions politiques û elles existent ; il leur faudra oublier les pressions économiques û elles existent tout autant. Ils devront, plus que jamais, voter en leur âme et conscience. A l'entrée du troisième millénaire, est-il encore possible de fermer les yeux sur les atteintes à la dignité humaine ? Longtemps le CIO a joué les aveugles et les sourds, mettant en avant sa neutralité politique. Il sait que ces temps-là sont révolus, qu'il est toujours dans le collimateur de ceux qui lui ont souvent reproché d'être au-dessus de la loi morale.
Les Jeux à Pékin, oui mais, à condition que les Chinois s'engagent à monter dans le train de la démocratie. Le CIO peut réussir là où jusqu'à présent le politique et l'économique ont échoué.