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Jeux olympiques 2004

L’Iran déserte le tatami face à Israël

par Olivier Bras

Article publié le 17/08/2004 Dernière mise à jour le 17/08/2004 à 14:21 TU

Arash Miresmaeili est soupçonné d'avoir sacrifié ses chances de titre olympique pour des raisons politiques.(Photo: AFP)

Arash Miresmaeili est soupçonné d'avoir sacrifié ses chances de titre olympique pour des raisons politiques.
(Photo: AFP)

Le conflit israélo-palestinien s’est invité dans les dojos en Grèce. Pour ne pas avoir à affronter un judoka israélien, l’athlète iranien Arash Miresmaeili, l’un des favoris pour la médaille d’or dans la catégorie des moins de 66 kilos, aurait choisi de se faire disqualifier en excédant la limite de poids permise. La Fédération internationale de judo a ouvert une enquête.

Un sportif possédant un tel palmarès peut difficilement ignorer les règles de bases de la discipline dans laquelle il excelle. Engagé dans la catégorie des moins de 66 kilos, Arash Miresmaeili, double champion du monde, possède en effet une grande habitude des joutes internationales. Agé de 24 ans, il a souvent vécu la redoutable épreuve de la pesée pour laquelle les judokas sont parfois contraints de s’infliger, pendant les heures qui la précèdent, de terribles régimes express en suant le plus possible sans absorber la moindre goutte d’eau. Pourtant, cet athlète qui avait maintes fois répété à quel point il voulait gagner l’or olympique en Grèce après avoir terminé à la cinquième position à Sydney, a échoué dimanche à la pesée et n’a ainsi pas pu défendre ses chances.

Comment ce grandissime favori, porte-drapeau de la délégation iranienne et plus grand espoir de médaille de son pays, peut-il avoir commis une telle erreur ? Cette question agite depuis lors les plus hautes instances olympiques et les dirigeants de la Fédération internationale de judo (FIJ). Et l’explication pourrait en fait se trouver dans la personnalité du premier judoka que devait affronter Arash Miresmaeili. Le tirage au sort effectué jeudi lui avait désigné comme adversaire l’Israélien Ehud Vaks. Depuis, les déclarations et communiqués les plus contradictoires ont circulé sur la participation de l’athlète iranien, un responsable du comité olympique iranien interrogé à Téhéran expliquant que la politique générale de l’Iran était de « s’abstenir de concourir face à des athlètes du régime sioniste ». Car l’Iran ne reconnaît pas l’Etat d’Israël depuis la révolution islamique de 1979. Et c’est au nom de cette politique qu’Arash Miresmaeili aurait été obligé de renoncer à ses rêves olympiques, s’employant à prendre du poids lors des deux jours précédant la pesée.

Solidarité avec les Palestiniens

S’il est confirmé, ce mobile politique risque d’entraîner de lourdes sanctions contre le comité olympique iranien et les sportifs de ce pays. A la recherche d’éléments permettant de prouver ce boycott, le comité directeur de la FIJ n’a pas encore adopté de décision. « La présomption d’innocence prévaut. Avant de parler de sanctions, il faut savoir pourquoi il a échoué à la pesée. » a déclaré lundi Michel Brousse, porte-parole de la FIJ. « C’est très important pour l’avenir du CIO, pour l’avenir du judo ».

Les déclarations d’Arash Miresmaeili vont ainsi être étudiées avec beaucoup d’attention. Ce jeune homme avait déjà suscité une polémique lors des championnats du monde de 2003, en décidant d’apporter un coran sur la plus haute marche du podium. La médaille d’or autour du cou, il avait sorti le livre dissimulé sous son kimono pour le brandir puis l’embrasser. Ce sportif très croyant répète souvent qu’il puise sa force dans la religion chiite. Et selon l’agence de presse officielle iranienne IRNA, c’est pour témoigner sa solidarité avec ses frères musulmans palestiniens qu’il aurait choisi de ne pas combattre contre un Israélien. Un geste qui pourrait d’ailleurs lui valoir une récompense de la part du régime de Téhéran.

Le conflit israélo-palestinien a déjà eu des répercussions sur des compétitions sportives par le passé, l’une des dernières en date étant le refus des fleurettistes palestiniens de participer à une compétition organisée en Jordanie en raison de la présence d’un concurrent israélien. Mais le sport a également permis par le passé de rapprocher certains pays, l’Iran et les Etats-Unis disputant ainsi un match historique lors de la Coupe du monde de football de 1998. Dans la foulée, des athlètes iraniens s’étaient même rendus aux Etats-Unis pour participer aux championnats du monde de lutte libre. Et paradoxalement, le forfait d’Arash Miresmaeili a donné lieu à un précédent diplomatique. Car c’est un judoka algérien, Amar Meridja, qui a finalement affronté, et battu, l’Israélien Vaks. Et le quotidien algérien L’Expression n’a pas hésité à insister sur la portée de ce combat qui représente « un précédent très significatif de la position de l’Algérie qui semble décidée à ne plus mélanger sport et politique ».