par Abel Segrétin
Article publié le 31/08/2004 Dernière mise à jour le 31/08/2004 à 10:13 TU
De notre correspondant à Pékin.
Le nouveau héros national chinois, c’est Liu Xiang le coureur de haies de 21 ans, médaillé d’or aux 110 mètres haies. « J’ai montré au monde que les Chinois peuvent courir aussi vite que n’importe qui », a-t-il déclaré après sa victoire. Des propos rapportés en boucle par la presse chinoise en transe. Les médias officiels parlent de « l’honneur retrouvé du peuple chinois », de « trente et une étoiles d’or à ajouter au drapeau chinois », de « succès sportifs équivalents aux succès économiques » et d’olympiades dont « tous les Chinois se souviendront émus, comme d’un moment de joie sans limite, pleins de fierté pour la patrie».
Malgré le décalage horaire, toute la Chine –Pékinois en tête- a suivi avec ravissement les retransmissions des victoires nationales rapportées par les cohortes de journalistes chinois dépêchées sur place. 82% d’audimat à la cérémonie d’ouverture : un record national. Le public chinois semble prêt pour 2008, en bonne partie grâce à la campagne de propagande officielle lancée huit ans avant les Jeux dans la capitale. On raconte souvent cette blague ces jours-ci à Pékin : un Grec et un Chinois, membres du Comité olympique de leur pays, se retrouvent dans un bar d’Athènes pour boire quelques verres d’ouzo. Le Grec demande au Chinois : « Quand pensez-vous être prêts pour les Jeux ? » « En 2006, et vous ? » ; « nous aussi ». Sans commentaire pour la Grèce, cette blague a du vrai en ce qui concerne la Chine avec sa planification très socialiste de l’événement.
Un sans-faute en 2008
« J’ai bien observé l’organisation des Jeux d’Athènes, y compris tous les défauts. Tout ce que je peux dire, c’est que les Jeux de Pékin seront encore meilleurs, peut-être les plus parfaits de l’Histoire », annonce Zhang Xiao, directeur du Comité olympique chinois. Il était en Grèce avec une délégation de trois cents membres de son comité chargés d’analyser les olympiades sous toutes les coutures. Pékin veut faire un sans-faute en 2008, question de reconnaissance internationale. Aux yeux des autorités, les J.O. chinois représentent davantage qu’une rencontre sportive, c’est l’occasion de prouver que la Chine est une grande nation. « Une chance unique de montrer la Chine au monde, et de montrer le monde à la Chine », selon Zhang.
Trente-cinq sites olympiques ultra-modernes sont prévus, les travaux des sept plus grands ont déjà commencé. Au-delà de l’édification des stades, c’est la capitale chinoise tout entière qui est reformatée, avec 2008 comme date-butoir. En moins de dix ans, l’équivalent de la surface de Paris intra-muros aura été rasée et reconstruite, au nom des sacro-saints jeux. Des transformations étonnamment bien acceptées par la population, le mot « olympique » aidant à faire passer la pilule. Le recrutement de 100 000 volontaires a déjà commencé, et des cours d’anglais de base sont dispensés à un million de pékinois, qui apprennent à dire bonjour aux visiteurs étrangers.
Pékin reformaté pour les J.O.
Des centaines de kilomètres de voies rapides, un nouveau réseau électrique, plusieurs lignes de métro, des quartiers entiers sont édifiés à toute allure pour un budget global d’infrastructure estimé à trente milliards d’euros, dont deux pour les installations sportives. Il faut que la capitale soit « de classe internationale » pour des jeux « high-tech, verts, et populaires ». Pékin va tellement vite que le président du Comité International Olympique, Jacques Rogge lui-même, a conseillé aux autorités pékinoises de ralentir la cadence et d’arrêter de dépenser l’argent à cette allure. « D’habitude je dois dire aux gens de se dépêcher », a-t-il récemment déclaré à la presse. « Maintenant je dis ‘ralentissez’ ». Surtout que le budget a été déjà dépassé de 800 millions d’euros.
Premier montré du doigt, le grand stade national au nord de la capitale, projet de 500 millions d’euros en forme de nid d’oiseau, comprenant 36 kilomètres de tubes d’acier entrelacés. Après une levée de boucliers des principaux urbanistes et architectes chinois, le budget a été revu à la baisse, et le toit du stade coulissant supprimé. Deux énormes scandales liés aux J.O. ont aussi entaché la promesse de Pékin de tenir des olympiades sans corruption : six millions d’euros détournés dans la construction de routes, et onze autres millions utilisés pour bâtir des résidences de luxe aux cadres sportifs, alors que l’argent était prévu pour des équipements sportifs.
Les détournements de fonds publics sont courants en Chine, mais ce qui est rare c’est que les responsables soient condamnés et que le public l’apprenne. Pékin veut montrer des mains propres. Côté sportif également, il s’agit de faire oublier les quarante athlètes écartés des J.O. de Sydney. Cette année aucun athlète chinois n’a été testé positif à Athènes, alors que les records de tests -3000- et de cas positifs -22- ont été battus. Manifestement, les stades seront prêts en 2008, et les athlètes aussi. Mais d’autres problèmes restent en suspens. Pékin, dont le régime exécute deux fois plus de personnes par an que dans le reste du monde, n’a donné aucune feuille d’engagement pour 2008 concernant les droits de l’Homme (voir la note en bas de page). Et reste à savoir si Taiwan pourra défiler sur les stades avec son drapeau national.
La campagne contre les violations des Droits de l’homme par la Chine vient a débuté en juillet à Paris, avec un film de Luc Besson montrant un cadre chinois abattant un sportif d’une balle dans la nuque.