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Football

Jérôme Rothen, la biographie qui éclabousse

par Jean-François Pérès

Article publié le 06/10/2008 Dernière mise à jour le 07/10/2008 à 10:42 TU

Rothen (d), Zidane (g), lors d'un entrainement des Bleus avant l'Euro 2004. Entre les deux hommes, le courant ne passait déjà plus. (Photo : AFP)

Rothen (d), Zidane (g), lors d'un entrainement des Bleus avant l'Euro 2004. Entre les deux hommes, le courant ne passait déjà plus.
(Photo : AFP)

Au départ, l’envie de raconter sa vie, celle d’un footballeur professionnel, international français, joueur vedette du Paris Saint-Germain. Et puis la polémique : dans son autobiographie, «Vous n’allez pas me croire», Jérôme Rothen écorne l’icône nationale, Zinedine Zidane. Le petit monde du foot hexagonal en est tout retourné…

Il en serait presque gêné, Jérôme Rothen. Installé au Murat, l’une des brasseries chics du XVIe arrondissement parisien, pour le lancement de son autobiographie, le joueur fait face à une bonne cinquantaine de journalistes. Seraient-il venus aussi nombreux sans le désormais célèbre « fils de p… » que Zidane lui aurait adressé (sans s’excuser par la suite) un soir de Monaco-Real en Ligue des champions, en 2004 ? Peut-être pas. Issu de la même génération que Thierry Henry, le Francilien n’est pas une star en France. Il n’est pas champion du monde, ni même d’Europe. Il n’a jamais joué à l’étranger et ne compte « que » 13 sélections en Bleu.

Sa biographie pourrait être un non-événement de plus dans un monde de l’édition qui signe à tour de bras ces derniers temps les « révélations » plus ou moins intéressantes des personnages publics plus ou moins célèbres. Mais voilà, page 107, il y a le chapitre « Zidane m’insulte ». Et tout ce qui touche à l’image médiatique du Ballon d’Or 1998 passe dans l’Hexagone pour une affaire d’Etat. Malgré (ou grâce à) son quasi-mutisme, ses non-prises de position et ses juteux contrats publicitaires, l’ex-numéro 10 des Bleus fait partie des trois personnalités préférées des Français.

Le mythe Zidane mis à mal  

Alors quand Rothen, alors sous le maillot monégasque, affirme s’être fait traiter par lui de « fils de p… », ça fait tâche. D’autant que Zidane, toujours selon son coéquipier en équipe de France, ne lui présentera aucune excuse par la suite en dépit de leurs fréquentes rencontres à Clairefontaine. On fait inévitablement le parallèle avec la finale de la Coupe du monde 2006 et le coup de tête assené par le meneur de jeu français à l’Italien Materazzi après que ce dernier avait traité sa soeur de « p... ». « Zizou » serait-il adepte du « faites ce que je dis, pas ce que je fais ? »

Peut-être plus troublante encore, cette anecdote un soir de PSG-OM au Parc des Princes. Rothen, blessé, prend place en tribune officielle. Zidane arrive escorté de quatre gardes du corps sans prendre la peine de saluer son coéquipier. L’un des cerbères, répondant apparemment au souhait de son patron, demande à Rothen de se décaler de deux sièges. Réponse cinglante de ce dernier : « Vous direz à Zinedine Zidane que s’il veut me demander un service, il le fasse lui-même ». Ambiance. Pas rancunier, le joueur affirme pourtant en préambule avoir « une grande admiration » pour son aîné.

En cet après-midi automnal, Jérôme Rothen persiste et signe. Il assume ses propos et révèle avoir reçu de nombreux coups de fils de Zidane et de ses proches, sans doute ulcérés de voir ainsi mis à mal le mythe. « Je ne juge personne », précise-t-il, histoire de pacifier un climat plutôt tendu. Il se murmure fortement dans le milieu journalistique parisien, et en dépit des démentis officiels, que les plus hauts dirigeants du groupe Danone, avec qui Zidane est sous contrat, se seraient manifestés de façon plutôt véhémente à ce sujet...   

Abramovitch : « Where is Rothen ? Where is Rothen ? »

L’ancien milieu de terrain de la Juventus et du Real Madrid n’est d’ailleurs pas le seul à recevoir un traitement aigre-doux au fil des pages. Fabien Barthez, décrit comme « un mystère » : « Il n’a jamais pu m’encadrer. (…) ne m’a jamais adressé la parole, sinon pour me pourrir ». Alain Perrin, son entraineur à Troyes au début des années 2000, « qui veut tout diriger » jusqu’à la « limite du conflit physique ». Daniel Vacelet, ex-président de Troyes, qualifié d’ « imposture » et de « charlot », tout comme Jean-Luc Gripond, l’ancien patron nantais.

Sans oublier Karim Benzema, à qui Rothen reproche d’avoir dit ouvertement à Thierry Henry le soir de son record de buts en équipe de France qu’il ferait tout pour le battre. « Attention à ne pas brûler les étapes ! écrit Rothen avec la collaboration de Damien Degorre, de l’Equipe. Quand on veut aller trop vite, le retour de bâton est souvent violent. »

Pour le reste, de l’histoire personnelle, des débuts en région parisienne à l’AS Monaco, en passant par Clairefontaine et Caen. Des anecdotes à foison sur le monde professionnel, de l’attitude de cancre en classe de William Gallas au transfert avorté à Chelsea en 2004 quand Roman Abramovitch, le puissant oligarque russe et patron du club londonien, cherchait partout le joueur pour le recruter : « Where is Rothen ? Where is Rothen ? » Celui-ci se cachait un peu apeuré dans un salon, ayant déjà donné sa parole au PSG, le club de son cœur…

Au final, une confession sincère, plutôt bien écrite et rythmée, de la part d’un homme qui avoue avoir parfois envie de se « coller deux claques ». Il ne doit pas être le seul, vu la mini-tornade soulevée par ses propos.      

"Vous n'allez pas me croire", de Jérome Rothen (avec la collaboration de Damien Degorre). Editions Prolongations, 208 pages. 18,90 euros.