Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Basket-ball - NBA

Luc Mbah a Moute : «Je suis béni !»

par David Kalfa

Article publié le 29/12/2008 Dernière mise à jour le 29/12/2008 à 12:11 TU

Luc Mbah a Moute est un jeune camerounais heureux. Depuis le début de la saison NBA, cet intérieur de 22 ans multiplie les bonnes performances avec son équipe, les Bucks de Milwaukee. Souvent titulaire, l’ex-joueur de l’Université de Los Angeles n’en oublie pas moins d’où il vient et le chemin qui lui reste à parcourir. Il s’est confié à RFI sur ses ambitions personnelles et pour le basket-ball camerounais.

Luc Mbah a Moute au panier.(Photo : AFP)

Luc Mbah a Moute au panier.
(Photo : AFP)

Luc Mbah a Moute, qu’est-ce que ça fait de jouer en NBA dans le meilleur championnat du monde face à des joueurs comme Tim Duncan ou Kevin Garnett ?
C’est un rêve devenu réalité ! Jouer en NBA alors que je viens de Yaoundé au Cameroun, c’est vraiment génial. Un autre Camerounais avait réussi ça avant moi : Ruben Boumtje-Boumtje (pivot à Portland, Cleveland, puis Orlando entre 2001 et 2005, Ndlr). Mais ça ne s’était pas passé de la même manière pour lui. Car, j’ai suivi le circuit classique : lycée, université puis Draft (1). J’ai fait toutes les démarches qu’un jeune africain doit réaliser pour jouer en NBA. Je me sens vraiment béni.

Y a-t-il un joueur NBA que vous admirez particulièrement ?
Depuis que je suis tout petit, mon idole est Michael Jordan. Je reste un fan absolu. En NBA, il y a beaucoup de bons joueurs comme LeBron James, Kevin Garnett ou Kobe Bryant. Je les respecte tous. Mais aucun ne surclasse les autres et ne m’impressionne autant que pouvez le faire Michael Jordan.

Quels sont vos objectifs en NBA ?
J’espère avant tout m’imposer comme l’un des meilleurs défenseurs de cette Ligue. Défendre, c’est une chose que je prends très à cœur car j’aime ça. J’ai l’ambition d’être excellent dans ce domaine. Ensuite, je voudrais améliorer mon attaque, que ça soit mon shoot ou mon dribble. Si j’arrive à faire ça, ma carrière devrait être riche.

A Milwaukee, vous êtes rapidement devenu titulaire chez les Bucks. Vous attendiez-vous à avoir de telles responsabilités ?
Non, je ne m’y attendais pas. J’ai débuté ma carrière sans m’être fixé un objectif précis à court terme. Je comptais surtout travailler dur, me donner à fond et voir ce qui allait se passer. Et comme j’avais été recruté au deuxième tour de la Draft, je n’envisageais pas un si bon début. C'est bien pour moi, mais j’aimerais surtout que notre équipe gagne plus de matches et joue mieux (2).

En NBA, vous êtes un « rookie », un joueur de première année. Les rookies sont souvent bizutés par leurs coéquipiers plus âgés. Est-ce votre cas ?
Oh oui ! Ça, je ne peux pas l’éviter. Car on a beaucoup de vétérans dans notre équipe. J’ai tout fait pour eux : j’ai acheté du café, fait leurs courses, portés leurs sacs, cherché des doughnuts… Mais ça ne me dérange pas, car tous les joueurs passent par là. Et puis, les anciens sont gentils avec moi : ils me donnent des conseils et m’aident quand j’en ai besoin.

Les supporters et les journalistes vous posent-ils souvent des questions sur votre statut de prince de votre village natal ?
Oui, beaucoup. Ils me demandent quelles sont les responsabilités d’un prince, qu’est-ce que ça veut dire être prince, comment on le devient… Alors je leur explique que mon père est chef de village et que mes frères, mes sœurs et moi sommes donc princes et princesses.

Luc Mbah a Moute avec les Bucks.(Photo : AFP/Chris Graythen)

Luc Mbah a Moute avec les Bucks.
(Photo : AFP/Chris Graythen)

Vous avez été au lycée en Floride, puis vous avez été à l’Université à Los Angeles en Californie et désormais vous jouez dans une ville du Nord des Etats-Unis où il fait souvent très froid. Est-ce que ce climat est pénible pour un Camerounais ?
(Il rit) C’est amusant, car nous sommes rentrés d’un déplacement avec les Bucks et il faisait moins de zéro degré. Je n’ai vraiment pas l’habitude d’évoluer dans un tel environnement. Il faut réajuster son mode de vie à ce climat : apprendre à conduire sous la neige, acheter des vêtements chauds… Tout ça, c’est nouveau pour moi. Car de Yaoundé au Cameroun, en passant par Orlando ou Los Angeles aux Etats-Unis, il fait toujours chaud.

De manière plus générale, est-ce que votre adaptation aux Etats-Unis a été difficile ?
Ça n'a pas été facile, en effet. Il fallait découvrir une nouvelle langue, une nouvelle culture. Et puis le basket-ball pratiqué ici est différent, avec d’autres règles. Donc, il fallait aussi réapprendre les bases du jeu. Mais je suis chanceux, car mon ancien lycée, Montverde Academy en Floride, a d’excellents programmes d'apprentissage de l’anglais pour les élèves étrangers. Et puis mon entraîneur en High School était formidable : il m’a vraiment préparé au basket universitaire.

Pouvez-vous nous raconter plus en détail comment vous êtes arrivé en Floride ?
Pendant deux ans, j’ai joué au basket-ball au Cameroun. J’y ai très vite amélioré mon jeu. A tel point que j’ai été sélectionné pour participer à un camp en Afrique du Sud regroupant les cent meilleurs joueurs continentaux, « Africa 100 ». Ce camp s’appelle désormais « Basket-ball without borders », « Basket-ball sans frontières ». Après « Africa 100 », j’ai dit à mes parents que j’aimerais poursuivre mes études aux Etats-Unis et y jouer au basket-ball. Un ami de mon père a alors sollicité mon futur coach au lycée. C’est ainsi que je suis arrivé à Montverde Academy.

Au Cameroun, les enfants jouent surtout au football. Pourquoi avez-vous choisi le basket-ball ?
J’ai commencé par jouer au football comme tous les jeunes de mon âge. Jusqu’à 14, 15 ans, c’était MON sport. Puis, je me suis mis au basket-ball parce que mon frère y jouait au lycée. Le soir, lorsqu’il rentrait à la maison, il voulait que j’y joue avec lui. Petit à petit, j’y ai pris goût. J’ai ensuite intégré une équipe de basket. C’est ainsi qu'est née ma vocation.

Mbah a Moute sous le maillot des Bruins de UCLA.(Photo : AFp/Stephen Dunn)

Mbah a Moute sous le maillot des Bruins de UCLA.
(Photo : AFp/Stephen Dunn)

Vous êtes l’un des rares Africains à jouer en NBA et à y être titulaire. Etes-vous déçu de ne pas avoir la notoriété d'un Samuel Eto’o Fils ou d'une Françoise Mbango ?
Non, pas du tout ! Je suis un rookie. Je n’ai pas encore fait mes preuves. J’ai à peine joué avec l’équipe nationale. Samuel Eto’o Fils est un monsieur, un des plus grands footballeurs au monde. Il n’est pas seulement reconnu au Cameroun. Il mérite le respect et l’admiration des Camerounais : il a joué avec les Lions indomptables plusieurs fois, gagné deux CAN, la médaille d’or aux Jeux de Sydney. En plus, il œuvre au pays pour le bien de ses compatriotes. Quant à François Mbango, c’est une grande championne qui a remporté deux fois l’or olympique au triple saut. Samuel Eto’o Fils et François Mbango ont fait leur preuve et ils ont un vrai palmarès. A moi de faire mes preuves comme eux.

Parlons du basket-ball africain. Vous avez été vice-champion d’Afrique en 2007 avec le Cameroun. Pensez-vous que votre pays peut-être champion et détrôner l’Angola en 2009 ?
Mais bien sûr ! Notre équipe est arrivée en finale de la dernière CAN avec peu d'entraînements en commun. Ça vous dit à quel point nos joueurs ont du talent et de la volonté. Il faut nous donner les moyens de nos ambitions. Les Angolais se préparent depuis deux ans, font des stages. Nous devons faire pareil. Ça sera à la Fédération camerounaise de mettre à disposition les moyens nécessaires.

Les jeunes joueurs NBA sont souvent retenus par leurs clubs pour travailler lors de ligues d’été. Les Bucks accepteront-ils de vous libérer pour la prochaine CAN en Lybie ?
J’espère bien y participer et aider mon pays à gagner. Mais je ne sais pas comment ça va se passer. Il va falloir que je cause avec mon club de tout cela.

Que pensez-vous du niveau du basket-ball en Afrique ? Est-il bien perçu en Amérique ?
Juste un peu ! En 2005 et en 2006, il était un peu plus reconnu que maintenant (3). Il l’est encore évidemment. Mais, une fois de plus, les infrastructures africaines ne sont pas à la hauteur du potentiel des joueurs. Lorsque les moyens alloués au basket baissent, cela se répercute forcément sur le niveau des pratiquants. Heureusement, de plus en plus de jeunes africains viennent aux Etats-Unis tenter leur chance. Et c’est donc aux joueurs qui ont percé ici et aux gouvernements d’aider d’autres jeunes à valoriser notre sport en Afrique.
(1) La Draft est un événement annuel majeur en NBA. C'est une bourse aux joueurs qui vont débuter dans la ligue : lors d’une soirée où sont réunis les dirigeants des 30 équipes, chaque franchise va sélectionner à tour de rôle, selon un ordre prédéfini par tirage au sort, un joueur issu de l’université, du lycée, ou de l’étranger. Luc Mbah a Moute a été sélectionné en 37e choix par Milwaukee.

(2) Les Bucks sont 8e de la Conférence Est avec 14 victoires et 17 défaites, à la date du 29 décembre 2008.

(3) Les Africains étaient alors plus nombreux à jouer en NBA.

Sur Luc Mbah a Moute

Basket-ball

Luc Mbah a Moute avec les Bucks.(Photo : AFP/Chris Graythen)

Luc Mbah a Moute, un Camerounais en NBA

14/11/2008 à 07:58 TU