Tabac
Les multinationales du tabac font de la contrebande
Un groupe de journalistes américains s'est plongé dans les documents internes des industriels du tabac dévoilés à l'occasion de plusieurs procès aux Etats-Unis. Ils y ont découvert que si la contrebande est le plus souvent aux mains des mafias, elle se produit avec l'assentiment des fabricants.
La Commission européenne a décidé de porter plainte contre les fabricants de cigarettes. A Bruxelles, on soupçonne fortement les industriels du tabac d'encourager la contrebande de cigarettes qui atteint des niveaux records ces derniers mois aux frontières de l'Union européenne. Rien qu'en France, ce sont 200 tonnes de cigarettes qui ont été saisies en 1999. Au total, pour les Quinze, ce sont plus de cinq milliards d'euros de manque à gagner, c'est-à-dire de taxes qui n'entrent pas dans les caisses européennes.
Dans ce combat judiciaire, l'Europe ne fait que suivre l'exemple canadien. Le département de la Justice d'Ottawa a déposé plainte en 1999 devant le tribunal fédéral de l'Etat de New York. Une plainte qui vise les sociétés RJR-Macdonald Inc, RJ Reynolds Tobacco Holdings et le Conseil canadien des fabricants de cigarettes (Tobacco Manufacturer's Council). Les autorités canadiennes réclament un milliard de dollars canadiens (environ 700 millions d'euros) en guise de réparation pour les pertes fiscales subies en raison de la contrebande. La plainte canadienne a été déboutée en première instance, au mois de juin dernier, mais les autorités d'Ottawa ont décidé de faire appel.
Les soupçons des autorités canadiennes, comme ceux de la Commission européenne, se fondent sur l'étude des documents internes aux multinationales du tabac qui ont été révélés lors des différents procès organisés aux Etats-Unis ces dernières années.
A partir de ces documents mis au jour devant les tribunaux, un groupe de journalistes appartenant au Consortium international des journalistes d'investigation a mené l'enquête. Ils ont réussi à établir que "contrairement aux proclamations maintes fois répétées des industriels du tabac qui affirment que la contrebande de cigarettes provient du crime organisé ou d'employés indélicats, les documents montrent que les cadres supérieurs des multinationales ou de leurs filiales cherchent à contrôler et à exploiter la contrebande dans le cadre d'une stratégie de marketing au niveau mondial en vue d'accroître les bénéfices".
Intermédiaires de complaisance
L'enquête porte essentiellement sur les activités du numéro deux mondial du secteur: BAT (British American Tobacco). Après six mois d'enquête et après avoir passé au crible 11 000 documents internes de l'entreprise et de ses filiales, les journalistes ont acquis la certitude que BAT organise la contrebande de ses propres produits afin de contourner les barrières douanières et tarifaires mises en place par les gouvernements dans le cadre de politiques de prévention du tabagisme.
Pour accroître leurs parts de marché, les experts en marketing de BAT suggéraient parfois de lancer des campagnes de publicité dans certains pays, ce qui suscitaient des réactions dans l'entreprise. Des notes internes montrent que des mises en garde étaient parfois adressées rappelant qu'il serait déplacé d'organiser une campagne de promotion dans un pays où, officiellement, la société ne vend pas de cigarettes et où ses produits ne sont présents que par le seul biais de la contrebande.
Le terme même de contrebande n'apparaît jamais dans les documents étudiés par les journalistes. On trouve une série d'euphémismes qui ne parviennent pas à camoufler la réalité. Le terme le plus communément employé est "droits non payés" pour désigner une marchandise. On parle aussi de "commerce général", employé par opposition aux "exportations légales".
Même s'ils ne mettent pas directement la main à la pâte dans les opérations de contrebande en augmentation constante, les industriels du tabac ne pourront pas longtemps se camoufler derrière les intermédiaires de complaisance auxquels ils vendent une bonne partie de leur production destinée à l'exportation. Les instances dirigeantes des grandes firmes savent parfaitement que les cigarettes en question sont destinées (avec l'aide des mafias locales) à entrer sur les marchés où les taxes sont élevées. En raison de l'enjeu, les procédures judiciaires engagées par le Canada et la Commission européenne s'annoncent longues et difficiles.
Dans ce combat judiciaire, l'Europe ne fait que suivre l'exemple canadien. Le département de la Justice d'Ottawa a déposé plainte en 1999 devant le tribunal fédéral de l'Etat de New York. Une plainte qui vise les sociétés RJR-Macdonald Inc, RJ Reynolds Tobacco Holdings et le Conseil canadien des fabricants de cigarettes (Tobacco Manufacturer's Council). Les autorités canadiennes réclament un milliard de dollars canadiens (environ 700 millions d'euros) en guise de réparation pour les pertes fiscales subies en raison de la contrebande. La plainte canadienne a été déboutée en première instance, au mois de juin dernier, mais les autorités d'Ottawa ont décidé de faire appel.
Les soupçons des autorités canadiennes, comme ceux de la Commission européenne, se fondent sur l'étude des documents internes aux multinationales du tabac qui ont été révélés lors des différents procès organisés aux Etats-Unis ces dernières années.
A partir de ces documents mis au jour devant les tribunaux, un groupe de journalistes appartenant au Consortium international des journalistes d'investigation a mené l'enquête. Ils ont réussi à établir que "contrairement aux proclamations maintes fois répétées des industriels du tabac qui affirment que la contrebande de cigarettes provient du crime organisé ou d'employés indélicats, les documents montrent que les cadres supérieurs des multinationales ou de leurs filiales cherchent à contrôler et à exploiter la contrebande dans le cadre d'une stratégie de marketing au niveau mondial en vue d'accroître les bénéfices".
Intermédiaires de complaisance
L'enquête porte essentiellement sur les activités du numéro deux mondial du secteur: BAT (British American Tobacco). Après six mois d'enquête et après avoir passé au crible 11 000 documents internes de l'entreprise et de ses filiales, les journalistes ont acquis la certitude que BAT organise la contrebande de ses propres produits afin de contourner les barrières douanières et tarifaires mises en place par les gouvernements dans le cadre de politiques de prévention du tabagisme.
Pour accroître leurs parts de marché, les experts en marketing de BAT suggéraient parfois de lancer des campagnes de publicité dans certains pays, ce qui suscitaient des réactions dans l'entreprise. Des notes internes montrent que des mises en garde étaient parfois adressées rappelant qu'il serait déplacé d'organiser une campagne de promotion dans un pays où, officiellement, la société ne vend pas de cigarettes et où ses produits ne sont présents que par le seul biais de la contrebande.
Le terme même de contrebande n'apparaît jamais dans les documents étudiés par les journalistes. On trouve une série d'euphémismes qui ne parviennent pas à camoufler la réalité. Le terme le plus communément employé est "droits non payés" pour désigner une marchandise. On parle aussi de "commerce général", employé par opposition aux "exportations légales".
Même s'ils ne mettent pas directement la main à la pâte dans les opérations de contrebande en augmentation constante, les industriels du tabac ne pourront pas longtemps se camoufler derrière les intermédiaires de complaisance auxquels ils vendent une bonne partie de leur production destinée à l'exportation. Les instances dirigeantes des grandes firmes savent parfaitement que les cigarettes en question sont destinées (avec l'aide des mafias locales) à entrer sur les marchés où les taxes sont élevées. En raison de l'enjeu, les procédures judiciaires engagées par le Canada et la Commission européenne s'annoncent longues et difficiles.
par Philippe Couve
Article publié le 08/08/2000