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Russie : la démission de Boris Eltsine

Les Russes dos au précipice<br>

En ce lundi de repos, les Moscovites se souciaient assez peu de la guerre en Tchétchénie ou des prochaines élections. Ils pestent contre des températures inhabituellement clémentes et se posent une seule question : " Y aura-t-il de la neige à Noël ? "

Jour férié, donc, en l'honneur de la Constitution. Il n'y a pourtant pas de quoi pavoiser parce que la loi fondamentale, ici, c'est un peu comme un menu de restaurant à l'époque soviétique : la carte est alléchante, mais la plupart des plats sont indisponibles. Bref, au buffet froid de la démocratie russe, rien n'est proposé, tout est imposéà


Il y a 6 mois, le Sommet européen de Cologne décrivait la Russie comme un pays, je cite, " qui de plus en plus donne des signes d'ouverture, de pluralisme, de démocratie et de stabilité, et fait de l'Etat de droit le socle d'une économie prospère ". La réalité est totalement différente : 14 ans après le début de la Perestroïka, 10 ans après la chute du mur de Berlin, 8 ans après la fin de l'Union soviétique, la situation a certes changé mais en pire.

La Russie a non seulement échoué dans le communisme mais aussi dans la transition au capitalisme. Elle est devenue la plus grande république bananière du monde, sans même avoir de bananes. Lénine pensait que l'égalité des citoyens adviendrait du dépérissement de l'Etat. L'Histoire lui a donné tort. L'Etat a dépéri en engendrant le règne de l'injustice. Le PNB de la Russie qui était en dessous de celui des Pays-Bas est passé sous celui du Portugal. En 10 ans, l'espérance de vie a chutéà de 10 ans. 40 % des enfants vivent dans la misère. Un million d'entre eux sont sans domicile fixe, abandonnés de tous. Neuf millions de Russes sont en manque de soins psychiatriques. L'épidémie de sida est en train d'exploser. Le système de santé est en ruine, tout comme le système éducatif. Et ne parlons pas du système carcéral qui condamne un million de prisonniers à la tuberculose, à la torture et aux mauvais traitements. L'économie est gangrenée par la fuite des capitaux, par la corruption, par la criminalité. On enregistre un millier de meurtre sur contrat dans l'année dont un certain nombre sont des meurtres politiques. La décrue mafieuse ronge le c£ur du système, empêchant tout développement d'institution démocratique.


Pourtant, au milieu de cette grande déglingue, il y a des acquis : un certain degré d'ouverture, de pluralisme et de liberté d'entreprendre. Ce sont ces acquis bien que dévoyés qui empêchent tout retour au passé. Le communisme est mort, mais pas encore enterré et il prend sa revanche posthume. Pas de retour au passé donc, mais un avenir qui fait peur. Car la Russie est dos au précipice. Et elle est taraudée par la furieuse envie de faire un grand pas en arrière.



par Jacques  Rozenblum

Article publié le 13/12/1999