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Syrie

Et maintenant, la Syrie<br>

Après le départ de l'armée israélienne du Liban, les regards se tournent désormais vers la Syrie qui maintient près de 35¯000 soldats sur le territoire libanais. Pour Damas, la question du retrait n'est pas à l'ordre du jour. Mais peut-être plus pour très longtemps.
Les responsables israéliens n'ont pas perdu de temps: dès le lendemain du retrait de leur armée du Liban Sud, le président de la Knesset ûle parlementû a déclaré que c'était au tour de la Syrie de se retirer. Longtemps, la question à été taboue au Liban. Officiellement, les soldats syriens sont intervenus en juin 1976 à la demande du président Soliman Frangié pour porter secours à la communauté chrétienne, menacée d'écrasement par le camp «islamo-progressiste». Puis cette présence a été légitimée par la décision de la Ligue arabe de créer une «Force arabe de dissuasion» censée maintenir la paix au Liban, dont l'armée syrienne constitue l'ossature.

Lors de la conclusion des accords de Taëf qui mettent fin à la guerre civile en 1989, la présence syrienne est pérennisée et légalisée, mais sous conditions: le texte adopté prévoit que «les forces syriennes présentes au Liban termineront leur rôle de sécurité dans deux ans au maximum. Le temps pendant lequel les forces syriennes resteront dans ces régions sera précisé par l'accord qui devra être conclu entre les deux gouvernements libanais et syrien». Les deux années passent et les troupes syriennes demeurent. Cette fois, la justification qu'apportent à la fois les responsables syriens, et ceux de Beyrouth est la continuation de l'occupation par Israël du sud du Liban.

Seule personnalité libanaise à évoquer sans détour la perspective d'un départ des forces syriennes, le patriarche maronite, Mgr Nasrallah Sfeir. Mais si ses prêches rencontrent un certain écho dans la population, et pas seulement au sein de la communauté chrétienne, aucun homme politique n'ose relayer son appel. En avril 1996, devant le parlement libanais, le président français Jacques Chirac y avait fait une allusion transparente¯: «L'armée libanaise et les forces de sécurité intérieure doivent être les seuls garants, après un retrait israélien total, de l'autorité de l'Etat sur l'intégralité de votre territoire».

L'heure des choix pour Damas

Le tabou est pourtant tombé en mars 2000, lorsque Gebran Tueni, le directeur de l'influent quotidien indépendant An Nahar, publie un éditorial en forme de lettre ouverte adressé à Bachar el Assad, le fils du président syrien et son successeur probable. Dans cette lettre, Gebran Tuéni évoque publiquement la nécessité d'un retrait syrien du Liban après celui des troupes israéliennes annoncé pour juillet. Une tempête de protestations de la part des autorités de Beyrouth ûà commencer par le président de la République Emile Lahoudû s'ensuit, mais l'agitation retombe rapidement et chacun au Liban peut constater que le ciel n'est pas tombé sur la tête de celui qui avait transgressé l'interdit.

Peu après, sans explications, l'armée syrienne évacue un immeuble qui servait de caserne à ses soldats en plein c£ur de Beyrouth et redéploie plusieurs milliers de soldats stationnés dans la plaine libanaise de la Bekaa.

Désormais, privée de l'atout que constituait vis-à-vis d'Israël l'instabilité au Liban Sud, privée également que la justification de sa présence que constituait l'occupation israélienne, la Syrie est dans l'embarras. Techrine, le très officiel quotidien syrien, estime qu'«il n'y aura pas de paix avec Israël» tant que l'Etat hébreu n'aura pas évacué tous les territoires arabes qu'il occupe, du Golan aux territoires palestiniens. Mais cette ligne de défense ne suffira sans doute pas à résister aux pressions croissantes qui se manifestent déjà.

Damas ne peut ignorer que, tant au Liban que sur la scène arabe ou sur le plan international, il n'y a plus de consensus, même tacite, pour accepter la perpétuation de la présence syrienne au Liban. Et dans la perspective d'une succession qui s'annonce délicate à Damas, le président Assad ne peut risquer de se retrouver isolé. Pour Damas aussi, l'heure des décisions difficiles est venue.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 25/05/2000