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Burkina Faso

Comment l'affaire Zongo a ébranlé le pouvoir

Le 13 décembre 1998, le journaliste burkinabé Norbert Zongo et ses trois compagnons étaient retrouvés morts carbonisés dans leur véhicule à proximité de la localité de Sapouy, à 100 km au sud de Ouagadougou. Seize mois après, on attend toujours de connaître la vérité sur cette affaire.
Certes, une commission d'enquête indépendante créée par le gouvernement avait désigné, dans son rapport de mai 1999, six «suspects sérieux», tous des militaires de la garde rapprochée du président burkinabé Blaise Compaoré. Mais depuis, le juge qui a pris le relais de la commission d'enquête, n'a guère avancé dans l'instruction du dossier. Et si la plupart des suspects identifiés sont aujourd'hui à la Maison d'arrêt et de correction de Ouagadougou, leur arrestation n'est pas directement liée à l'affaire Norbert Zongo. Ils ont été placés sous mandat de dépôt par un juge militaire pour leur implication dans une autre affaireß: celle de David Ouédraogo, chauffeur du frère cadet du président de la République. David Ouédraogo avait trouvé la mort en janvier 1998 après avoir subi des tortures dans les locaux de la sécurité présidentielle. C'est d'ailleurs sur ce crime, qui mettait en cause le frère du président pour «meurtre et recel de cadavre», que Norbert Zongo enquêtait lorsqu'il a été tué.

Une recomposition du paysage politique

Près d'un an et demi donc après l'assassinat du 13 décembre 1998, l'enquête judiciaire n'a donné aucun résultat tangible. En revanche, les retombées politiques et sociales de ce drame qui a plongé le Burkina dans la plus profonde et longue crise de son histoire sont déjà immenses. La pression du Collectif des organisations de la société civile et des partis politiques, créé spontanément au lendemain du 13 décembre pour exiger la lumière sur la mort du journaliste et la fin de l'impunité, aura en quelques mois recomposé totalement la vie politique burkinabé. La lutte contre l'impunité, autrefois sujet tabou, est désormais au c£ur du débat.

Mieux, l'assassinat du journaliste, qui pouvait apparaître comme une simple affaire de liberté de presse, a fait ressortir tous les autres cadavres du «placard». Une commission a recensé en février dernier 75 crimes de sang du fait de la violence politique, restés jusque là impunis. La mort de Norbert Zongo a fait aussi émerger des tiroirs les dossiers politiques qui divisaient le pouvoir et l'opposition. Ainsi, certains articles litigieux de la constitution, le code électoral, la loi sur la Ceni ( Commission électorale nationale indépendante ) etc., viennent d'être révisés dans un sens plus consensuel. On peut même noter en prime la décision de construire un mausolée à la mémoire de l'ancien président Thomas Sankara, assassiné dans le coup d'Etat du 15 octobre 1987 qui a porté au pouvoir l'actuel président.

La liberté de la presse n'est pas en reste. Certes, le code de l'information, jugé suffisamment en avance sur la plupart des codes de la sous-région, ne sera pas modifié. Mais des retouches sont prévues pour le Conseil supérieur de l'information, l'organe de régulation de la presse, dans le sens d'une plus grande indépendance. A sa création en 1996, cette instance jugée proche du pouvoir avait été sévèrement critiquée par la presse. Et elle ne cesse depuis d'être dénoncée par l'opposition.



par Alpha  Barry

Article publié le 02/05/2000