Oléoduc Doba-Kribi
Tchad-France: tensions et malentendus
Quand en 1997/98, la Banque mondiale a commencé à manifester une extrême prudence sur le dossier du projet pétrolier de Doba, Idriss Deby n'a pas manqué de reprocher à la France de ne pas le soutenir assez activement auprès des institutions de Bretton Woods. Avec d'autant plus de ranc£ur, qu'il était lui-même intervenu pour que le pétrolier français Elf entre dans le consortium en 1993. Depuis cette période, les relations franco-tchadiennes ont connu une période de forte tension avec un enchaînement quasi-continu de sujets de friction.
Début 1998, on n'apprécie pas du tout à N'Djaména la gestion par Paris de l'affaire de l'enlèvement des six Français par les rebelles du Docteur Nahor. La mauvaise humeur s'exprime en mai par l'expulsion du colonel Guillou, l'attaché de Défense accusé d'avoir eu des relations trop directes avec les responsables de l'enlèvement. Du côté français, on fait pression pour défendre le député sudiste Yorongar, privé de son immunité et condamné en juillet 1998 à trois ans de prisonà parce qu'il avait, dans un article, accusé certains dirigeants tchadiens de commencer déjà à tirer un profit financier par anticipation de l'argent du pétrole. Charles Josselin, le ministre de la Coopération se rend au Tchad pour calmer le jeu en septembre 1998. Discussions franches sur une longue liste de désaccords. Le chef de l'Etat major des Armées, le général Kelche, était venu quelques jours auparavant pour assainir le dossier complexe de la coopération militaire et de la présence des militaires du dispositif Epervier. Les Tchadiens se plaignent de la nuisance des Mirage français dans la capitale et réclament davantage d'aide pour rénover l'aéroport de N'Djaména, et pour réaliser leurs projets de déminage dans la région du BET (nord). Ils savent que la décision prise à Paris de fermer les bases en Centrafrique et de s'appuyer davantage sur Epervier les met en position avantageuse (d'autant qu'il n'y a pas de véritable accord bilatéral de Défense), en particulier pour obtenir de Paris un soutien moins tiède dans les opérations militaires contre l'opposition armée dans le Nord.
Les signes de mauvaise humeur se sont multipliés : renvoi brutal d'agents de la DGSE en poste au Tchad, accusations de laisser faire le représentant du MDJT (rébellion nordiste ) à Paris, reproches contre Paris de ne pas avoir fermement réagi contre l'assassinat de Bare Maïnassara au Niger. Et Idriss Deby qui choisit d'aller se faire soigner en Arabie Saoudite au lieu de participer au sommet franco-africain qui se tient fin 1998 au Carrousel du Louvre. La Commission mixte franco-tchadienne qui se tient à Paris en juin 1999 favorise une accalmie, mais de courte durée.
Début novembre, l'ambassadeur de France Alain du Boispéan est officiellement chargé d'annoncer à Idriss Deby le retrait d'Elf du projet pétrolier de Doba. Elf s'est engagé à donner à ce retrait un profil bas et à aider à trouver d'autres partenaires et Paris confirme son soutien au projet. Pour Deby, c'est une véritable trahison. Le 16 novembre, éclate dans la capitale tchadienne une violente manifestation anti-française. Paris proteste. N'Djaména présente des excuses. Fin 1999, Deby multiplie les gestes de mauvaise humeur contre les militaires d'Epervier, et contre l'Ambassadeur dont N'Djaména demande le changement immédiat. Début janvier 2000, encore un coup de colère contre l'Ambassade qui diffuse un agenda avec une carte erronée sur le tracé de la frontière libyenne concernant la bande d'Aouzou. Fin janvier, Charles Josselin retourne à N'Djaména pour recoller les pots cassés. Après son retour, la nomination d'un nouvel ambassadeur traîne. Début mars, N'Djaména déclarera "persona non grata" Alain du Boispéan, immédiatement renvoyé à Paris. "Nous avons de bonnes relations avec la France et nous comptons les développer et les raffermir davantage", déclarait alors Mahamat Saheh Annadif, ministre tchadien des Affaires étrangères.
Elf remplacé, un nouvel ambassadeur nommé par Paris, le projet Doba approuvé dans l'euphorie par la Banque mondiale : Paris a géré l'urgence. Mais, les nombreux éléments du contentieux franco-tchadien doivent encore être résolus. La France est toujours le premier partenaire économique et militaire du Tchad avec 300 MF d'aide par an et 90 % des investissements étrangers (hors pétrole). Mais, la large ouverture vers la Libye et les pays du monde arabe, comme la nouvelle équation économique due au pétrole de Doba vont sans doute, dans un avenir proche, faire évoluer les relations franco-tchadiennes.
Début 1998, on n'apprécie pas du tout à N'Djaména la gestion par Paris de l'affaire de l'enlèvement des six Français par les rebelles du Docteur Nahor. La mauvaise humeur s'exprime en mai par l'expulsion du colonel Guillou, l'attaché de Défense accusé d'avoir eu des relations trop directes avec les responsables de l'enlèvement. Du côté français, on fait pression pour défendre le député sudiste Yorongar, privé de son immunité et condamné en juillet 1998 à trois ans de prisonà parce qu'il avait, dans un article, accusé certains dirigeants tchadiens de commencer déjà à tirer un profit financier par anticipation de l'argent du pétrole. Charles Josselin, le ministre de la Coopération se rend au Tchad pour calmer le jeu en septembre 1998. Discussions franches sur une longue liste de désaccords. Le chef de l'Etat major des Armées, le général Kelche, était venu quelques jours auparavant pour assainir le dossier complexe de la coopération militaire et de la présence des militaires du dispositif Epervier. Les Tchadiens se plaignent de la nuisance des Mirage français dans la capitale et réclament davantage d'aide pour rénover l'aéroport de N'Djaména, et pour réaliser leurs projets de déminage dans la région du BET (nord). Ils savent que la décision prise à Paris de fermer les bases en Centrafrique et de s'appuyer davantage sur Epervier les met en position avantageuse (d'autant qu'il n'y a pas de véritable accord bilatéral de Défense), en particulier pour obtenir de Paris un soutien moins tiède dans les opérations militaires contre l'opposition armée dans le Nord.
Les signes de mauvaise humeur se sont multipliés : renvoi brutal d'agents de la DGSE en poste au Tchad, accusations de laisser faire le représentant du MDJT (rébellion nordiste ) à Paris, reproches contre Paris de ne pas avoir fermement réagi contre l'assassinat de Bare Maïnassara au Niger. Et Idriss Deby qui choisit d'aller se faire soigner en Arabie Saoudite au lieu de participer au sommet franco-africain qui se tient fin 1998 au Carrousel du Louvre. La Commission mixte franco-tchadienne qui se tient à Paris en juin 1999 favorise une accalmie, mais de courte durée.
Début novembre, l'ambassadeur de France Alain du Boispéan est officiellement chargé d'annoncer à Idriss Deby le retrait d'Elf du projet pétrolier de Doba. Elf s'est engagé à donner à ce retrait un profil bas et à aider à trouver d'autres partenaires et Paris confirme son soutien au projet. Pour Deby, c'est une véritable trahison. Le 16 novembre, éclate dans la capitale tchadienne une violente manifestation anti-française. Paris proteste. N'Djaména présente des excuses. Fin 1999, Deby multiplie les gestes de mauvaise humeur contre les militaires d'Epervier, et contre l'Ambassadeur dont N'Djaména demande le changement immédiat. Début janvier 2000, encore un coup de colère contre l'Ambassade qui diffuse un agenda avec une carte erronée sur le tracé de la frontière libyenne concernant la bande d'Aouzou. Fin janvier, Charles Josselin retourne à N'Djaména pour recoller les pots cassés. Après son retour, la nomination d'un nouvel ambassadeur traîne. Début mars, N'Djaména déclarera "persona non grata" Alain du Boispéan, immédiatement renvoyé à Paris. "Nous avons de bonnes relations avec la France et nous comptons les développer et les raffermir davantage", déclarait alors Mahamat Saheh Annadif, ministre tchadien des Affaires étrangères.
Elf remplacé, un nouvel ambassadeur nommé par Paris, le projet Doba approuvé dans l'euphorie par la Banque mondiale : Paris a géré l'urgence. Mais, les nombreux éléments du contentieux franco-tchadien doivent encore être résolus. La France est toujours le premier partenaire économique et militaire du Tchad avec 300 MF d'aide par an et 90 % des investissements étrangers (hors pétrole). Mais, la large ouverture vers la Libye et les pays du monde arabe, comme la nouvelle équation économique due au pétrole de Doba vont sans doute, dans un avenir proche, faire évoluer les relations franco-tchadiennes.
par Hugo Sada
Article publié le 14/06/2000