Corse
Le processus de Matignon à l'épreuve du feu
Un attentat à l'explosif contre les locaux d'un organisme public à Ajaccio relance les spéculations sur l'avenir du processus de négociations engagé entre le gouvernement et les élus de l'île. Après l'assassinat de l'ancien dirigeant nationaliste Jean-Michel Rossi, une question hante les esprits : qui souhaite le retour à la violence?
La déflagration a secoué tout le quartier brisant les vitres des bâtiments alentours. Il était 4h14 dimanche matin lorsque la voiture piégée a explosé au pied de l'Agence pour le développement économique de la Corse (Adec) à Ajaccio. Le premier des quatre étages de l'immeuble a été ravagé, mais il n'y a pas eu de blessés.
L'attentat, pour l'heure, n'a pas été revendiqué, mais l'Adec était jusqu'ici l'une des cibles favorites des nationalistes clandestins. C'est le troisième attentat qui vise cette institution locale. Les dégâts liés à la précédente explosion étaient d'ailleurs à peine réparés, et les travaux de remise en état venaient tout juste de s'achever.
Cet attentat intervient moins d'une semaine après l'assassinat de l'ancien dirigeant nationaliste Jean-Michel Rossi et de son garde du corps. Deux actes de violence qui sont analysés comme le signe d'une volonté de torpiller le processus de négociation engagé entre le gouvernement et les élus de l'île(nationalistes compris). Le processus de Matignon prévoit, entre autres, d'accroître l'autonomie de la Corse et d'octroyer aux élus de l'île vers 2004 le pouvoir d'adapter les lois.
En contrepartie de cette extension du champ de l'autonomie dont bénéficie la Corse, le gouvernement, même s'il a cessé de faire de l'arrêt de la violence un préalable, réclame «le rétablissement durable de la paix civile». En rompant le silence des armes et en visant une cible telle que l'Adec, les poseurs de bombe ont donc voulu clairement mettre en péril le processus de Matignon.
L'attentat a immédiatement été condamné «sans réserve» par A Cuncolta, la plus importante organisation nationaliste, et par la coalition Unita qui regroupe la plupart des mouvements nationalistes officiels. Cet attentat «apparaît comme une démarche de déstabilisation du dialogue constructif engagé entre le gouvernement et les élus de la Corse», juge pour sa part José Rossi, le président de l'Assemblée territoriale.
La question est donc sur toutes les lèvres: qui a donc intérêt à commettre des actes qui peuvent faire dérailler le fragile processus de Matignon? La réponse est peut-être à chercher dans les écrits posthumes de Jean-Michel Rossi. Dans un texte rédigé juste avant son assassinat, l'ancien dirigeant de A Cuncolta reproche l'absence de conscience politique de nombre de militants nationalistes «qui ne possèdent aucun bagage théorique». Dans cette interview publiée par l'hebdomadaire Marianne, l'ex-dirigeant nationaliste estime qu'il «est commode, dès lors, pour toute sorte de petits chefs de se constituer une milice docile». Jean-Michel Rossi juge par ailleurs que le mouvement nationaliste «n'a ni tête, ni cadre, ni projet cohérent crédible. Dès lors, la base, livrée à elle-même, est disponible pour toutes les aventures».
Dans ce texte posthume, Jean-Michel Rossi revient sur l'un des thèmes qu'il abordait dans le livre d'entretiens qu'il avait accordés à un journaliste en compagnie de l'autre ancien dirigeant nationaliste François Santoni: la dérive mafieuse de la Corse. Quelques jours avant son assassinat, il répètait que «la ligne de fracture ne passe pas, comme d'aucun voudraient le faire croire, entre partisans de plus ou de moins d'autonomie, mais bien entre ceux qui veulent que l'Etat, la République, assume sa part de responsabilités dans une indispensable remise en ordre, et ceux qui, au prétexte d'étendre les pouvoirs locaux, ne rêvent que de s'affranchir de toute tutelle, notamment en matière de droit du travail, à seule fin de créer un paradis fiscal bientôt aux mains de la mafia».
L'attentat, pour l'heure, n'a pas été revendiqué, mais l'Adec était jusqu'ici l'une des cibles favorites des nationalistes clandestins. C'est le troisième attentat qui vise cette institution locale. Les dégâts liés à la précédente explosion étaient d'ailleurs à peine réparés, et les travaux de remise en état venaient tout juste de s'achever.
Cet attentat intervient moins d'une semaine après l'assassinat de l'ancien dirigeant nationaliste Jean-Michel Rossi et de son garde du corps. Deux actes de violence qui sont analysés comme le signe d'une volonté de torpiller le processus de négociation engagé entre le gouvernement et les élus de l'île(nationalistes compris). Le processus de Matignon prévoit, entre autres, d'accroître l'autonomie de la Corse et d'octroyer aux élus de l'île vers 2004 le pouvoir d'adapter les lois.
En contrepartie de cette extension du champ de l'autonomie dont bénéficie la Corse, le gouvernement, même s'il a cessé de faire de l'arrêt de la violence un préalable, réclame «le rétablissement durable de la paix civile». En rompant le silence des armes et en visant une cible telle que l'Adec, les poseurs de bombe ont donc voulu clairement mettre en péril le processus de Matignon.
L'attentat a immédiatement été condamné «sans réserve» par A Cuncolta, la plus importante organisation nationaliste, et par la coalition Unita qui regroupe la plupart des mouvements nationalistes officiels. Cet attentat «apparaît comme une démarche de déstabilisation du dialogue constructif engagé entre le gouvernement et les élus de la Corse», juge pour sa part José Rossi, le président de l'Assemblée territoriale.
La question est donc sur toutes les lèvres: qui a donc intérêt à commettre des actes qui peuvent faire dérailler le fragile processus de Matignon? La réponse est peut-être à chercher dans les écrits posthumes de Jean-Michel Rossi. Dans un texte rédigé juste avant son assassinat, l'ancien dirigeant de A Cuncolta reproche l'absence de conscience politique de nombre de militants nationalistes «qui ne possèdent aucun bagage théorique». Dans cette interview publiée par l'hebdomadaire Marianne, l'ex-dirigeant nationaliste estime qu'il «est commode, dès lors, pour toute sorte de petits chefs de se constituer une milice docile». Jean-Michel Rossi juge par ailleurs que le mouvement nationaliste «n'a ni tête, ni cadre, ni projet cohérent crédible. Dès lors, la base, livrée à elle-même, est disponible pour toutes les aventures».
Dans ce texte posthume, Jean-Michel Rossi revient sur l'un des thèmes qu'il abordait dans le livre d'entretiens qu'il avait accordés à un journaliste en compagnie de l'autre ancien dirigeant nationaliste François Santoni: la dérive mafieuse de la Corse. Quelques jours avant son assassinat, il répètait que «la ligne de fracture ne passe pas, comme d'aucun voudraient le faire croire, entre partisans de plus ou de moins d'autonomie, mais bien entre ceux qui veulent que l'Etat, la République, assume sa part de responsabilités dans une indispensable remise en ordre, et ceux qui, au prétexte d'étendre les pouvoirs locaux, ne rêvent que de s'affranchir de toute tutelle, notamment en matière de droit du travail, à seule fin de créer un paradis fiscal bientôt aux mains de la mafia».
par Philippe Couve
Article publié le 16/08/2000