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Social

Un conflit social explosif

Pendant deux semaines, début juillet 2000, les 153 salariés licenciés de la Cellatex ont menacé de faire exploser leur filature pour obtenir une prime de départ de 150 000 francs. Leur geste désespéré et inédit leur a valu la une des journaux. Une méthode qui a vite fait école dans d'autres entreprises françaises vouées à la fermeture. Le reportage de Laurent Berthault à Givet.
Le reportage de Laurent Berthault

"On nous a abandonnés". Le regard brouillé de larmes, les yeux rougis par des nuits de ronde dans l'usine occupée, Manuel Ferreira, 35 ans dont 18 passées à "la soie", déambule sans but dans la cour dévastée de la Cellatex. Des tilleuls presque centenaires jonchent le sol, tronçonnés par des salariés à bout qui refusent la fatalité d'une nouvelle fermeture d'usine dans une région sinistrée: le taux de chômage dépasse déjà les 20%. "La fermeture de la Cellatex, c'est la mort de Givet. On sera tous rmistes*", prédit Manuel, qui envisage pourtant difficilement de quitter sa ville, sa maison, ses amis, pour aller chercher du travail ailleurs.

"Dans ces conditions, mieux vaut tenir que courir" résume Christian Larose responsable national du syndicat CGT textile, venu épauler les délégués de l'entreprise. En l'absence de patron- "Le dernier repreneur est parti comme un malpropre", explique le député socialiste Philippe Vuilcque, les licenciés se retournent vers l'Etat pour obtenir une prime de départ de 150 000 francs, faute de quoi, ils menacent de "tout faire sauter". Et ils ont tout ce qu'il faut pour le faire. Il y a dans l'usine une cuve de solvant hautement inflammable, du sulfure de carbone. Sans mettre leur menace a exécution, les désespérés iront pourtant jusqu'à lâcher 5 000 litres d'acides dans la nature. Une action réalisée devant les caméras des chaînes de télévision françaises et étrangères et qui leur a permis d'obtenir une prime de 80 000 francs.

Une victoire amère. "C'est une première dont on n'est pas vraiment fier" explique l'un des porte-parole Remo Pesa, aujourd'hui au chômage. "C'est regrettable d'avoir dû utiliser une menace, et qu'on nous traite de terroriste, tout ça seulement pour pouvoir entamer un dialogue avec nos gouvernants".

*rmiste : personne qui touche le RMI (revenu minimum d'insertion), aide de solidarité versée par l'Etat



par Laurent  Berthault

Article publié le 06/08/2000