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Serbie

Milosevic resserre son emprise<br>sur la magistrature

La réputation de la magistrature serbe, autrefois très respectée et prestigieuse, s'est rapidement détériorée durant ces dernières années. Un article publié par le (pseudonyme d'un journaliste de Belgrade)
The Institute for War & Peace Reporting (IWPR)
Article traduit par Cécile Fisler et repris par Le Courrier des Balkans.
Vingt-et-un juges ont été démis le mois dernier par le parlement serbe lors de la dernière purge affectant des membres dissidents de la magistrature. Leur seul crime a été de soutenir Miroslav Todorovic, membre du mouvement de résistance estudiantin Otpor et juge de district, congédié il y a deux mois pour ses positions anti-régime. Avec la politisation croissante de la magistrature, les quelques juges ayant encore l'esprit indépendant ont de plus en plus de mal à exercer leur métier et certains d'entre eux quittent la magistrature de leur plein gré.

En fait, après le renvoi de Todorovic, plusieurs juges importants ont fait part de leur intention de quitter le barreau en expliquant qu'ils ne pouvaient plus travailler dans les conditions actuelles. Soucieuses d'enrayer l'exode des juges, les autorités auraient l'intention d'interdire aux anciens juges de travailler en tant qu'avocats. «A Belgrade, certaines rumeurs laissent entendre que nous n'aurons pas le droit de pratiquer le métier d'avocat suite à une décision gouvernementale ou quelque autre promulgation», a déclaré Todorovic.

La réputation de la magistrature, autrefois très respectée et prestigieuse s'est détériorée au cours des dernières années û principalement à cause de la politisation de la profession et de la baisse des salaires.

Lorsque le Communisme a été remplacé par un système pluripartite au début des années quatre-vingt-dix, les juges serbes ont pu être indépendants pour la première fois en 45 ans. Alors que la majorité d'entre eux avaient été membres de la Fédération communiste, nombre d'entre eux n'ont pas pris la peine de s'inscrire au parti Socialiste de Serbie (SPS) post-communiste actuellement au pouvoir. «La plupart d'entre eux ont refusé de s'inscrire dans un parti», a déclaré Todorovic, « à l'exception de quelques juges ambitieux désirant être nommés à la Cour Suprême».

Cependant, lors de l'hyper-inflation de 1993, lorsqu'il fallait tout un salaire pour acheter une boîte d'allumettes, plus d'un tiers des juges ont repris leur métier d'avocat. Des membres inexpérimentés et non qualifiés du parti au pouvoir ont été recrutés pour prendre leur place. Le niveau des décisions judiciaires s'est rapidement avéré déficient, affirme Todorovic. Cela concerne aussi bien la durée des procès que la piètre qualité de nombreux jugements.

En 1996, l'étendue de la politisation du barreau est apparue de façon évidente lorsque plusieurs juges proches de la Gauche yougoslave (JUL) et du SPS ont annulé une victoire de l'opposition à des élections locales. Après 88 jours de manifestations de l'opposition et de pression internationale, les résultats des élections ont été rétablis.

A ce stade, les juges ayant encore l'esprit indépendant ont formé un corps professionnel û l'Association des Juges Serbes û qui depuis est une source d'irritation pour le régime. Lorsque la JUL et le parti extrémiste Radical Serbe (SRS), sont entrés au gouvernement, les critères pour la sélection des juges ont baissé encore davantage. De jeunes juges qui attendaient une promotion depuis des années ont été ignorés tandis que des hommes politiques ont offert des postes à des hommes qui n'avaient jamais mis les pieds dans un tribunal. La Gazette Officielle de la République de Serbie qui publie la liste des candidats choisis a révélé que la plupart des nouveaux «juges» travaillaient auparavant dans des fermes, des centres communautaires, ou dans des unités de forces spéciales de l'armée yougoslave.

L'ancien juge du tribunal de district Zoran Stojkovic a déclaré que les abus actuels de la magistrature n'auraient jamais pu se produire à l'époque communiste. «Le leader du SRS, Vojislav Seselj, a ouvertement exigé de pouvoir choisir les juges sur la base du nombre de sièges qu'il détient au parlement».

L'année dernière, lorsque la magistrature a commencé à protester au sujet des salaires (en Serbie un policier est mieux payé qu'un juge de district), le régime est intervenu. La Cour Suprême a ordonné aux présidents des tribunaux d'instance de faire la liste des juges qui étaient membres de l'Association des Juges Serbes. «Cela ne pouvait conduire qu'à leur exclusion de la magistrature. C'est pourquoi la plupart des juges, qu'ils soient ou non membres de l'Association, ont signé une déclaration niant être membres», rappelle Zoran Ivosevic qui a été renvoyé de la Cour Suprême et de son poste de président du conseil d'administration de l'Association des Juges. Slobodan Vucetic, juge à la Cour Constitutionnelle, a également été renvoyé en même temps que ceux qui se sont exprimés au sujet de l'état de la magistrature, comme par exemple un membre de l'Association, Radmila Dragicevic Dicic. « Les affaires particulièrement importantes pour l'Etat sont désormais toujours jugées par les mêmes juges, affirme Dicic, ce qui a donné lieu à de graves abus de justice. Le seul critère pour ce travail n'est plus ce que vous savez, mais qui vous connaissez».

(pseudonyme d'un journaliste de Belgrade)
The Institute for War & Peace Reporting (IWPR)
Article traduit par Cécile Fisler et repris par Le Courrier des Balkans



par Dan  Ilic

Article publié le 05/09/2000