Prix Nobel
Gao Xingjian, contestataire francophone
Une fois encore, les Nobel ont frappé fort en décernant jeudi 12 octobre leur prix de littérature. Gao Xingjian est un écrivain chinois d'avant-garde hautement subversif. Ses armes : la critique, la liberté, l'absurde, l'humour.
On s'attendait à Philip Roth, V.S. Naipaul, Mario Vargas Llosa ou même Salman Rushdie, ce qui aurait eu dans ce dernier cas le mérite de récompenser à la fois la qualité de l'écrivain et l'audace du caractère. Tous excellents, mais trop connus peut-être. En fait, le jury d'Oslo est fidèle à lui-même en couronnant un inconnu du grand public tout en envoyant un fort signal politique à son pays d'origine, la Chine. Deuxième signal en l'occurrence, après le Nobel de la paix décerné en 1989 au Dalaï Lama, le chef tibétain dont le pays est occupé depuis cinquante ans par le régime communiste de Pékin.
Nobel surprise : le nom et l'£uvre de Gao Xingjian, même si cet artiste de 60 ans, peintre, dramaturge, poète et romancier, a signé une bonne dizaine d'£uvres de théâtre, d'essais et de romans, sont parfaitement inconnus du grand public, aussi bien dans le monde qu'en Chine. Père banquier, mère actrice, le jeune créateur est envoyé dans des camps de rééducation pendant la Révolution dite culturelle (1966-1976) où on le contraint - torture suprême - à brûler une valise pleine de manuscrits. Il fera ensuite partie de ce petit nombre de créateurs critiques à l'égard des «ogres du Parti». Considéré comme le pionnier du théâtre et de la littérature d'avant-garde (modernisme contre réalisme, liberté de pensée et de création, et un recours à l'humour et à l'absurde que les officiels chinois qualifient de «pollution spirituelle»!), il s'exile à Paris après le massacre de Tian An Men en 1989.
Une prose fantaisiste et poétique
Nobel politique : l'an dernier, le ministère des Affaires étrangères chinois avait mis en garde le comité Nobel d'Oslo contre la tentation de décerner le prix de la Paix à des dissidents politiques chinois en exil. Qu'à cela ne tienne : le Nobel de littérature vient attirer l'attention du monde entier sur l'un des opposants les plus virulents au régime de Pékin. Un homme dont l'£uvre est hautement subversive par la forme (une prose fantaisiste et poétique) aussi bien que le fond. Après quelques représentations en Chine, sa pièce La Fuite est frappée d'une interdiction totale. Le sujet : dans un entrepôt désaffecté, à deux pas de la Place, un étudiant, un homme d'âge mur et une jeune actrice se sont réfugiés pour fuir la répression qui vient de s'abattre. Une autre pièce introduisant des éléments du théâtre de l'absurde, Arrêt d'autobus, remporte en 1983 un triomphe à Pékin; elle est condamnée par les autorités comme «le texte le plus pernicieux écrit depuis la création de la République populaire.» Le Somnambule, qui dénonce la misère et la violence des villes dans un humour grinçant obtientàle prix RFI du théâtre en 1994. Dans son roman Les Montagnes de l'âme (1995), autobiographie picaresque et burlesque, Gao Xingjian règlera ses comptes avec son ancienne patrie.
Nobel «francophone» accessoirement : si Gao Xingjian écrit en chinois, et s'il est le premier écrivain chinois récompensé par le Nobel, il a «adopté» la France dans sa jeunesse puisqu'il avait obtenu en 1962 un diplôme universitaire de français à l'Institut des langues étrangères de Pékin. Nourri d'écrivains français, auteur d'essais modernistes sur le roman et le théâtre, s'exprimant parfaitement en français, il a choisi la France pour pays d'exil en 1989 et il habite toujours en banlieue parisienne. «Ma France, c'est l'esprit de liberté», a-t-il dit. Mais aussi : «La nationalité de l'écrivain, c'est la littérature.»
Nobel surprise : le nom et l'£uvre de Gao Xingjian, même si cet artiste de 60 ans, peintre, dramaturge, poète et romancier, a signé une bonne dizaine d'£uvres de théâtre, d'essais et de romans, sont parfaitement inconnus du grand public, aussi bien dans le monde qu'en Chine. Père banquier, mère actrice, le jeune créateur est envoyé dans des camps de rééducation pendant la Révolution dite culturelle (1966-1976) où on le contraint - torture suprême - à brûler une valise pleine de manuscrits. Il fera ensuite partie de ce petit nombre de créateurs critiques à l'égard des «ogres du Parti». Considéré comme le pionnier du théâtre et de la littérature d'avant-garde (modernisme contre réalisme, liberté de pensée et de création, et un recours à l'humour et à l'absurde que les officiels chinois qualifient de «pollution spirituelle»!), il s'exile à Paris après le massacre de Tian An Men en 1989.
Une prose fantaisiste et poétique
Nobel politique : l'an dernier, le ministère des Affaires étrangères chinois avait mis en garde le comité Nobel d'Oslo contre la tentation de décerner le prix de la Paix à des dissidents politiques chinois en exil. Qu'à cela ne tienne : le Nobel de littérature vient attirer l'attention du monde entier sur l'un des opposants les plus virulents au régime de Pékin. Un homme dont l'£uvre est hautement subversive par la forme (une prose fantaisiste et poétique) aussi bien que le fond. Après quelques représentations en Chine, sa pièce La Fuite est frappée d'une interdiction totale. Le sujet : dans un entrepôt désaffecté, à deux pas de la Place, un étudiant, un homme d'âge mur et une jeune actrice se sont réfugiés pour fuir la répression qui vient de s'abattre. Une autre pièce introduisant des éléments du théâtre de l'absurde, Arrêt d'autobus, remporte en 1983 un triomphe à Pékin; elle est condamnée par les autorités comme «le texte le plus pernicieux écrit depuis la création de la République populaire.» Le Somnambule, qui dénonce la misère et la violence des villes dans un humour grinçant obtientàle prix RFI du théâtre en 1994. Dans son roman Les Montagnes de l'âme (1995), autobiographie picaresque et burlesque, Gao Xingjian règlera ses comptes avec son ancienne patrie.
Nobel «francophone» accessoirement : si Gao Xingjian écrit en chinois, et s'il est le premier écrivain chinois récompensé par le Nobel, il a «adopté» la France dans sa jeunesse puisqu'il avait obtenu en 1962 un diplôme universitaire de français à l'Institut des langues étrangères de Pékin. Nourri d'écrivains français, auteur d'essais modernistes sur le roman et le théâtre, s'exprimant parfaitement en français, il a choisi la France pour pays d'exil en 1989 et il habite toujours en banlieue parisienne. «Ma France, c'est l'esprit de liberté», a-t-il dit. Mais aussi : «La nationalité de l'écrivain, c'est la littérature.»
par Henriette SARRASECA
Article publié le 12/10/2000