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Yémen

L'ombre de Ben Laden

L'attentat contre le destroyer américain USS Cole a été revendiqué vendredi par un groupe inconnu dénommé les Forces islamiques de dissuasion. Dans le même temps, à Londres, un responsable islamiste local a fait état d'une autre revendication. Il s'agirait selon lui d'un groupe dénommé l'Armée de Mohammed. Mais, pour les chaînes de télévision américaines, Oussama Ben Laden pourrait être à l'origine de l'explosion du destroyer américain et de l'attentat contre l'ambassade britannique au Yémen. Selon CBS, «les preuves irréfutables n'existent pas mais le point de départ de l'enquête est que (cette attaque) était commanditée par Oussama Ben Laden». Depuis deux ans, le milliardaire saoudien, est devenu la bête noire des Etats-Unis après les attentats contre deux de leurs ambassades en Afrique.
Xavier Raufer, Directeur de l'Institut de criminologie de l'université Paris 2, revient sur ces accusations.
RFI : Après les attentats au Yémen, le nom de Ben Laden commence à être évoqué. Que pensez-vous de cette hypothèse ?

Xavier Raufer : A mon avis il faut être prudent. Il y a bien un groupe qui s'appelle l'Armée islamique d'Aden Abyan, qui opère dans la province autour d'Aden (ville où le destroyer américain a été touché, ndlr) et qui a été soutenu par Ben Laden au moment de sa création. Cependant, les choses évoluent. Ce groupe n'envoie pas un faire-part à chaque fois qu'il prend une décision. Et aujourd'hui on ne sait pas qui exerce une influence sur lui. Par ailleurs, les musulmans du monde entier sont fâchés aujourd'hui, même les plus calmes. Il est donc très difficile de dire qui est responsable des deux attaques.

RFI : Quel est le poids d'Oussama Ben Laden dans le monde arabe ?

XR : Il a surtout un poids symbolique. Lors de la guerre en Afghanistan, il a joué un rôle important. Mais il n'est pas parti tout seul. Oussama Ben Laden est l'émanation du clan Ben Laden, très important en Arabie Saoudite et qui a une forte activité dans le bâtiment. Pendant la guerre, son rôle était de construire des bunkers pour protéger les moudjahidines contre l'aviation soviétique. Il a tenu un rôle assez héroïque et bien sûr tout cela s'est fait en liaison avec les services secrets, pakistanais mais aussi américains, dans le but d'entraver l'action des Soviétiques. Mais par la suite, lors de la guerre du Golfe, il a très mal pris le fait que les Etats-Unis installent des bases en Arabie Saoudite. Il est devenu violemment anti-américain de la même manière qu'il était anti-soviétique. A partir de là il a lancé des fatwas et monté des groupes anti-américains. Cependant, il a un rôle symbolique fort mais ses moyens sont limités.

«Les Américains ont un problème d'analyse»

RFI : Si la thèse de l'attentat est confirmée suite à l'explosion du bateau, que peut-on attendre ?

XR : Les attentats sont généralement organisés par vagues. Mais il faut rester très prudent.

RFI : Ben Laden semble insaisissable. Mais les Etats-Unis, dont il est l'un des plus farouches opposants, n'ont-ils réellement aucun moyen de mettre fin à ses activités ?

XR : A discuter avec des officiels américains, je peux vous dire qu'ils n'ont pas compris le phénomène. Ben Laden en tant qu'homme n'est pas grand-chose, c'est le clan qui est important. Les Américains ont un problème d'analyse et se font une idée radicalement fausse. Or il y a toujours deux étapes incontournables face à un problème : le diagnostic et ensuite le traitement. Si le diagnostic n'est pas bon, le traitement ne sera pas efficace. Ce que souhaitent les Etats-Unis, traduire Ben Laden devant un tribunal à New York et le condamner à 683 ans de prison, n'est pas un traitement approprié.



par Propos recueillis par Michel  KHELIFA

Article publié le 12/10/2000