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Balkans

Elections municipales au Kosovo

De notre correspondant dans les Balkans

La partie va principalement se jouer entre trois formations : la Ligue démocratique du Kosovo (LDK) d'Ibrahim Rugova, le Parti démocratique du Kosovo (PDK) d'Ashim Thaçi, qui veut s'imposer comme l'expression politique de l'ancienne Armée de libération (UCK), officiellement dissoute depuis un an, et l'Alliance démocratique du Kosovo (AAK) d'un ancien commandant de l'armée secrète entré en dissidence, Ramush Haradinaj. A défaut de se distinguer par leur propositions, ces trois groupements û qui cultivent par exemple le même flou sur les enjeux économiques ou sociaux û vont donc opposer leur vision du passé. La LDK insiste sur les dix années de « résistance non-violente » qu'elle a dirigé, tandis que le PDK met en exergue le rôle de la lutte armée menée par l'UCK .

La campagne a été émaillée par de violents incidents. Très fréquemment, les militants de la LDK ont été empêché de mener campagne, et des cadres du parti ont été victimes d'attentats, l'un d'eux trouvant encore la mort en août dernier. Malgré cela, la plupart des observateurs pensent que la LDK part favorite, à la fois en raison du réflexe « légitimiste » jouant en faveur d'Ibrahim Rugova, et parce que la population commence à se lasser de l'extrémisme professé par le PDK. Les anciens commandants de l'UCK sont presque tous entrés dans de violents conflits d'intérêts mafieux, qui constituent la toile de fonds de la rupture entre Hashim Thaçi et Ramush Haradinaj. Ce dernier contrôle très largement l'ouest du Kosovo, où il a su développer de juteux trafics avec le Monténégro et l'Albanie. Dans la plupart des communes du Kosovo, des cadres de l'UCK, maintenant membres du PDK ont fait main basse sur les administrations et les services communaux. On ignore quelle pourra être leur attitude en cas de victoire de la LDK dans ces communes.

L'élection de Kostunica à Belgrade change la donne


Les 100 000 Serbes qui vivent encore au Kosovo boycotteront le scrutin, alors qu'ils sont à nouveau victimes d'une flambée de violence qui affectent presque toutes les enclaves. Pour les dirigeants de la communauté, il était impossible de participer à ces élections alors que l'administration internationale s'est révélée incapable de garantir des conditions de sécurité minimales aux Serbes et aux membres des autres minorités du Kosovo, Roms ou Slaves musulmans. La Mission des Nations-Unies au Kosovo (MINUK) a prévu de nommer d'office des représentants serbes dans les futures administrations communales, mais la situation confinera à l'absurde dans les quelques communes exclusivement serbes comme Leposavic ou Zubin Potok.

Les élections du 28 octobre interviennent alors que la victoire de Vojislav Kostunica a profondément modifié la donne politique en Yougoslavie. Le nouveau président affirme vouloir s'en tenir à une stricte application de la résolution 1244 des Nations-Unies, qui prévoit certes une « large autonomie » pour le Kosovo, mais dans le cadre de la Fédération yougoslave. Elément majeur, les arguments serbes risquent d'être davantage entendus maintenant que lorsque Slobodan Milosevic régnait à Belgrade. Le fossé entre l'administration internationale et une classe politique albanaise qui se livre aux joies douteuses de la surenchère nationaliste risque donc de s'approfondir. Malgré les critiques nombreuses formulées sur l'organisation du scrutin, la constitution des listes électorales et les conditions d'objectivité de la campagne, la tenue des élections constitue un tour de force réussi pour la MINUK, dont le chef, Bernard Kouchner, songe de plus en plus au départ.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 26/10/2000