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Esclavage

Simple amende <br>pour les exploiteurs d'Henriette

Les époux Bardet, poursuivis pour avoir exploité Henriette Siliadin, leur ancienne employée de maison togolaise, sont condamnés en appel à une simple amende de 10 000 F. Ce jugement provoque l'incompréhension des associations humanitaires et l'indignation des Verts.
Finalement, la cour d'appel de Paris n'a retenu contre le couple Bardet qu'un seul des trois chefs d'inculpation initiaux : l'emploi d'une personne en situation irrégulière. Les époux sont condamnés à une simple amende de 10 000 F, ce qui équivaut pratiquement à une relaxe, compte tenu des réquisitions du parquet. Celui-ci avait demandé la confirmation de la peine prononcée en première instance : un an de prison, dont sept mois avec sursis, 100 000 F d'amende pour chacun des époux, et trois ans de privation de leurs droits civiques, civils, et familiaux. Le 10 juin 1999, le tribunal correctionnel de Paris avait justifié cette sanction en considérant qu'Henriette, leur jeune bonne togolaise employée clandestinement, était en situation de vulnérabilité. En revanche, à aucun moment la justice n'a retenu le chef d'inculpation de traitements inhumains et dégradants. Les défenseurs d'Henriette, mineure à l'époque des faits, avaient pourtant fait valoir les conditions déplorables dans lesquelles celle-ci avait été exploitée durant quatre ans, entre 1994 et 1998 : douze heures de travail par jour sept jours sur sept, aucune sortie sauf pour accompagner les enfants à l'école, un simple matelas à même le sol pour dormir, tout cela sans qu'aucun salaire ne lui soit versé. De leur côté, Vincent et Aminata Bardet soutenaient que la jeune fille vivait «dans une atmosphère familiale», tandis que leur avocat rejetait le terme d'«esclavagisme moderne», affirmant que «les Bardet avaient été condamnés d'avance par l'opinion publique et par la presse».

«Pratiques néo-esclavagistes»

Le cas d'Henriette avait soulevé une vague d'émotion en France, de nombreuses voix s'élevant pour dénoncer le comportement des époux Bardet. D'autant que Vincent Bardet est éditeur et fils du fondateur des éditions du Seuil, une grande maison connue pour son engagement humaniste.

Dès l'annonce de l'arrêt de la cour d'appel, le Comité contre l'esclavage moderne (CCEM), qui a soutenu et pris en charge Henriette tout au long de la procédure, a fait par de son «incompréhension». L'association voyait là une affaire exemplaire, révélatrice des nouvelles formes d'exploitation des étrangers clandestins. Elle constate aujourd'hui que «plus rien n'empêche quiconque de faire venir une mineure d'un pays pauvre et de l'exploiter en tout impunité». Les Verts, seul parti politique à avoir réagi au jugement, expriment «leur indignation», et demandent la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire «chargée d'établir clairement les responsabilités des filières clandestines et faire enfin toute la lumière sur les pratiques néo-esclavagistes en France».

L'histoire d'Henriette n'est pas un cas isolé. Récemment, un couple de Marocains vivant à Paris s'est vue infliger plusieurs mois de prison pour avoir employé une compatriote en situation irrégulière, en la faisant «vivre dans des conditions indignes». Une dizaine de dossiers ont été jugés ces derniers mois, et une trentaine de procédures sont actuellement en cours.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 20/10/2000