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Bosnie

Le SDS revendique une triple victoire

Les nationalistes du Parti démocratique serbe (SDS) ont revendiqué dimanche la victoire dans trois scrutins auxquels ils participaient lors des élections générales samedi en Bosnie. Il n'y a toujours pas de résultats définitifs et cette élection s'est déroulée sur fond de crise économique.
De notre envoyé spécial en Bosnie Herzégovine

Ce scrutin s'est tenu dans un pays toujours divisé entre la Fédération croato-musulmane et la Republika Srpska. Depuis un peu plus d'un an, la route qui relie Sarajevo à Pale, l'ancienne capitale du «Sarajevo serbe», est fermée à la circulation, et il faut faire un long détour par de petites routes de montagne pour sortir de la capitale bosniaque. Paradoxalement, les habitants de Pale sont les premiers à le regretter: «la communauté internationale voudrait que les relations se rétablissent entre les deux entités de Bosnie, mais tout est fait pour nous dissuader d'aller à Sarajevo», tonne Jovan Drakulic, un petit commerçant, qui a pris l'habitude de s'approvisionner en Fédération croato-bosniaque pour revendre ses marchandises en Republika Srpska. «Les travaux sont menés par une entreprise mixte serbo-musulmane, et les deux entreprises devaient financer les travaux, mais depuis des mois elles ne payent plus rien. Faute d'argent, les travaux sont interrompus».

Pale compte toujours plus de 20 000 réfugiés, la moitié de la population étant constituée de réfugiés venus de la Fédération croato-bosniaque, mais les emplois sont rares. «Autrefois, l'usine Famos employait plus de 3000 personnes, maintenant, nous ne sommes plus que 600», déplore le technicien Radovan Vuksanovic. Avant la guerre, l'usine Famos était considérée comme l'un des fleurons de la métallurgie yougoslave. L'usine produisait notamment des pièces pour les moteurs de Mercedes. Durant la guerre, elle abrita des services du gouvernement serbe de Bosnie, et l'ancien leader recherché par la justice internationale, Radovan Karadzic, y disposa longtemps d'un bureau. «Nous ne voulons plus penser à ce passé, notre objectif est de produire à nouveau», affirme Radovan Vuksanovic, qui dresse le constat du tragique isolement où se trouve la Republika srpska: «notre production était conçue à l'échelle de toute l'ancienne Yougoslavie. Cette Yougoslavie n'existe plus, mais nous n'avons pas non plus de contacts avec la Fédération croato-bosniaque, et la politique de Milorad Dodik, le Premier ministre de Republika Srpska, opposant déclaré à Slobodan Milosevic, nous a aussi coupé la route de la Serbie».

«La politique est le seul métier qui enrichit»

La présidente de l'Union des Syndicats de Pale, Milenka Lucic, dresse un tableau accablant: «toutes les entreprises d'Etat sont en crise. On parle de privatisation, mais pour l'instant, les directeurs de ces entreprises et les politiciens s'entendent pour achever des ruiner ces entreprises, afin de les revendre à un prix dérisoire». A qui profite l'opération ? La réponse fuse, unanime: «aux profiteurs de guerre!» Radovan Vuksanovic précise: «les démocrates de Milorad Dodik et les nationalistes du SDS sont aussi corrompus les uns que les autres. La politique est le seul métier qui permette de s'enrichir».

A Pale, le fief historique de Radovan Karadzic, le ressentiment est avant tout dirigé contre Milorad Dodik, dont les efforts pour ouvrir la Republika Srpska sur le monde extérieur n'ont pas amené la moindre amélioration de la situation économique. «Il y a un an, je vivais mieux avec 100 marks allemands qu'aujourd'hui avec 300 marks», tonne Radovan Vuksanovic, qui explique: «les besoins élémentaires d'une famille de quatre personnes sont au moins de 460 marks par mois, or les salaires moyens ne dépassent pas 150 marks. Pour survivre, la population se livre à toute sorte de petits trafics, mais quel avenir il y a-t-il pour les jeunes?» La syndicaliste Milenka Lucic est en contact régulier avec les syndicats de la Fédération, qui affirment que la situation n'est pas meilleure de leur côté de la Bosnie. D'après des enquêtes convergentes, interrogés sur leur avenir, 70% des jeunes de Fédération ne souhaitent qu'une chose: quitter la Bosnie. Milenka Lucic approuve. Il y a trois ans, son fils unique est parti refaire sa vie en Australie.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 12/11/2000