Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Cameroun

Tension pré-électorale

A l'approche des prochaines municipales, dont la date exacte n'est toujours pas fixée, l'opposition camerounaise hausse le ton. Les députés du Social Democratic Front (SDF), qui ont tenté en vain de manifester à Yaoundé le 13 novembre, réclament toujours la création d'une commission électorale indépendante. Le pouvoir fait la sourde oreille, mais promet un toilettage de la loi actuelle.
La tension monte au Cameroun entre le pouvoir et l'opposition, dans la perspective des prochaines élections municipales prévues pour le début de l'année prochaine. Le principal parti de l'opposition, le Social democratic Front (SDF) de John Fru Ndi, réclame depuis bientôt trois ans la création d'une commission électorale indépendante. Sans succès. Pour attirer l'attention sur une question qu'il juge cruciale, le groupe parlementaire du mouvement a organisé une « marche populaire », le 13 novembre dernier. Celle-ci a été aussitôt interdite par les autorités camerounaises. Les parlementaires du SDF ont néanmoins tenté de manifester à Yaoundé.

Partis de l'Assemblée nationale en compagnie de nombreux militants, ils ont essayé de se rendre au palais présidentiel dans le but de «remettre au président Paul Biya un projet de loi portant sur la création d'une Commission électorale nationale indépendante» (CENI). Les députés et les manifestants qui formaient le cortège ont vite déchanté. Cinq cent mètres plus loin, des unités de la police, de la gendarmerie et de l'armée leurs barraient la route. Des journalistes ont été victimes d'actes de violence de la part des forces de l'ordre. Un reporter du Messager (journal d'opposition) a été roué de coups et un photographe du quotidien gouvernemental Cameroon Tribune s'est vu confisquer son appareil photo, tandis que d'autres reporters ont été pris d'assaut par des policiers qui leur ont arraché leurs magnétophones.

Au moment même où les forces anti-émeutes s'en prenaient aux députés SDF, la radio nationale annonçait que le gouvernement présentera un projet de loi relatif à l'organisation des futures élections, sans toutefois préciser s'il prévoit une commission électorale indépendante. La radio a néanmoins indiqué qu'il visait à favoriser «une meilleure organisation d'élections transparentes». Du côté du pouvoir, on est encore plus prudent. «Le gouvernement est en train de procéder au toilettage de la loi électorale, et il n'est pas exclu qu'un projet de loi soit déposé par le gouvernement avant la fin de la session parlementaire, nous a déclaré Jacques Fame Ndongo, ministre de la communication. Mais la loi actuelle n'est pas si opaque. Dans chaque bureau de vote, l'opposition a droit à des représentants à qui sont remis les procès verbaux.»

L'opposition est loin d'être de cet avis. Elle en veut pour preuve les nombreuses fraudes constatées lors des précédents scrutins, en particulier au cours de la première présidentielle multipartite, en 1992, qui avait vu contre toute attente l'actuel président, Paul Biya, remporter une élection qui semblait acquise à John Fru Ndi. Les irrégularités constatées lors des scrutins suivant, notamment pendant les dernières municipales, ont incité l'opposition à déposer, en juin 1997, un projet de loi instaurant une commission électorale indépendante. Sans succès, malgré une tentative de négociation avec le pouvoir en décembre 1997 et janvier 1998. Le texte proposé par le SDF n'a même pas été examiné par un parlement largement favorable au chef de l'Etat. «La majorité, sur instigation du pouvoir, n'a même pas voulu voir notre proposition de loi signée de plusieurs autres partis politiques. Le président de l'Assemblée nationale l'a retournée sous prétexte que c'était la fin de la session parlementaire, s'insurge Joseph Mbah-Ndam, président du groupe parlementaire SDF. Nous voici à la dernière session avant les élections municipales, c'est pourquoi nous avons voulu aller à la rencontre du chef de l'Etat. Nous avons commencé notre marche, mais ce n'est pas encore fini!»

L'échéance du mandat des conseillers municipaux, le 21 janvier prochain, approchant, les Camerounais ne savent toujours pas quand le scrutin aura lieu. «Le chef de l'Etat a la possibilité de le reporter», souligne Jacques Fame Ndongo. Une décision probable, en raison des coïncidences de dates avec le sommet France-Afrique, du 17 au 19 janvier 2001. «Ils prendraient trop de risques à les organiser, car les fraudes auxquelles il faut s'attendre provoqueront inévitablement des réactions», ironise Hameni Bieleu, président de l'UFDC (Union des forces démocratiques pour le changement), un petit parti de l'opposition dite «radicale».

Officiellement les discussions sont pour l'instant rompues avec le pouvoir, même si on affirme côté gouvernemental qu'elles «peuvent se faire de manière souterraine». Mais ce regain de tension est révélateur du blocage politique que connaît le Cameroun depuis de longues années, alors que le pays traverse une grave crise économique et sociale.



par Christophe  Champin

Article publié le 14/11/2000