Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Justice

Le préjudice d'être né

En France, la Cour de cassation reconnaît le droit d'un handicapé de 17 ans à percevoir des indemnités pour le fait d'être né. Une décision de justice qui pose de multiples problèmes éthiques.
Nicolas Perruche est aujourd'hui âgé de 17 ans. C'est un adolescent pas tout à fait comme les autres puisqu'il est atteint d'un très fort handicap. Il est né « débile profond, sourd et presque aveugle » explique son avocat. Les troubles dont souffre le jeune homme ont été provoqués par une maladie contractée par sa mère au cours de la grossesse : la rubéole.

En 1982, lorsque la mère de Nicolas était enceinte, les médecins qui la suivaient ont soupçonné la rubéole mais ils n'ont pas fermement établi le diagnostic. Erreur médicale manifeste et déjà condamnée par les tribunaux à la suite d'une plainte des parents. Mais cette fois, c'est au nom de Nicolas lui-même que l'action en justice est conduite. Et le raisonnement est le suivant : si la maladie avait été diagnostiquée, la mère de Nicolas aurait subi une interruption de grossesse ce qui aurait évité à l'enfant de naître handicapé. Mais aussi de naître tout court. C'est pour le préjudice d'être né handicapé, et donc finalement d'être né que Nicolas réclame indemnisation.

Les dangers d'une dérive eugéniste

Et la Cour de cassation, la plus haute juridiction française, vient de faire droit à cette demande. Les magistrats estiment que les trois éléments de causalité qui constituent la responsabilité civile sont réunis : la faute, le préjudice et le lien de causalité entre les deux. La Cour de cassation estime que l'erreur de diagnostic des médecins a eu pour effet « d'empêcher la mère d'exercer son choix d'interrompre la grossesse afin d'éviter la naissance d'un enfant atteint d'un handicap ».

Cette décision constitue une première en France et les magistrats de la Cour de cassation n'ont pas suivi les réquisitions de l'avocat général qui avait souligné le danger de dérive « eugéniste » que porterait en lui un tel jugement. Reste maintenant à déterminer le montant de l'indemnisation, ce qui sera fait dans les prochains mois. Les parents de Nicolas ont déjà perçu 300 000 francs chacun lors de précédents procès pour le préjudice moral (la s£ur de Nicolas a pour sa part touché 100 000 francs).

Le père de Nicolas, « ému aux larmes » en apprenant la décision de la Cour de cassation, s'est dit « content pour Nicolas et pour les autres » en indiquant qu'il voulait être en mesure « d'assurer l'avenir » de son fils.



par Philippe  Couve

Article publié le 18/11/2000