Guinée-Bissau
La mort du général Mané
Le général en rebellion Ansumane Mané a été abattu le 30 novembre lors d'un affrontement avec les forces fidèles au président Kumba Yalla, à 30 km au nord de Bissau. Après l'échec de sa revolte contre le pouvoir, le 20 novembre, il avait pris la fuite en compagnie de quelques soldats fidèles. Héros de l'indépendance de cette ancienne colonie portugaise, tombeur du président Vieira en mai 1999 et chef de l'ex-junte militaire, Ansumane Mané avait failli plonger le pays dans une nouvelle tourmente.
Sur la route reliant Bissau à l'aéroport, jeudi 23 novembre, les soldats fidèles au général Mané, qui s'est autoproclamé chef des forces armées bissau-guinéenne trois jours plus tôt, ont installé leurs positions à 200 mètres à peine de celles des forces loyalistes. La scène a tout d'un remake : pendant le soulèvement militaire, en 1998 et 1999, le front se trouvait au même endroit. L'un des acteurs, l'ex-président Nino Vieria, a changé, remplacé par le président récemment élu Kumba Yala. Mais le second, le général Ansumane Mané semble inamovible.
De fait cet officier supérieur, chef de la junte qui avait renversé Nino Vieira en mai 1999, ne se résout pas à rentrer dans le rang, lui qui a toujours été étroitement associé aux affaires du pays depuis l'indépendance en 1974. Héros de l'indépendance de cette ancienne colonie portugaise, il est aussi l'un des plus proches compagnons de maquis de Nino Vieria. A l'époque, les deux hommes sont inséparables. Et quand Vieira renverse le président Luis Cabral, lors d'un coup d'Etat en 1980, Mané est à ses côtés. Par la suite, ce dernier deviendra d'ailleurs chef d'Etat-major de l'armée. Mais à la fin des années 90, les relations entre les deux hommes tournent au vinaigre. Depuis de longues années, le Sénégal reproche à son voisin de servir de base arrière aux rebelles casamançais du MFDC. Et il est de notoriété publique que des armes passent aisément la frontière entre les deux pays.
Un héros encombrant
En janvier 1998, Ansumane Mané est accusé de négligence quant à ce trafic et est suspendu par le chef de l'Etat, alors qu'une enquête est ouverte. Le général clame son innocence. Et c'est officiellement pour «laver son honneur» qu'il prend la tête d'une rébellion militaire, le 7 juin suivant. Le lendemain soir, Nino Vieira annoncera à la radio que ses forces contrôlent la situation. Pure fadaise. Le chef de ce qui dès le lendemain deviendra le «Commandement suprême de la junte militaire pour la consolidation de la démocratie de la paix et de la justice» a une bonne partie de l'armée derrière lui. Les forces sénégalaises qui viennent soutenir les soldats loyalistes ne parviendront d'ailleurs pas non plus à faire plier l'intraitable officier. Le 1er novembre suivant, un accord de paix est finalement signé, à Abuja, sous l'égide de la CEDEAO, qui prévoit notamment le déploiement d'une force interafricaine d'interposition.
Mais le compromis ne tiendra que quelques mois. D'autant qu'en avril 1999, le parlement publie un rapport qui blanchit Mané et fait porter le chapeau à Viera. Quelques jours plus tard, les combats reprennent contraignant le chef de l'Etat à l'exil. Le 14 mai, Malam Bacaï Sanha, président de l'Assemblée nationale, est investi président, jusqu'au prochaine élection. Mais il partage son siège avec l'intraitable général, qui sera coprésident, fonction qu'il ne s'est apparemment jamais vraiment résolu à abandonner. Lorsque Kumba Yala, opposant de longue date à Nino Vieria, remporte les élections présidentielles de novembre, le général jure qu'il ne se mêlera plus de politique. En fait la junte militaire ne sera jamais officiellement dissoute. Et Mané, personnage intransigeant et nationaliste pur et dur, admiré par une partie de l'armée et de la population, est resté l'homme fort d'une armée très politisée refuse manifestement de quitter le devant de la scène. Les tentatives de restructuration d'une force militaire pléthorique (environ 15 000 soldats pour une population de 1, 1 millions d'habitants) et les nominations effectuées ces derniers mois à ses plus hauts postes lui ont fourni une nouvelle excuse pour sortir du bois. Le 20 novembre, Ansumane Mané s'est proclamé de nouveau chef suprême des armées, fonction constitutionnellement dévolue au président de la république, avant d'engager une épreuve de force militaire avec les forces loyales au pouvoir civil. Mais sa dernière tentative de coup de force pourrait bien être son dernier baroud d'honneur.
De fait cet officier supérieur, chef de la junte qui avait renversé Nino Vieira en mai 1999, ne se résout pas à rentrer dans le rang, lui qui a toujours été étroitement associé aux affaires du pays depuis l'indépendance en 1974. Héros de l'indépendance de cette ancienne colonie portugaise, il est aussi l'un des plus proches compagnons de maquis de Nino Vieria. A l'époque, les deux hommes sont inséparables. Et quand Vieira renverse le président Luis Cabral, lors d'un coup d'Etat en 1980, Mané est à ses côtés. Par la suite, ce dernier deviendra d'ailleurs chef d'Etat-major de l'armée. Mais à la fin des années 90, les relations entre les deux hommes tournent au vinaigre. Depuis de longues années, le Sénégal reproche à son voisin de servir de base arrière aux rebelles casamançais du MFDC. Et il est de notoriété publique que des armes passent aisément la frontière entre les deux pays.
Un héros encombrant
En janvier 1998, Ansumane Mané est accusé de négligence quant à ce trafic et est suspendu par le chef de l'Etat, alors qu'une enquête est ouverte. Le général clame son innocence. Et c'est officiellement pour «laver son honneur» qu'il prend la tête d'une rébellion militaire, le 7 juin suivant. Le lendemain soir, Nino Vieira annoncera à la radio que ses forces contrôlent la situation. Pure fadaise. Le chef de ce qui dès le lendemain deviendra le «Commandement suprême de la junte militaire pour la consolidation de la démocratie de la paix et de la justice» a une bonne partie de l'armée derrière lui. Les forces sénégalaises qui viennent soutenir les soldats loyalistes ne parviendront d'ailleurs pas non plus à faire plier l'intraitable officier. Le 1er novembre suivant, un accord de paix est finalement signé, à Abuja, sous l'égide de la CEDEAO, qui prévoit notamment le déploiement d'une force interafricaine d'interposition.
Mais le compromis ne tiendra que quelques mois. D'autant qu'en avril 1999, le parlement publie un rapport qui blanchit Mané et fait porter le chapeau à Viera. Quelques jours plus tard, les combats reprennent contraignant le chef de l'Etat à l'exil. Le 14 mai, Malam Bacaï Sanha, président de l'Assemblée nationale, est investi président, jusqu'au prochaine élection. Mais il partage son siège avec l'intraitable général, qui sera coprésident, fonction qu'il ne s'est apparemment jamais vraiment résolu à abandonner. Lorsque Kumba Yala, opposant de longue date à Nino Vieria, remporte les élections présidentielles de novembre, le général jure qu'il ne se mêlera plus de politique. En fait la junte militaire ne sera jamais officiellement dissoute. Et Mané, personnage intransigeant et nationaliste pur et dur, admiré par une partie de l'armée et de la population, est resté l'homme fort d'une armée très politisée refuse manifestement de quitter le devant de la scène. Les tentatives de restructuration d'une force militaire pléthorique (environ 15 000 soldats pour une population de 1, 1 millions d'habitants) et les nominations effectuées ces derniers mois à ses plus hauts postes lui ont fourni une nouvelle excuse pour sortir du bois. Le 20 novembre, Ansumane Mané s'est proclamé de nouveau chef suprême des armées, fonction constitutionnellement dévolue au président de la république, avant d'engager une épreuve de force militaire avec les forces loyales au pouvoir civil. Mais sa dernière tentative de coup de force pourrait bien être son dernier baroud d'honneur.
par Christophe Champin
Article publié le 01/12/2000