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Irak

Le pétrole irakien reste sous contrôle de l'ONU

Le conseil de sécurité a unanimement voté le renouvellement du programme humanitaire «pétrole contre nourriture», au terme de négociations tendues. Avec l'appui de la France, l'Irak obtient un fond de 600 millions d'euros destinés à entretenir ses installations pétrolières. Une micro-victoire pour un pays exsangue, qui a suspendu depuis vendredi ses exportations de pétrole pour protester contre la tutelle onusienne.
De notre correspondant à New York

L'ambassadeur irakien à l'ONU est plus que sceptique. «Il n'y a pas d'éléments très positifs dans cette résolution, estime le docteur Saeed Hasan. Même pour l'attribution du fond de 600 millions d'euros (destinés à l'entretien des installations pétrolières), le dernier mot reviendra aux Etats-Unis. Et il y a peu d'espoir que cet argent soit un jour disponible». Voilà ce que retient le diplomate, au terme d'une journée marathon de négociations. Le conseil de sécurité des Nation Unies a débattu hier, jusqu'à la dernière minute, de la reconduction de l'accord «pétrole contre nourriture».

Ce programme est destiné à atténuer les effets de l'embargo qui étouffe la population irakienne depuis que Bagdad a envahi le Koweït voilà dix ans. Il autorise le pays à exporter du pétrole dont les profits sont gérés par l'Onu. Plus de la moitié vont à l'achat de denrées de première nécessité, comme de la nourriture ou des médicaments. Le reste alimente un fond de compensation des victimes de l'Irak, et finance le fonctionnement de la mission des Nations Unies visant à désarmer le pays, qui refuse toujours de coopérer sur ce point.

La semaine dernière, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, livrait ses conclusions sur quatre années d'application du programme : «(...) Dans le cas de l'Irak, un régime de sanctions qui a parfaitement rempli sa mission pour ce qui est du désarmement a en revanche été tenu pour responsable, certes involontaire, de l'aggravation d'une crise humanitaire. Je suis profondément affligé par les souffrances que continue de subir le peuple irakien et j'espère que les sanctions (...) pourront être levées dans un proche avenir.» Il semble que les quinze membres du conseil de sécurité n'aient pas tous entendu l'appel. La plupart des propositions qui visaient à assouplir l'embargo, soutenues par la France, la Russie et la Chine, ont été contrées par les Américains et les Britanniques.

Des contrats bloqués

L'ambassadeur Jean-David Levitte, représentant permanent de la France auprès de l'Onu, a relevé plusieurs insuffisances de la résolution dans son discours : «Aucune décision n'a été prise sur le paiement des arriérés de l'Irak à l'ONU sur le compte séquestre». Au lieu de dormir, cet argent pourrait facilement redonner à l'Irak ses droits de membre à part entière des Nation Unies. Autre problème relevé par la délégation française : le blocage de nombreux contrats passés dans le cadre de l'accord «pétrole contre nourriture», dont le montant atteint selon la presse irakienne le niveau record de 3,8 milliards de dollars. «Le fait que des demandes sont actuellement en attente dans des secteurs tels que l'électricité, l'eau et l'assainissement et l'agriculture aggrave la situation déjà médiocre de la nutrition», notait par ailleurs dans son rapport Kofi Annan. Selon un diplomate proche du dossier, «ces contrats sont bloqués par les Anglais et les Américains, au prétexte qu'il s'agit de biens à double usage, civilo-militaire. Le but est en fait d'étrangler l'économie irakienne, pour annihiler son influence politique dans la région».

Reste désormais à savoir si l'Irak va se satisfaire de cette nouvelle résolution, et reprendre ses exportations de pétrole interrompues depuis vendredi. Bagdad proteste ainsi contre la tutelle onusienne, qui l'empêche de disposer à sa guise d'une partie de ses revenus pétroliers pour entretenir son outil industriel. Ce que permettrait de faire le fond de 600 millions d'euros, si il était effectivement débloqué, ce dont doutent plusieurs diplomates. En attendant, les cours du brut n'ont pas davantage flambé, les Etats-Unis et d'autres pays ayant assuré qu'ils compenseraient cette chute de l'offre.



par Christian  Chesnot

Article publié le 06/12/2000