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Afghanistan

Nouvelles sanctions contre les Talibans<br>

Le conseil de sécurité de l'ONU a voté mardi une résolution renforçant les sanctions qui pèsent sur l'Afghanistan. Embargo sur les armes des Taliban, embargo aérien et diplomatique sont destinés à obtenir l'extradition du terroriste présumé Oussama Ben Laden. Plusieurs ONG et d'autres organes onusiens s'inquiètent des répercussions sur les civils, dont la situation humanitaire est catastrophique.
De notre correspondant à New York

Jusqu'au sein de l'ONU, la nouvelle résolution du conseil de sécurité est contestée. Quelques heures avant son adoption, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, avertissait : «Cela ne va pas faciliter les efforts de paix et cela ne va pas faciliter non plus le travail humanitaire». Il avait raison sur les deux points.

Les taliban, par l'intermédiaire de leur représentant à New York, ont fait savoir qu'ils rompaient les négociations de paix engagées avec l'ONU sous l'auspice du secrétaire général. Ils n'excluent pas toutefois de négocier directement avec leurs opposants, ou par le biais d'autres instances internationales.

Sur le terrain, le personnel de l'ONU engagé dans l'aide humanitaire s'est retiré, suivi par la plupart des organisations non gouvernementales, par crainte de représailles des taliban. Des représailles qui avaient eu lieu l'an dernier, à l'annonce du premier train de sanctions : un embargo aérien partiel, et le gel des avoirs des Talibans.

Un rapport de l'ONU destiné à évaluer les conséquences de nouvelles sanctions sur la population Afghane concluait voilà quelques jours : «L'extrême vulnérabilité de l'Afghanistan amplifie l'impact d'un régime de sanctions aux effets assez insignifiants dans d'autres circonstances. (...) Des actions inoffensives en apparence peuvent avoir un sérieux impact sur les vies de millions de personnes.» Médecins sans frontières s'alarme déjà d'une «grave détérioration de la situation humanitaire sur place». Des dizaines de milliers de personnes déplacées par les combats ne peuvent compter que sur l'aide, alors que le pays traverse sa pire sécheresse depuis 30 ans. C'est pourquoi la Chine et la Malaisie se sont abstenues lors du vote.

L'assemblée générale de l'ONU s'est aussi démarquée du conseil de sécurité en adoptant une résolution, mais sans force contraignante, appelant à un embargo sur les armes destinées à tous les combattants, non aux seuls taliban. Cette revendication est partagée par l'organisation de protection des droits de l'homme Human Rights Watch, qui estime aussi que dans sa lutte contre le terrorisme, «la communauté internationale ignore le sort précaire des civils en Afghanistan.»

Le terrorisme avant les droits des femmes

Chose rare, cette résolution du conseil de sécurité était présentée par les Russes et les Américains. Les premiers accusent l'Afghanistan d'être un foyer terroriste, apportant notamment son soutien aux rebelles Tchétchènes. Les seconds veulent obtenir l'extradition de Oussama Ben Laden, accusé d'être à l'origine des attentats en 1998 contre les ambassades des Etats-Unis au Kenya et en Tanzanie, ayant fait 225 morts et près de 4 000 blessés. Les sanctions s'appliqueront dans trente jours si les camps d'entraînement «terroriste» ne sont pas fermés, et Ben Laden livré. C'est cela, et non le conflit sanglant ou le mépris par le régime Taliban des droits élémentaires des citoyens, et surtout des femmes, qui motive la résolution.

Les sanctions se veulent ciblées. Côté diplomatique, la liberté de mouvement des dignitaires Talibans et leur représentation diplomatique à l'étranger sont restreintes. La résolution interdit aussi la vente de produits chimiques précurseurs à la fabrication d'héroïne, dont l'Afghanistan est un grand exportateur. L'embargo aérien est élargi, même s'il exclut les vols religieux ou humanitaires.

Cette exemption a été portée par les Français, qui ont voté la résolution tout en y imprimant leur marque. D'abord ils ont gagné du temps, pour permettre à leurs ressortissants (la moitié du personnel humanitaire sur place) de quitter le pays. Ils ont aussi obtenu que ces sanctions soient limitées à un an, renouvelable par vote, pour éviter des scénarios à l'irakienne. Cette pratique, mise en place pour l'Ethiopie/Erythrée, puis la Sierra Léone, semble entrer dans les m£urs onusiennes.

La principale sanction concerne donc l'embargo sur les armes, uniquement à destination des Talibans. S'il est appliqué, il devrait favoriser les combattants du commandant Massoud qui résistent dans le nord du pays. Mais les diplomates doutent que le Pakistan s'y soumette, et cesse d'approvisionner les Talibans en armes.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 20/12/2000