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Centrafrique

Affrontement entre pouvoir et opposition

La grave crise politique et sociale que traverse la Centrafrique depuis plusieurs semaines s'enlise. Alors que les fonctionnaires réclament toujours des mois de salaires impayés, un meeting de l'ensemble de l'opposition centrafricaine a été violemment dispersé et plusieurs députés interpellés à Bangui, mardi 19 décembre.
Lentement mais sûrement, la Centrafrique s'installe dans une crise à l'issue de plus en plus incertaine. La grève générale de la fonction publique, qui paralyse le pays depuis début novembre, s'est transformée au fil des semaines en une confrontation entre le régime d'Ange Félix Patassé et l'ensemble de l'opposition. Mardi 19 décembre, le face-à-face, qui s'était limité jusqu'ici à une guerre de déclarations, a pris une autre tournure avec la dispersion musclée d'un meeting réunissant la plupart des adversaires du MLPC (Mouvement pour la libération du peuple centrafricain) au pouvoir. Quinze partis, qui réclament le départ du chef de l'Etat «dans l'intérêt de la nation», avaient en effet bravé l'interdiction gouvernementale en organisant un rassemblement dans le stade Bonga Bonga, non loin du centre de la capitale. Mal leur en a pris. Quelques minutes à peine après avoir pris place dans les tribunes, une vingtaine de dirigeants de ces mouvements, ainsi que plusieurs centaines de militants, ont été sommés de quitter les lieux par les forces de police.

Après leur refus d'obtempérer, la situation a dégénéré en une gigantesque bousculade, à la suite de laquelle 73 personnes ont été interpellées et un gendarme blessé par balle. Parmi les personnes arrêtées figureraient quatre parlementaires, dont trois du Rassemblement démocratique de Centrafrique (RDC), de l'ex-président André Kolingba et un du Mouvement pour la démocratie et le développement (MDD) de David Dacko, un autre ancien chef de l'Etat.

L'opposition unie contre Patassé

Ce nouvel épisode accentue la tension qui règne à Bangui depuis le début du mois de novembre. La grève des fonctionnaires, qui totalisent pour certains jusqu'à 30 mois d'arriérés de salaires, se double désormais d'un affrontement ouvert entre le pouvoir et l'ensemble de l'opposition. Traditionnellement divisée en deux groupes, le Collectif des partis politiques d'opposition et le «Groupe des six», cette dernière a décidé d'unir ses forces, en réclamant, dans un appel commun lancé le 15 décembre, le départ de celui qui fut le premier ministre de Bokassa 1er.

Les adversaires d'«AFP», comme le surnomment les Centrafricains, se sont en fait ralliés aux protestations des agents de la fonction publique, dont les négociations avec le pouvoir sont au point mort. Fin octobre, le chef de l'Etat s'était dit prêt à apporter sa contribution «personnelle» de dix millions de dollars US pour payer une petite partie des arriérés, que les fonctionnaires attendent toujours. Ebranlé par trois mutineries qui ont failli lui coûter son siège, en 1996 et 1997, Ange-Félix Patassé jure que l'opposition, et notamment l'ancien premier ministre Jean-Paul Ngoupande, nourrit des «projets criminels» à son endroit. Il pointe aussi du doigt la France, accusée d'utiliser l'arme financière pour étouffer un régime auquel elle n'est pas favorable. L'opposition dénonce quant à elle «l'irresponsabilité» dans la gestion actuelle des affaires de l'Etat. Et elle n'entend pas désarmer.



par Christophe  Champin

Article publié le 20/12/2000