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République tchèque

Politique et média en crise

La colère de 60 000 manifestants à Prague va-t-elle sonner le glas d'un système de tutelle politique sur la télévision publique en République tchèque ?
60 000 personnes dans la rue pour soutenir les journalistes en grève de la télévision publique, un tel rassemblement de mécontents ne s'était pas vu depuis 1989 dans le centre de la capitale, en ce lieu symbolique qu'est la place Wenceslas.

Il est question de l'indépendance de l'audiovisuel public et plus largement de politique. La République tchèque bénéficie d'un régime démocratique mais les souvenirs de la période d'avant 1989 sont toujours là. La liberté d'expression si chère à toutes les populations qui ont vécu l'expérience du totalitarisme reste un sujet sensible. Les banderoles portées par les manifestants le signalaient clairement mercredi: «Liberté», «On refuse un nouveau totalitarisme et le mensonge» et «Gare aux mécanismes du pouvoir»à

Le conflit de la Ceska Televize (CT) dure depuis le 20 décembre quand un nouveau directeur a été nommé. Jiri Hodac -c'est son nom- fait l'unanimité contre lui. Les protestataires lui reprochent son passé pas très clair ûancien journaliste collaborateur du régime pro-soviétique des années 70, aujourd'hui proche de la droite- mais c'est surtout le système politique ayant conduit à sa nomination qui provoque le ressentiment des Tchèques.

Prague à la veille d'élections anticipées?

Comme dans d'autres pays européens, la loi de l'audiovisuel prévoit un conseil dont les membres sont nommés par les députés. Ce conseil procède ensuite à la nomination du directeur général de la télévision publiqueà En République tchèque, le gouvernement minoritaire, social démocrate, a troqué avec l'opposition de droite son droit de gouverner les mains libres en échange de postes clés dans les institutions de l'Etat. Au bout de deux ans de critiques de plus en plus vives de la part notamment du président Vaclav Havel, ce qu'on appelle l'«accord d'opposition» est aujourd'hui dénoncé par la population toute entière. Les Tchèques voient en ce pacte établi entre les sociaux démocrates minoritaires et la droite la survivance de méthodes d'un autre âge. C'est ce «mécanisme du pouvoir» qui est aujourd'hui dénoncé par les Tchèques.

La crise de la télévision publique provoque un réel état de tension dans le pays et met la République tchèque dans une situation délicate. Candidat à l'Union européenne, ce pays ne tient pas avec cette affaire à ternir son image, plutôt positive, de «bon candidat».

Le président Havel a modifié son emploi du temps en fonction de l'évolution du conflit. Au bout de deux semaines de crise, le Premier ministre social-démocrate Milos Zeman s'est déclaré partisan d'un départ de Jiri Hodac qui, selon lui, a «commis deux erreurs grossières», en interrompant les émissions et en nommant un nouveau directeur financier au passé douteux. La vice-présidente (sociale démocrate) de la Chambre des députés a elle aussi proposé la démission du nouveau directeur. «Son départ est indispensable pour une solution de la crise». La droite de son côté tient au respect de l'«accord d'opposition» et rappelle que pendant le conflit Jiri Hodac a été hospitalisé dans un état grave à la suite d'un «malaise».



par Laure  Hinckel

Article publié le 05/01/2001