Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Mondialisation

Davos: le doute s'instaure

Davos, village huppé des Alpes suisses, accueille chaque année environ 2000 hommes politiques, responsables économiques, experts, représentants de la société civile et des médias. Symbole de l'ultralibéralisme, qualifié de «laboratoire de la pensée unique» le Forum économique mondial de Davos a pourtant beaucoup évolué, sous la pression des militants anti-mondialisation et la succession de crises qui, ces dernières années, ont introduit le doute sur l'efficacité du «tout-marché».
En 1971, les rencontres de Davos étaient de simples contacts informels entre chefs d'entreprises européens, sous le nom de Forum du management européen. Dans les années qui ont suivi les rendez-vous annuels de Davos ont pris des proportions telles qu'en 1989 ils pouvaient s'autoproclamer Forum économique mondial.

Mais le temps est loin où Klaus Schwab, initiateur du forum, en faisait «la Mecque de la globalisation», prônant la libéralisation totale des capitaux et le désengagement des Etats. Devant un parterre d'hommes d'affaires largement acquis à l'irréversibilité et au bien-fondé de la mondialisation de l'économie, pour la première fois, en 1996, des leaders syndicaux sont invités à prendre la parole et participer au débat «Mondialisation et responsabilité sociale». Car l'idée émerge timidement, dans ces sphères, qu'une globalisation à tout crin comporte des risques et, en raison de l'absence de préoccupations sociales, laisse au bord du chemin un nombre considérable de pays pauvres et d'individus défavorisés.

La critique se mondialise

En 1998, l'inquiétude est manifeste parmi le gotha économique réuni une fois de plus à Davos. La crise financière asiatique est passée par là, au cours du deuxième semestre 1997, et la fragilité du système financier international est apparue au grand jour. De crise des changes dans quelques pays d'Asie du sud-est, la contagion s'est rapidement étendue, en raison de la libéralisation des mouvements de capitaux, se muant en crise financière puis économique dont les répercussions se sont faites sentir jusqu'en Europe et aux Etats-Unis.

Les maillons faibles du réseau financier mondial, Brésil et Russie font aussi craindre à cette époque une nouvelle crise à court délai. La confiance dans la capacité des organisations financières internationales à juguler les crises est ébranlée. L'année suivante, il faut se rendre à l'évidence, la crise financière brésilienne a bien eu lieu et la Russie va très mal. Même les plus libéraux reconnaissent qu'un minimum de règle est nécessaire au bon fonctionnement du marché. Claude Smadja, directeur général du Forum économique mondial déclarait, en 1999, qu'il s'agissait du «résultat d'une globalisation conduite de manière irresponsable».

A cette prise de conscience interne s'ajoute la critique externe, beaucoup plus radicale, des opposants à la mondialisation libérale. Le contre-sommet «Alter-Davos» qui se tient à cette occasion, préconise de créer des instruments de régulation et de contrôle pour enrayer l'insécurité économique et les inégalités sociales. Fin janvier 2000, le Forum de Davos vit à l'heure de l'après-Seattle: échec de la conférence de l'Organisation mondiale du commerce quelques semaines auparavant et manifestations montrant à l'évidence que la contestation de la mondialisation s'est mondialisée.

Plus encore que dans ses éditions précédentes le Forum fait appel à des représentants de la société civile parmi lesquels Greenpeace ou Oxfam. Cela n'empêchera pas l'invasion du village de Davos par les militants anti-mondialisation qui désormais perturbent toutes les rencontres internationales de ce type. On les retrouvera à Prague aux réunions du FMI et à Nice au sommet européen qui clôt la présidence française.



par Francine  Quentin

Article publié le 25/01/2001