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Conquête spatiale

Mir : le début de la fin

La station spatiale russe Mir vit ses dernières heures. Le lancement du vaisseau cargo Progress signe la première étape de la destruction de ce qui fut une prouesse technologique avant de devenir, faute de moyens, une épave de l'espace, tombée en désuétude. Mir, qui a accueilli en treize ans plus de cent astronautes, tire sa révérence.
«C'est la première fois dans l'histoire de la conquête spatiale qu'un engin aussi énorme sera détruit et nous allons prendre des mesures sans précédent». Le propos est signé du porte-parole de l'Agence spatiale russe, Sergueï Gorbounov. Car le lancement mercredi du vaisseau cargo Progress, depuis le cosmodrome de Baïkonour, au Kazakhstan (Asie centrale) est la première étape de la mort programmée de Mir, monument de la conquête spatiale, avant le grand plongeon prévu dans le Pacifique «entre l'Australie et l'Amérique du sud», au large de la Nouvelle Zélande, le 6 mars au plus tard.

Le lancement de Progress, prévu initialement jeudi dernier, avait été reporté «pour raisons techniques». Mir avait perdu son orientation, les batteries s'étaient déchargées et la station manquait d'électricité. «Le système chargé de stabiliser la station dans l'espace s'est arrêté en raison de problèmes survenus dans les batteries de la station qui sont vétustes et fonctionnent mal», avait expliqué le centre russe de contrôle des vols spatiaux (TSOUP).

Cette fois, Progress est parti et devrait s'arrimer sur Mir quatre jours après son lancement : «Progress donnera à la station une série d'impulsions qui permettront de faire redescendre Mir dans l'atmosphère où elle va se désagréger», explique le porte-parole du centre russe de contrôle des vols spatiaux (TSOUP).

En cas de problème - si Progress devait ne pas s'arrimer comme prévu û un équipage de deux cosmonautes russes sera envoyé pour effectuer cette opération. Depuis plusieurs mois, affirme Sergueï Gorbounov, trois équipages s'entraînent à la Cité des Etoiles, près de Moscou.

Mésaventures dans l'espace

Quinze ans après la mise en orbite de son premier élément, le 20 février 1986, la vieillissante station s'apprête à tirer sa révérence au fond de l'océan, pour raison de sécurité mais aussi par manque de financement. Depuis juin 2000, Mir évolue à quelque 370 km au-dessus de nos têtes. La station russe, 125 tonnes de ferraille, «Meccano» géant de l'espace, tourne actuellement à la vitesse de 10km/s en suivant une orbite quasi circulaire.

Le dernier incident en date connu remonte au 25 décembre dernier lorsque, pendant une vingtaine d'heures, les Russes ont perdu le contact avec Mir, provoquant ainsi des craintes sur une chute incontrôlée de la station. Cette «mise à mort» échelonnée sur plusieurs semaines, devrait se dérouler dans la transparence. Le ministère russe des Affaires étrangères s'est engagé à informer les pays étrangers de tous les détails de l'opération. La Russie pourrait se tourner vers les Etats-Unis, la France et l'Australie, pour une aide technique afin de garantir la sécurité lors de cette délicate opération. «Les Etats-Unis possèdent de puissants radars qui peuvent nous aider à observer la trajectoire du mouvement de la station», explique Sergueï Gorbounov.

Inquiets les Terriens ont suivi les mésaventures de Mir en 1997, année noire de la station russe : pannes récurrentes, incendies à bord, fuites dans le circuit de climatisation, déboires de transmission... la station a révélé des dysfonctionnements en série. Ils ont donné lieu à une enquête, intitulée Crises à bord de la station Mir, de Bryan Burrough. L'exemple le plus frappant de la vétusté de l'équipement : un exercice d'appontage qui a failli tourner à la catastrophe. Une équipe russo-américaine a vécu quasiment dans l'obscurité à la suite d'une panne d'électricité provoquée par la collision du module Spektr, perforé par un vaisseau cargo.

La mort de Mir tourne une page de l'histoire spatiale de la Russie. Les Russes, qui ont du mal a renoncer à l'idée de jouer un rôle de premier plan dans l'espace, ont annoncé leur intention de construire un module qui pourrait s'arrimer au segment russe de l'ISS, la station internationale. Mais en attendant, dit Sergueï Gorbounov, «c'est avec un sentiment de tristesse que nous dirons adieu à notre station».



par Sylvie  Berruet

Article publié le 24/01/2001