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Trafic d''armes

Sierra-Leone : les armes du président Kabbah

Les rebelles du RUF ne sont pas les seuls à faire appel au marché parallèle. Si les forces gouvernementales sont aujourd'hui essentiellement armées par la Grande Bretagne, dans le passé, les autorités de Freetown ont usé de canaux beaucoup moins officiels.
Depuis la levée partielle de l'embargo des Nations Unies sur les armes à destination de la Sierra Leone, en juin 1998, la Grande Bretagne est devenu le principal fournisseur des troupes gouvernementales sierra-léonaises, selon une récente étude de Small Arms Survey, un organe indépendant de recherche sur les armes légères. Londres, qui s'est fortement engagé militairement dans son ancienne colonie, a fourni une grande quantité de matériel militaire (mitrailleuses légères, mortiers, fusils automatiques, munitions et uniformes) aux autorités de Freetown, depuis octobre 1999. Le gouvernement se fournit également auprès de la Chine, qui avait déjà exporté des armes vers la Sierra Leone, dans les années 70 et 80. Selon Small Arms Survey, l'engagement chinois tiendrait notamment aux relations anciennes entre Charles Taylor et Taïwan, et viserait à contrer les ambitions du président libérien dans la région.

Mais le régime du président Kabbah n'a pas toujours usé de canaux aussi officiels. Elu en février 1996, l'actuel chef de l'Etat a d'abord utilisé des sources d'approvisionnement similaires à celles de la junte qui venait de lui remettre le pouvoir, pas très éloignées de celles des rebelles du RUF. L'un des principaux intermédiaires pour l'achat d'armes n'était autre qu'un négociant en diamant. Un certain Serge Müller. Parmi les généreux fournisseurs passés, on découvre également l'ex-société de mercenaires sud-africains Executive Outcomes (EO), auxquels le gouvernement a fait appel jusqu'en janvier 1997 pour lutter contre le Front révolutionnaire uni. Un rappel intéressant lorsqu'on sait que d'anciennes recrues ou personnalités liées à la nébuleuse d'EO se retrouvent également de l'autre côté de la barrièreà

Exilé un temps en Guinée, entre mai 1997 et février 1998, après son renversement par un coup d'Etat militaire, Kabbah contactera ensuite la société de «sécurité» britannique, Sandline International, qui passe pour l'interface d'Executive Outcomes. Dirigée alors par Tim Spicer, ex-officier des forces spéciales britanniques, elle fournira, vraisemblablement avec l'assentiment du gouvernement de Tony Blair, une cargaison de trente-cinq tonnes d'armes d'origine bulgare. Destinées aux troupes nigérianes de la force ouest-africaine de maintien de la paix (ECOMOG), chargées de ramener le président Kabbah au pouvoir, elles furent transportées par une compagnie Cargo britannique, Sky Air, de Bulgarie au Nigeria, le 22 février 1998, puis de ce pays à la Sierra Leone le jour suivant.

Small Arms Survey, Re-Armament in Sierra Leone : One Year After the Lomé Peace Agreement, de Eric G.Berman



par Christophe  Champin

Article publié le 05/02/2001