Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Ciel africain

Tentative de la dernière chance

Nouvelle crise à Air Afrique, probablement décisive cette fois pour la compagnie aérienne panafricaine, en difficulté depuis des années. La cinquième tentative de sauvetage, destinée à stabiliser et restructurer l'entreprise avant privatisation, a été confiée fin janvier à un administrateur délégué, l'Américain Jeffrey Erickson.
La première initiative de la nouvelle direction d'Air Afrique, confrontée à une quasi-cessation de paiement, a été de réduire la masse salariale en imposant à près d'un millier de salariés sur 4 126 une mise en chômage technique pour deux mois. La réaction des syndicats a été immédiate et aux difficultés financières pourrait bien s'ajouter rapidement un conflit social.

De fait, la compagnie aérienne est dans une situation plus délicate que jamais. Elle ne peut plus faire face à son endettement de l'ordre de 130 à 200 milliards de FCFA, sa flotte a été réduite avec la saisie en 1999 de quatre de ses Airbus par ses assureurs et créanciers. Depuis, Air Afrique s'est lancée dans la course aux affrètements d'avions loués, jonglant avec les destinations et les horaires au préjudice des passagers qui en viennent à surnommer la compagnie «Air Peut-être». Mais, là encore, les dettes se sont accumulées et un Airbus loué à une compagnie de leasing allemande a été cloué au sol en fin de semaine dernière à Paris pour impayés. Cette série noire est aussi liée, outre le poids de la dette remontant au début des années 90, à l'augmentation en 2000 du prix du pétrole et à la hausse du dollar. De plus, la compagnie a dû faire face, dès 1971 au retrait du Cameroun et à la création de la Camair, alors que ce pays représentait à l'époque un quart des recettes d'Air Afrique. En 1977, le Gabon, 20% des recettes, prenait le même chemin avec la naissance d'Air Gabon. Pour la première fois, en 1979, les comptes d'Air Afrique entraient dans le rouge.

La valse des directeurs

Le sauvetage d'Air Afrique passe désormais par la privatisation. Cette idée n'est pas nouvelle et le principe en a été adopté en octobre 1998 par les ministres des Transports des 11 pays membres : Bénin, Burkina-Faso, Centrafrique, Congo, Côté d'Ivoire, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad et Togo. La structure intergouvernementale d'Air Afrique n'est pas totalement étrangère à ses problèmes. Créée en 1961, la compagnie aérienne panafricaine a pâti des lourdeurs et des lenteurs de la prise de décision entre Etats souverains. D'autant que, chaque fois qu'il a été question de renflouer Air Afrique par des «cotisations» des Etats membres, les actes ont rarement suivi les déclarations.

Devant l'impossibilité de redresser la situation, Air Afrique s'est livrée à une valse de plus en plus rapide des directeurs qui ont jeté l'éponge ou été invités à le faire, l'un après l'autre. Le Français Yves Roland-Billecart laisse le souvenir d'avoir, entre 1989 et 1997, fait vivre la compagnie au-dessus de ses moyens en renouvelant la flotte à crédit. De 1997 à 1999 le Mauricien Harry Tirvengadum fait passer l'idée de privatisation mais laisse la place au Sénégalais Pape Sow Thiam. Celui-ci conclut un plan social portant sur 1 200 départs en trois ans. Il est remplacé fin janvier par l'ancien directeur de TWA.

Jeffrey Erickson se donne douze semaines pour stabiliser la compagnie. Il devrait présenter le 13 février prochain aux ministres des Transports ses premières recommandations de redressement financier afin d'aboutir à une privatisation dans les quatorze mois. Actuellement les Etats détiennent 68,4% du capital d'Air Afrique mais sont prêts à redescendre à 33%. La compagnie française Air France détient près de 12% et l'Agence française de développement (AFD), près de 9%.



par Francine  Quentin

Article publié le 07/02/2001