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Enfants-soldats

Enfants-soldats

Réunie à Amman du 8 au 10 avril, la première conférence sur l'utilisation des enfants-soldats en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, s'est achevée par l'adoption d'une déclaration appelant les Etats à ne plus recruter de jeunes de moins de 18 ans dans les forces armées. Un début de mobilisation pour attirer l'attention sur le sort de ces enfants privés de jeunesse.
De notre correspondant à Amman

Certains n'ont même pas douze ans et ont déjà une Kalachnikov entre les mains. Garçons ou filles, ils constituent l'armée invisible des enfants-soldats. Affectés au front comme combattants, ils sont aussi utilisés comme espions, messagers, sentinelles ou même esclave sexuel. Certains sont recrutés de force, d'autres s'engagent dans des groupes armés pour fuir des conditions de vie misérables ou soutenir leur communauté menacée. Au total, ils seraient plusieurs milliers en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, selon les estimations de la Coalition pour l'arrêt de l'utilisation des enfants-soldats, une alliance d'ONG formée en 1998.

Dans ce domaine, le Soudan, rongé par une guerre civile dans le Sud, apparaît comme le «pire cas de la planète», selon Rory Mungoven, coordinateur de la Coalition. Car même si le gouvernement de Khartoum et le mouvement rebelle de l'Armée de libération du peuple soudanais de John Garang ont établi officiellement à 18 ans l'âge de la conscription, la réalité sur le terrain est toute autre: le nombre d'enfants-soldats est évalué à plus de 9000. «Les enlèvements d'enfants, garçons ou filles, sont encore une pratique courante», explique Hussein El-Obeid, directeur de l'ONG soudanaise CHARM. On les retrouvera ensuite sur le front ou dans les casernes militaires. Pourtant, ajoute-il, «quelques signes positifs sont intervenus récemment avec la démobilisation de 3200 enfants-soldats par la guérilla sudiste».

En Algérie, les maquis islamistes ont aussi recours à des jeunes de moins de quinze ans. Même chose dans les montagnes du Kurdistan, où la guérilla kurde ne se prive pas de ce «vivier» de jeunes recrues. Au Yémen, des enfants seraient quant à eux enrôlés dans des milices tribales ou par les producteurs de Qat, une plante hallucinogène mâchée par les Yéménites. La Coalition pour l'arrêt de l'utilisation des enfants-soldats épingle aussi l'Irak et l'lran qui donnent une formation militaire à des dizaines de milliers d'enfants de 10 à 15 ans. Les lionceaux de Saddam en Irak ou la milice révolutionnaire des Bassidji en Iran inculquent aux jeunes des rudiments de maniement des armes et des techniques de combat, assaisonnés d'endoctrinement idéologique.

De piètres combattants

«L'idée selon laquelle les enfants seraient plus efficaces au combat de par leur plus grande inconscience du danger est largement fausse», explique Rory Mungoven, coordinateur de la Coalition pour l'arrêt de l'utilisation des enfants-soldats. «Bien au contraire, les enfants sont de piètres recrues: ils marchent moins longtemps que les adultes, réclament sans cesse à manger, se plaignent, pleurent le soir et sont indisciplinés».

Les participants à la conférence d'Amman ont aussi examiné les moyens de démobiliser ces enfants-soldats et de les réintégrer dans la société civile. Une mission difficile car ces jeunes ont souvent subi de graves traumatismes, les filles en particulier, victimes parfois de sévices sexuels. Dans tout les cas, explique Sylvia Ladame du Comité international de la Croix Rouge, «même si ces enfants ont commis des crimes, il faut d'abord les considérer comme des victimes», et de constater que le retour à la «vie civile est souvent délicat et seul des programmes d'insertion à long terme gérer par les communautés locales peuvent y parvenir».

Pour Ibrahim Fall de l'Unicef, «il existe aujourd'hui un consensus sur l'arrêt de l'emploi d'enfants dans les conflits armés, mais il reste encore beaucoup à faire pour que les mots deviennent réalité». Le 25 mai 2000, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté par consensus le protocole optionnel de la Convention des droits de l'enfants qui relève de 15 à 18 ans l'âge minimum de recrutement dans les forces armées. A ce jour, seuls trois Etats du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord ûle Maroc, la Jordanie et la Turquie- ont ratifié ce texte.



par Christian  Chesnot

Article publié le 11/04/2001