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Ukraine

Poutine à la rescousse de Koutchma

Le président ukrainien Leonid Koutchma a accueilli, dimanche 11 février, son homologue russe Vladimir Poutine en visite officielle. Au-delà d'un renforcement des liens diplomatiques, cette arrivée marque également le soutien du chef de Kremlin au président Koutchma, déstabilisé par un scandale politique après le meurtre d'un journaliste d'opposition.
Dès son arrivée dimanche soir à Kiev, capitale de l'Ukraine, Vladimir Poutine s'est voulu clair : «Sans tenir compte de la situation politique complexe, nous allons travailler avec le président Koutchma, légalement élu par le peuple ukrainien». «Nous avons de grands projets», a-t-il souligné.

Forts de cette ambition, Poutine et son homologue ukrainien, se sont rendus lundi matin à Dniepropetrovsk, au sud-est de l'Ukraine, et ont visité Youjmach, une ancienne fabrique de missiles, reconvertie dans la production de satellites. Plus largement, les deux présidents ont passé en revue divers dossiers : la destruction de certains missiles de l'ère soviétique, la signature d'accords en matière d'aérospatiale et d'armement, les relations culturelles, l'énergie.

Depuis mars 2000, date de l'accession au pouvoir de Poutine, la Russie entretient avec l'Ukraine des relations diplomatiques privilégiées : neuf rencontres officielles entre les deux chefs d'Etat ont déjà eu lieu et la question de la dette gazière ukrainienne (qui empoisonnait l'axe Kiev-Moscou) a été réglée.

Par ailleurs, les deux voisins slaves ont conclu récemment un programme de coopération militaire qui prévoit une augmentation du nombre de man£uvres bilatérales en 2001. Pour de nombreux experts, la position géopolitique de l'Ukraine, «pont stratégique» entre l'Europe occidentale et orientale, n'a pas échappé au maître du Kremlin. «La Russie impose de plus en plus sa collaboration militaire et veut éloigner l'Ukraine des Occidentaux et en premier lieu de l'OTAN», explique une source proche du ministère ukrainien des Affaires étrangères.

Et bien que l'Ukraine ne soit pas officiellement candidate, elle n'exclut pas d'adhérer à l'Alliance atlantique à long terme. Ce qui inquiète fortement Moscou, opposé à tout élargissement de l'OTAN aux anciennes républiques soviétiques.
De leurs côtés, les Occidentaux semblent s'inquiéter de l'accélération des rapports russo-ukrainiens, compte tenu du contexte politico-économique régnant en Ukraine.

Avenir compromis pour Koutchma?

En effet, ces dernières semaines, de nombreuses manifestations ont appelé à la démission du président Koutchma, accusé d'avoir commandité la disparition, en novembre dernier, d'un journaliste de l'opposition. Le corps décapité et brûlé de Georgui Gongadze, ex-directeur d'un journal d'opposition diffusé sur Internet, a été récemment identifié par les autorités. Un officier de la Garde d'Etat, aujourd'hui en exil, a fait parvenir au parlement ukrainien des enregistrements où l'on entend une voix semblable à celle de Koutchma demander que l'on se débarrasse du journaliste.

Malgré les démentis et les gestes d'apaisement du dirigeant ukrainien (le chef du service de sécurité (SBU), Leonid Derkach, a été limogé), au total 13 000 Ukrainiens ont défilé la semaine dernière dans les rues de Kiev, brandissant des banderoles «Koutchma Kaputt!»

Comme beaucoup d'Ukrainiens, Volodymir Chemeris, un des organisateurs de ces manifestations, a bien compris le double geste du président russe : «Poutine vient en Ukraine pour tenter de sauver Koutchma et ainsi ramener l'Ukraine dans le giron russe». Exaspéré par les critiques incessantes de l'Occident concernant la liberté de la presse en Ukraine et par les difficultés à pénétrer les marchés de l'UE, le président ukrainien voit dans la Russie un allié «pragmatique» qui pourrait, en peu de temps, l'aider à sortir son pays de l'ornière économique et politique.

L'Ukraine dépend de la Russie pour près de 70% de son approvisionnement énergétique et le marché russe absorbe jusqu'à 40% de ses exportations. Mais, harcelé par l'opposition de gauche, taxé de corrompu par la droite nationaliste et critiqué par l'Occident, le centriste Leonid Koutchma, élu en 1999 pour un mandat de cinq ans, risque fort peu de mener à terme son projet politique. En dépit d'une législation qui ne prévoit pas de procédures de destitution, et malgré la venue de Poutine, Koutchma apparaît de plus en plus fragilisé.



par Luc  Ngowet

Article publié le 20/04/2001