Internet et vie privée
Alain Weber : «<i>On ne doit pas vendre les noms et les prénoms</i>»<br> <br>
Entretien avec le président de la Commission Informatique et Libertés à la Ligue des droits de l'homme (LDH). Des internautes, mais également des associations de défense des libertés s'inquiètent de plus en plus de l'usage fait des informations personnelles circulant sur les réseaux, et du risque d'utilisation de ces données notamment à des fins d'exploitation commerciale.
RFI : En quoi le développement de la société de l'information peut-il porter atteinte à la vie privée ?
Alain Weber : Ce n'est pas le développement de la société de l'information qui est un problème mais bien plutôt celui de certaines pratiques empreintes d'agressivité commerciale, concernant la collecte de données personnelles souvent sensibles, et leur utilisation au mépris des principes édictés par les textes nationaux et communautaires. Ainsi, certains opérateurs semblent peu soucieux de respecter les principes de finalité (pourquoi collecter cette donnée et procéder à tel traitement?), de proportionnalité (est ce nécessaire ?), de loyauté (information complète sur l'usage des données collectées dans le temps et dans l'espace) et de sécurité (dispositif mis en place pour protéger les données dont l'opérateur est dépositaire).
RFI : Quelle est la base de l'action de la LDH dans ce domaine ?
A.W : Notre base d'action est de rappeler sans cesse notamment l'impérieuse nécessité de respecter la dignité humaine, (il semble qu'il soit plus facile de tracer les mouvements d'un internaute sur la toile que ceux d'une vache folle sur le territoire national) et celle de respecter la vie privée. Nous soutenons bien sûr le droit à l'oubli .
RFI : Quelles solutions ? Développer des labels et des chartes ? Une action de lobbying de la part des associations ? Développer la réglementation pour protéger la vie privée, que pensez-vous, par exemple, de la directive européenne de 1995 ?
A.W : Développer les labels et les chartes nous semble un leurre, c'est comme si on demandait aux automobilistes d'auto-reguler leur vitesse sur l'autoroute ce qui est un peu surréaliste. En juin 1998, la Federal Trade Commission aux Etats-Unis critiquait les éditeurs de sites dont 85% collectent des informations personnelles, mais seulement 14% annoncent l'utilisation qu'ils comptent en faire. Les associations ont à l'évidence un rôle important à jouer, en terme de sensibilisation et d'action auprès de la représentation nationale et des décideurs politiques. Le politique n'est pas responsable de la société qu'il trouve, mais il est responsable de la société qu'il laisse. Concernant le développement de la réglementation, un dispositif légal existe et il ne semble pas nécessaire de le renforcer outre mesure. Mais il y a un gros travail à faire en matière de sensibilisation en direction des citoyens pour que les outils disponibles soient utilisés comme des remparts contre les pratiques et incursions hasardeuses de certains opérateurs dans le très profond de la vie privée des gens.
RFI : Le libraire en ligne Amazon modifiait le 31 août 2000 sa charte concernant les données personnelles de ses clients, considérant que celles-ci pourraient être cédées comme tout actif de la société. Pensez-vous que c'est un précédent dangereux ?
A.W : Il n'appartient pas à la LDH de se prononcer sur l'attitude d'un opérateur privé. Cependant, le cas mentionné est révélateur d'une logique marchande dont le développement ne peut qu'inquiéter. L'opérateur ne peut être considéré comme propriétaire de ces données nominatives car s'agissant d'attributs de la personnalité comme le sont le nom et le prénom par exemple, ces éléments ne devraient pas pouvoir faire l'objet d'échange marchand. Il y a donc là une vraie dérive. Il appartient aux citoyens de la faire cesser.
Alain Weber : Ce n'est pas le développement de la société de l'information qui est un problème mais bien plutôt celui de certaines pratiques empreintes d'agressivité commerciale, concernant la collecte de données personnelles souvent sensibles, et leur utilisation au mépris des principes édictés par les textes nationaux et communautaires. Ainsi, certains opérateurs semblent peu soucieux de respecter les principes de finalité (pourquoi collecter cette donnée et procéder à tel traitement?), de proportionnalité (est ce nécessaire ?), de loyauté (information complète sur l'usage des données collectées dans le temps et dans l'espace) et de sécurité (dispositif mis en place pour protéger les données dont l'opérateur est dépositaire).
RFI : Quelle est la base de l'action de la LDH dans ce domaine ?
A.W : Notre base d'action est de rappeler sans cesse notamment l'impérieuse nécessité de respecter la dignité humaine, (il semble qu'il soit plus facile de tracer les mouvements d'un internaute sur la toile que ceux d'une vache folle sur le territoire national) et celle de respecter la vie privée. Nous soutenons bien sûr le droit à l'oubli .
RFI : Quelles solutions ? Développer des labels et des chartes ? Une action de lobbying de la part des associations ? Développer la réglementation pour protéger la vie privée, que pensez-vous, par exemple, de la directive européenne de 1995 ?
A.W : Développer les labels et les chartes nous semble un leurre, c'est comme si on demandait aux automobilistes d'auto-reguler leur vitesse sur l'autoroute ce qui est un peu surréaliste. En juin 1998, la Federal Trade Commission aux Etats-Unis critiquait les éditeurs de sites dont 85% collectent des informations personnelles, mais seulement 14% annoncent l'utilisation qu'ils comptent en faire. Les associations ont à l'évidence un rôle important à jouer, en terme de sensibilisation et d'action auprès de la représentation nationale et des décideurs politiques. Le politique n'est pas responsable de la société qu'il trouve, mais il est responsable de la société qu'il laisse. Concernant le développement de la réglementation, un dispositif légal existe et il ne semble pas nécessaire de le renforcer outre mesure. Mais il y a un gros travail à faire en matière de sensibilisation en direction des citoyens pour que les outils disponibles soient utilisés comme des remparts contre les pratiques et incursions hasardeuses de certains opérateurs dans le très profond de la vie privée des gens.
RFI : Le libraire en ligne Amazon modifiait le 31 août 2000 sa charte concernant les données personnelles de ses clients, considérant que celles-ci pourraient être cédées comme tout actif de la société. Pensez-vous que c'est un précédent dangereux ?
A.W : Il n'appartient pas à la LDH de se prononcer sur l'attitude d'un opérateur privé. Cependant, le cas mentionné est révélateur d'une logique marchande dont le développement ne peut qu'inquiéter. L'opérateur ne peut être considéré comme propriétaire de ces données nominatives car s'agissant d'attributs de la personnalité comme le sont le nom et le prénom par exemple, ces éléments ne devraient pas pouvoir faire l'objet d'échange marchand. Il y a donc là une vraie dérive. Il appartient aux citoyens de la faire cesser.
par Propos recueillis par Myriam Berber
Article publié le 30/04/2001