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Afrique

Tchad, Centrafrique: la nouvelle politique africaine de la France à l'épreuve

Coup d'Etat en Centrafrique, élection présidentielle très contestée au Tchad : à travers deux crises touchant des pays où elle a longtemps fait la pluie et le beau temps, la nouvelle politique africaine de la France est, une fois encore, mise à l'épreuve.
Alors que la Centrafrique, ex-pays clé du dispositif militaire français en Afrique, venait de connaître une tentative de putsch, Lionel Jospin entamait une visite en Afrique du Sud, le 31 mai. Tout un symbole. Pour son premier voyage au sud du Sahara, le Premier ministre français avait d'ailleurs fait l'économie d'une étape dans l'ancien «pré-carré». «L'Afrique des zones d'influence et des interventions inappropriées doit être derrière nous», a-t-il lancé à son arrivée à Pretoria, avant de confirmer la volonté de la France de «rester engagée en Afrique» mais «sans tomber dans l'ingérence».

A travers la crise centrafricaine et la contestation des dernières élections présidentielles au Tchad voisin, cette doctrine de « ni ingérence, ni indifférence », répétée à l'envi à Paris, est plus que jamais mise à l'épreuve. En Centrafrique, la France a depuis longtemps fait connaître sa position. En fermant ses deux bases militaires, de Bouar et Bangui, en 1998, elle a souhaité clore définitivement l'époque des interventions intempestives, symbolisées, en 1979, par l'opération Barracuda, lorsqu'elle avait déposé l'empereur Bokassa et installé David Dacko au pouvoir. Mais il s'agissait aussi de sortir du bourbier centrafricain. Après avoir sauvé la mise à Ange Félix Patassé, un président élu mais aux méthodes politiques douteuses, pendant les mutineries de 1996, elle a passé la main à une force interafricaine de paix, puis aux Nations Unies, sonnant le glas de ses opérations militaires sur le continent noir.

Prudence française

Face à la crise actuelle en Centrafrique, Paris n'en démord pas. «Le Premier ministre a indiqué que nous ne ferions pas d'intervention, que c'était la fin de la Françafrique», a souligné le porte du Quai d'Orsay, qui n'a même pas souhaité évoquer l'hypothèse où la sécurité des 1430 résidents français serait menacée. Quant aux informations selon lesquelles l'ambassadeur de France à Bangui, Jean-Marc Simon, jouerait les médiateurs entre le camp présidentiel et les putschistes, elles sont démenties par le ministère français des Affaires étrangères. «L'ambassadeur a relayé notre condamnation très forte et le message de la France pour que prévalent la voie de la paix et de la légalité», a précisé sa porte-parole adjointe.

Le message selon lequel la France n'a plus de rôle à jouer en Centrafrique ne passe pas forcément auprès de tous les protagonistes de la crise actuelle. A commencer par l'auteur de la tentative de putsch, André Kolingba, qui, s'imaginant sans doute vingt ans plus tôt, aurait demandé à l'ambassadeur de France de lui remettre le pouvoir.

Au Tchad, où la France maintien encore 950 soldats du dispositif «Epervier», déployés depuis 1986, la classe politique a également du mal à croire à la neutralité de l'ancienne puissance coloniale. A l'occasion de la présidentielle du 20 mai, remportée dans des conditions très contestées par Idriss Deby, elle n'a assuré que le «service minimum», souligne-t-on à Paris. La France a tout de même assuré l'impression des bulletins de vote et assuré, en liaison avec les autorités tchadiennes, leur acheminement par avion dans les quatorze préfectures du pays. Elle a par ailleurs participé à la formation d'observateurs locaux des élections aux côtés d'autres bailleurs de fonds.

Quoi qu'il en soit, du côté du pouvoir comme de l'opposition, l'attitude de la France à propos des dernières élections est suivie avec plus d'attention que celle de tout autre partenaire extérieur. Les premiers parce qu'ils s'inquiètent d'éventuelles critiques sur le processus électoral et de leurs effets sur le soutien des institutions financières internationales au projet pétrolier de Doba. Les seconds parce qu'ils estiment pour la plupart qu'Idriss Deby était le candidat de Paris.

La nouvelle doctrine française, facilement mise en pratique à l'égard de pays comme le Bénin ou le Sénégal, a plus de mal à s'appliquer en Centrafrique et au Tchad. Entre indifférence et ingérence, la voix médiane reste, comme dans la crise récente en Côte d'Ivoire, difficile à trouver.



par Christophe  Champin

Article publié le 04/06/2001