Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Désarmement

L'ONU s'attaque aux armes légères

Les représentants de 120 pays et de dizaines d'organisations non gouvernementales se retrouvent durant deux semaines à New York pour lutter contre la contrebande des armes légères qui font 500 000 morts par an. Les lobbys pro-armes et les grands pays exportateurs et importateurs tentent de limiter la portée de la conférence.
De notre correspondant à New York (Nations Unies)

«Avec 1 300 personnes tuées chaque jour, on peut sans exagération appeler les armes légères des armes de destruction massive», affirme Keith Krause, directeur de l'ouvrage «Enquête sur les armes légères» réalisé par un institut basé à Genève. Les données contenues dans cette étude qui fait déjà autorité devraient être de nature à stimuler les représentants de 120 gouvernements qui débattront durant deux semaines de la prolifération illégale des armes légères, du pistolet au lance-roquette, en passant par la Kalachnikov.

Avec 500 000 morts par an, ces armes détiennent un record de mortalité que seule l'épidémie du sida surpasse. Elles ont abondamment servi dans 46 conflits dans les années 90, notamment en Afrique centrale, faisant près de 4 millions de mort, à 90 % des civils, majoritairement des femmes et des enfants. Le marché des armes illégales représente un milliard de dollars par an, c'est le marché noir le plus lucratif après celui de la drogue. Plus de 500 millions d'armes à feu circulent autour de la planète, entre les mains de particuliers pour plus de la moitié.

D'ores et déjà, de nombreuses organisations non gouvernementales réunies dans le Réseau d'action internationale sur les armes légères (IANSA), ont tiré la sonnette d'alarme. Une coalition hétéroclite d'Etats grands exportateurs ou grands consommateurs d'armes se sont alliés pour dépouiller la conférence de tout ce qui pourrait entraver ce lucratif commerce. Parmi eux, les Etats-Unis, la Chine ou la Russie ont obtenu que la conférence ne se penche que sur le commerce illégal. «Si on ne contrôle pas ce que deviennent les armes vendues légalement, elles glissent dans le marché noir» explique Joost Hiltermann de Human Rights Watch. Or, moins de la moitié des pays exportateurs fournissent des informations sur les armes qu'ils exportent. Les spécialistes estiment que la moitié du marché légal des armes finit entre de mauvaises mains.

Mais toutes les mesures visant à contrôler les ventes d'armes dans la transparence ont peu de chance d'être acceptées. Même chose pour le projet imaginé par la Suisse et la France qui militent pour une «traçabilité» des armes légères légales. Il s'agirait d'élaborer un instrument international qui permettrait de connaître la provenance d'une arme par un système de marquage et d'échange d'information. L'outil serait certainement efficace, mais ses chances de survivre à deux semaines de débat sont faibles.

Des lettres de menace adressées à l'ONU

«Nous allons nous élever pour la liberté, explique Wayne LaPierre, de la puissante National Rifle Association. Ils sont déterminés, à ce que je vois, à placer un standard global aux dépens de la liberté individuelle de chaque pays» L'association a de nombreux adeptes aux Etats-Unis qui détiennent un record avec 84 armes pour cent personnes, soit au total près de la moitié des armes légères dans le monde. Le lobby des armes à feu sera représenté à la conférence par une douzaine d'associations. Pour certains, le premier round a commencé avant la conférence. Une centaine de lettres au ton menaçant ont été envoyées au siège de l'ONU par des amoureux des armes à feu. Ces lettres ont été transmises aux services de sécurité pour étudier si certaines pouvaient constituer une menace pour la conférence.

Le secrétaire général adjoint pour le désarmement, Jayantha Dhanapala a été forcé à cette mise au point : «la conférence n'aura aucun effet sur le droit des civils à détenir et à porter légalement des armes». Kofi Annan lui-même a reconnu que le plan d'action final «ne sera peut-être pas aussi fort que nous aurions voulu. (Mais) C'est une reconnaissance par la communauté internationale que nous devons faire quelque chose à propos de ces armes».


Le site Web de la conférence : http://www.un.org/french/Depts/dda/CAB/smallarms/index.html



par Philippe  Bolopion

Article publié le 09/07/2001