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France

Quand les «<i>raves</i>» divisent les politiques

Le phénomène des «raves parties» empoisonne la vie politique française. Depuis le mois d'avril, gouvernement et opposition ne manquent pas une occasion de se renvoyer la balle sur l'art et la manière d'assurer la sécurité des participants et la sérénité des maires sans empiéter sur une liberté chèrement défendue par les jeunes «teufeurs».
Véritable phénomène jeune, vécu comme un Woodstock à répétition, les «raves parties» drainent à chaque fois cinq cents, mille, deux mille, dix mille jeunes ou plus. Elles durent un jour, deux jours, trois jours pendant lesquels les participants s'éclatent sur de la musique techno dans un champ, un hangar désaffecté... Pour connaître le lieu de rassemblement, les «teufeurs» appellent une boite vocale. Jusqu'au dernier moment, itinéraire et point de chute peuvent changer pour déjouer toutes les surveillances. Car le cache-cache avec les autorités fait souvent partie du jeu.

Danse, fête mais aussi consommation de drogue, dans les «raves» tout est permis. Du haschich à l'ecstasy, le «raver» peut se procurer l'ensemble des substances prohibées existantes et les consommer avec ou sans modération. Ainsi, un jeune homme de dix-neuf ans est mort ce week-end d'un arrêt cardiaque après avoir vraisemblablement ingurgité plusieurs pilules d'ecstasy. Des drames de ce type surviennent régulièrement à l'occasion de ces réunions. En l'absence de déclaration aux autorités, la plupart du temps aucune mesure ne peut être prise pour assurer leur encadrement.

Voir débouler une «rave» devient, en période estivale, la hantise des maires français. Risques de violence, récemment deux jeunes filles avaient été violées pendant une «rave», de dégradations, pire de décès, du point de vue des élus ces rassemblements n'ont rien de réjouissant. Comment alors prendre en compte les craintes des uns et les désirs des autres ? Car pour les jeunes, dont on estime qu'ils sont un tiers des 17-19 ans à avoir fréquenté un «événement techno», les raves représentent un espace de liberté quasi-sacré.

«Démagogie jeuniste»

Quelle que soit la réalité du phénomène des raves et les problèmes bien concrets qui découlent de l'organisation sauvage des ces fêtes «techno», le débat n'a pas manqué de se transformer en France en joute politique sur arrière-fond électoral. Mieux, c'est autour de leur gestion que la majorité a frôlé la crise interne.

Daniel Vaillant, ministre de l'Intérieur, a pris le parti de soutenir la version musclée dans le domaine de la prévention anti-dérapage des «raves». Après le dépôt d'un amendement à la loi Sécurité et Proximité par le député RPR Thierry Mariani voté par quelques députés socialistes le 26 avril, il a lui aussi abondé dans le sens de la saisie des sonos des organisateurs de fêtes non autorisées. Cette position n'a pas manqué de provoquer moult remous au sein du petit monde des «teufeurs» mais aussi dans les rangs de la majorité dont quelques figures emblématiques ont pris fait et cause pour le droit des jeunes à «raver» à l'envi, sans obligation de déclaration ou pire d'autorisation préalable. C'est le cas de Bernard Kouchner, Jack Lang, Catherine Tasca ou François Hollande.

L'arbitrage de Lionel Jospin a tardé à venir tant le choix était difficile entre désavouer un ami de 25 ans, fidèle entre les fidèles, et aller à contre-courant de la tendance dominante à gauche quitte à prendre le risque de passer pour un père fouettard qui sombre dans la dérive «liberticide» dénoncée par les jeunes. Il a finalement tranché obligeant son ministre de l'Intérieur à faire voter à contre-c£ur le retrait de l'amendement décrié.

La polémique ne s'est pas éteinte pour autant. Car à chaque nouveau problème à l'occasion d'un rassemblement techno ressurgissent les affrontement politiques entre les pro-raves et les pro-loi. Réglementer, légiférer, négocier avec les organisateurs ? A chacun sa méthode. Si Georges Sarre, président du Mouvement des Citoyens parle de «démagogie jeuniste» et affirme que «même la spontanéité s'organise», Alain Madelin, président de Démocratie libérale rétorque qu'il en assez des «ces lois spectacles». Même Jacques Chirac n'a pas coupé à la question lors son intervention du 14 juillet. Le chef de l'Etat a estimé, pour ne blesser personne, que les «raves» font partie de la «culture techno qui existe et qui a son charme» mais qu'il fallait voir «si nous avions les moyens d'une réglementation minimum» et le cas échéant «prendre d'autres mesures législatives».



par Valérie  Gas

Article publié le 18/07/2001