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Zambie

La lente dérive du régime Chiluba

Opposants arrêtés, presse bâillonnéeà A l'approche des élections générales prévues avant la fin de l'année, le président Frederick Chiluba multiplie les signes de nervosité et les mesures d'intimidation. Dix ans après son élection triomphale et une réélection contestée en 1996, l'espoir a cédé la place à l'inquiétude dans ce pays enclavé de l'Afrique australe.
Dernières cibles en date de la montée de l'autoritarisme qui règne à Lusaka : Edith Nawakwi, secrétaire générale du principal parti d'opposition, le Forum pour la démocratie et le développement (FDD), Fred M'membe, rédacteur en chef du seul quotidien indépendant The Post et l'un de ses journalistes, Bivan Saluseki. Tous trois, accusés de «diffamation» à l'encontre du chef de l'Etat, seront jugés les 5 et 6 septembre prochain. Ils risquent une peine de prison maximale de trois ans. On leur reproche d'avoir traité le président Chiluba de «voleur».

Quelques jours auparavant, la radio zambienne Radio Phoenix a fait les frais de ce que l'IPI, l'Institut international de presse, qualifie de campagne de «musellement» de la presse. Les autorités ont suspendu son autorisation d'émettre. Radio Phoenix était considérée comme un sérieux concurrent de la radio nationale et accusée, par le gouvernement, de faire la propagande de l'opposition. Dans cette atmosphère pesante, les Etats-Unis ont fait part de leur préoccupation et demandé à Lusaka le respect des libertés d'expression et de la presse, «éléments essentiels de la démocratie».

Car les sanctions qui pourraient frapper Edith Nawakwi ne doivent rien au hasard. Elle a fait partie des 22 anciens ministres évincés du gouvernement en mai dernier pour s'être opposés à la tentative du président Chiluba de modifier la constitution. Objectif : briguer un troisième mandat lors de l'élection présidentielle. Un tiers des députés zambiens ont informé le président du Parlement de leur intention d'engager une procédure d'empêchement à l'encontre du chef de l'Etat, qu'ils accusent de corruption mais aussi d'avoir procédé à d'illégales écoutes téléphoniques.

Le mirage s'est évaporé

Le président Chiluba se défend de vouloir coûte que coûte rempiler pour un troisième mandat présidentiel même si les observateurs soulignent qu'au dernier sommet de l'OUA, dont il assure la présidence, Frederick Chiluba s'est livré à une véritable opération de séduction auprès de ses pairs pour gagner leur soutien. Finalement, devant la levée de boucliers au sein même de son propre parti, le chef de l'Etat a renoncé à ce troisième mandat. Son parti, vient de décider de présenter la candidature de l'ancien vice-président Levy Mwanawasa à la présidentielle.

Car c'est toute la question du pouvoir qui est au c£ur de la crise politique. Elu en 1991, Frederick Chiluba a remporté une écrasante victoire et mis un terme à vingt-sept années de parti unique sous Kenneth Kaunda. Le «petit homme», comme on le surnomme en raison de sa taille, sans diplôme et au passé de syndicaliste, s'est imposé comme un héros local à la tête du Mouvement pour la démocratie multipartite (MDD). Cette victoire avait été saluée par le FMI et la Banque mondiale qui avait soutenu un vaste programme d'ajustement structurel dans ce pays, troisième producteur mondial de cuivre.

Mais moins de cinq ans après, les Zambiens ont déchanté au cours d'une réélection contestée. Accusations de corruption, rumeurs de coup d'Etat, arrestations arbitraires, le mirage s'est évaporé. Le contexte économique s'est dégradé, l'exportation de cuivre est passée de 700 000 tonnes par an à moins de 250 000. L'inflation galopante, le chômage endémique, l'afflux de réfugiés (quelque 250 000 en provenance de RDC et d'Angola), ont dissipé tout espoir.

Le 14 août dernier, le gouvernement a annoncé qu'il allait bloquer le prix du maïs, l'aliment de base des Zambiens, pour faire face à la pénurie alimentaire. Environ deux millions de Zambiens, dans 40 des 73 régions du pays, souffrent déjà de la famine, depuis les graves inondations qui ont touché le sud du continent au début de l'année.

Aujourd'hui, l'opposition zambienne, emmenée par l'UNIP, le Parti uni de l'indépendance nationale, accuse Chiluba de s'accrocher au pouvoir, ce qu'il avait lui-même reproché à son prédécesseur. Car pour assurer sa réélection en 1996, Frederick Chiluba n'avait pas hésité à faire voter un amendement pour barrer la route de la présidence à Kenneth Kaundaà sous le prétexte qu'il était né de parents étrangers, originaires du Malawi.



par Sylvie  Berruet

Article publié le 23/08/2001