Cambodge
Nouvelle étape vers le procès des Khmers rouges
Le Cambodge a fait un pas supplémentaire vers le jugement des anciens dirigeants khmers rouges. La cour constitutionnelle de Phnom Penh a approuvé mardi un projet de loi sur la création d'un tribunal spécial pour juger les crimes commis entre 1975 et 1979. Grande première en droit international, il s'agira d'une juridiction mixte où officieront des magistrats cambodgiens mais aussi étrangers.
En janvier dernier, le Conseil constitutionnel cambodgien avait rejeté une première version du projet de loi qui faisait référence à la peine de mort, abolie au Cambodge en 1993. La nouvelle mouture du projet avait été adoptée à la quasi-unanimité par l'Assemblée nationale et le Sénat au cours du mois de juillet. Après l'approbation par le Conseil constitutionnel, le texte doit maintenant recevoir l'aval du roi Norodom Sihanouk û«l'affaire de quelques jours seulement» selon le chef de cabinet du premier ministre Hun Sen. Enfin, il devra être soumis à l'ONU qui supervise le processus. Ce n'est qu'une fois l'aval des Nations unies obtenu que le projet prendra force de loi et que l'instruction pourra commencer.
Pourtant, rien ne garantit encore la tenue du procès historique espéré. La mixité inédite prévue dans les statuts de cette cour, composée de trois magistrats cambodgiens et deux étrangers, ne s'imposera sans doute pas comme un modèle de justice internationale. Elle reflète avant tout l'hostilité des autorités de Phnom Penh au tribunal international en bonne et due forme que souhaitait l'ONU. L'Organisation ne croyait pas à la capacité de la seule justice cambodgienne à mener équitablement un tel procès, mais de son côté, le gouvernement de Hun Sen n'était pas prêt à lui voir échapper le contrôle de la procédure: en juillet 2000, l'ONU avait finalement dû se résoudre à ce procès interne à participation internationale sans précédent dans l'histoire.
Suite incertaine
Deuxième zone d'ombre, les compétences du nouveau tribunal: il pourra bien juger les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre, le génocide, les crimes contre les diplomates et la destruction de la propriété culturelle. Mais seuls «les dirigeants supérieurs du Kampuchea démocratique et ceux qui portent la plus grande responsabilité pour les crimes commis entre le 17 avril 1975 et le 6 janvier 1979» seront susceptibles d'être poursuivis. Après la mort confirmée de Pol Pot, seuls deux responsables, Ta Mok et Kang Kek Leu ont été accusés de génocide et placés en détention. Mais quid de l'ancien numéro trois des Khmers rouges, Ieng Sary, qui bénéficie théoriquement depuis 1996 d'une grâce royale et coule une retraite paisible dans sa villa de Phnom Penh?
Enfin, on peut douter de la volonté du premier ministre Hun Sen à mener à son terme un tel procès. Lui-même ancien Khmer rouge, comme quatre des membres de son gouvernement, il a fait savoir à plusieurs reprises qu'il ne débloquerait aucun crédit pour la tenue de ce procès et qu'il se passerait sans problème de la tutelle de l'ONU pour son organisation.
Malgré tout, les débats qui ont entouré le vote du projet de loi ont sans doute provoqué une prise de conscience dans la classe politique cambodgienne, qui lui a apporté son plus large soutien. Dès janvier dernier, le ministre de l'économie Keat Chhon évoquait «le devoir de mémoire envers les victimes innocentes du régime» et appelait à un «jugement objectif des Khmers rouges pour renforcer la réconciliation nationale». Un objectif difficile à atteindre tant que durera l'impunité des responsables khmer: entre l'entrée à Phnom Penh des troupes de Pol Pot le 17 avril 1975 et la fin de son gouvernement avec l'invasion vietnamienne quatre ans après, ils se sont rendus responsables de la mort de 1,7 millions de personnes. Plus du quart de la population du Cambodge.
Pourtant, rien ne garantit encore la tenue du procès historique espéré. La mixité inédite prévue dans les statuts de cette cour, composée de trois magistrats cambodgiens et deux étrangers, ne s'imposera sans doute pas comme un modèle de justice internationale. Elle reflète avant tout l'hostilité des autorités de Phnom Penh au tribunal international en bonne et due forme que souhaitait l'ONU. L'Organisation ne croyait pas à la capacité de la seule justice cambodgienne à mener équitablement un tel procès, mais de son côté, le gouvernement de Hun Sen n'était pas prêt à lui voir échapper le contrôle de la procédure: en juillet 2000, l'ONU avait finalement dû se résoudre à ce procès interne à participation internationale sans précédent dans l'histoire.
Suite incertaine
Deuxième zone d'ombre, les compétences du nouveau tribunal: il pourra bien juger les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre, le génocide, les crimes contre les diplomates et la destruction de la propriété culturelle. Mais seuls «les dirigeants supérieurs du Kampuchea démocratique et ceux qui portent la plus grande responsabilité pour les crimes commis entre le 17 avril 1975 et le 6 janvier 1979» seront susceptibles d'être poursuivis. Après la mort confirmée de Pol Pot, seuls deux responsables, Ta Mok et Kang Kek Leu ont été accusés de génocide et placés en détention. Mais quid de l'ancien numéro trois des Khmers rouges, Ieng Sary, qui bénéficie théoriquement depuis 1996 d'une grâce royale et coule une retraite paisible dans sa villa de Phnom Penh?
Enfin, on peut douter de la volonté du premier ministre Hun Sen à mener à son terme un tel procès. Lui-même ancien Khmer rouge, comme quatre des membres de son gouvernement, il a fait savoir à plusieurs reprises qu'il ne débloquerait aucun crédit pour la tenue de ce procès et qu'il se passerait sans problème de la tutelle de l'ONU pour son organisation.
Malgré tout, les débats qui ont entouré le vote du projet de loi ont sans doute provoqué une prise de conscience dans la classe politique cambodgienne, qui lui a apporté son plus large soutien. Dès janvier dernier, le ministre de l'économie Keat Chhon évoquait «le devoir de mémoire envers les victimes innocentes du régime» et appelait à un «jugement objectif des Khmers rouges pour renforcer la réconciliation nationale». Un objectif difficile à atteindre tant que durera l'impunité des responsables khmer: entre l'entrée à Phnom Penh des troupes de Pol Pot le 17 avril 1975 et la fin de son gouvernement avec l'invasion vietnamienne quatre ans après, ils se sont rendus responsables de la mort de 1,7 millions de personnes. Plus du quart de la population du Cambodge.
par Nicolas Sur
Article publié le 08/08/2001