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Angola

Un attentat stratégique

L'attaque des rebelles de l'UNITA contre un train, qui a fait 259 morts et plus de 160 blessés, le 10 août, rappelle de manière dramatique la guerre meurtrière que connaît l'Angola depuis 26 ans. Mais elle s'inscrit aussi dans une stratégie de pression sur le camp gouvernemental, alors que la réouverture de négociations est à l'ordre du jour.
Au lendemain de l'attentat meurtrier contre un train dans la province de Cuanza Nord, le 10 août, revendiqué par les rebelles de l'UNITA, les églises angolaises ont une fois de plus lancé un appel à la paix. Les évêques, mobilisés depuis de longs mois pour tenter de convaincre les belligérants de déposer les armes, ont écrit au chef de l'Etat, Eduardo Dos Santos, et au leader de l'UNITA Jonas Savimbi, pour les exhorter à accepter enfin un cessez-le-feu. Un jeûne de trente jours a été décrété, alors que le pouvoir comme l'opposition armée ergotent sur la version de cet événement dramatique. L'UNITA assume sa responsabilité, mais assure avoir attaqué une cible militaire. Ce que dément catégoriquement le gouvernement pour qui le convoi ne transportait que des civils, scénario jusqu'ici accrédité par des sources non-gouvernementales.

Les 259 morts et plus de 160 blessés, selon un dernier bilan officiel, auront fait pendant quelques heures la une de nombreux médias à travers le monde. Ces derniers se sont empressés d'établir une comparaison, avec les deux attentats suicide contre le QG des Marines américains au Liban, qui avaient fait 241 morts en 1983, ou avec l'attentat contre le Boeing 747 de la Pan Am au-dessus du village écossais de Lockerbie et ses 270 morts en décembre 1988.

Les images traumatisantes des victimes de l'attaque de l'UNITA sont malheureusement un nouvel épisode d'une guerre interminable, largement oubliée, entamée il y a 26 ans, et alimentée par de fabuleuses ressources pétrolières et diamantifères. Plus d'un million d'angolais y ont perdu la vie, des centaines de milliers d'autres ont dû fuir leur maison ou s'exiler dans les pays voisins, et le peu d'infrastructures existantes à l'indépendance, en 1975, ont été détruites.

Vers des négociations ?

Le nouveau forfait du mouvement de Jonas Savimbi n'intervient toutefois pas par hasard. Après trois années d'une «stratégie totale», côté gouvernemental, dont l'objectif d'anéantissement de l'UNITA s'est révélé impossible, les deux parties se dirigent à nouveau vers des négociations. Depuis le début de l'année 2001, Dos Santos et Savimbi ont fait à plusieurs reprises des propositions dans ce sens. Dans le même temps, les autorités de Luanda ont annoncé l'organisation d'élections générales l'année prochaine, dix ans après le scrutin de 1992, au terme duquel un Jonas Savimbi contestant la victoire du chef de l'Etat avait repris le maquis.

Les adversaires divergent néanmoins sur les modalités d'éventuels pourparlers. Le président Dos Santos et son entourage réclament l'application de l'accord de Lusaka, signé en 1994, qui prévoyait, entre autres, le désarmement des rebelles et un statut particulier pour Jonas Savimbi. Sauf qu'après quatre ans d'une relative accalmie, les combats avaient repris de plus belle. Ce qui lui sert de justification pour rejeter un texte présenté comme obsolète.

Dans ce contexte, plusieurs analystes estiment que le drame du 10 août s'inscrit dans une stratégie de l'UNITA visant à faire pression sur le camp gouvernemental. En agissant à 150 km à peine de la capitale, après d'autres attaques dans des localités officiellement tenues par les troupes gouvernementales, les hommes de Savimbi envoient un message clair : «nous avons les moyens d'empêcher la tenue d'élections, à vous de faire des concessions».

Or, tout en continuant à bénéficier de la manne pétrolière, dont les ressources sont essentiellement exploitées off-shore, et de la commercialisation du diamant extrait dans les zones qu'il contrôle, le camp gouvernemental a un sérieux besoin de réhabilitation extérieure. L'affaire de l'Angolagate, qui a fait grand bruit en France, a achevé d'écorner l'image d'un régime qui s'était toujours présenté comme victime d'une rébellion soutenue du temps de la guerre froide par l'Afrique du Sud, les Etats-Unis, le Portugal et la France. Dans un rapport publié l'année dernière (A crude awekening, 2000), l'organisation britannique Global Witness avait déjà levé un coin du voile en révélant l'opacité de l'utilisation des revenus pétroliers par Eduardo Dos Santos et ses proches. Le régime de Luanda est par ailleurs dans le collimateur du Fonds monétaire international (FMI) qui conditionne notamment la reprise de ses relations avec Luanda à une gestion transparente de la rente pétrolière. A en croire les conclusions préliminaires, publiées le 14 août, d'une mission de l'organisation sur place fin juillet, c'est encore loin d'être le cas.

Les autorités angolaises, soucieuses depuis quelques mois d'offrir un visage moins belliqueux, n'ont pas manqué de relever la «barbarie» de l'attentat du 10 août. Par la voix de leur ambassadeur aux Nations Unies, Ismael Martins, elles ont appelé la communauté internationale et l'ONU à redoubler d'efforts pour «isoler davantage ceux qui parient sur la guerre et qui se refusent à respecter les décisions du Conseil de Sécurité sur la mise en £uvre du protocole de Lusaka». Une chose est sûre, la population angolaise paye encore une fois lourdement un nouveau bras de fer entre les belligérants angolais.




par Christophe  Champin

Article publié le 20/08/2001