Madagascar
Le pouvoir des ancêtres
A Madagascar, chaque société a ses propres fêtes collectives, des fêtes qui font toujours référence aux ancêtres. Dans l'ethnie des Sakalava du Boina, au nord-ouest de la Grande Ile, les populations honorent leurs anciens souverains, lors d'une grande cérémonie annuelle. Le pouvoir traditionnel se perpétue. Le pouvoir étatique compose avec.
De notre correspondant à Madagascar
Clément Ramananzanary, âgé d'une vingtaine d'années, est venu d'Antananarivo pour participer au Fitampoha. Le Fitampoha, c'est le nom donné dans la langue Sakalava, à la cérémonie de «bain des reliques royales». Une fête qui se déroule chaque année, toujours à la même période (fin juilletûdébut août), lorsque le devin-guérisseur estime la période faste.
La cérémonie a toujours lieu au même endroit: le site sacré de Doany Tsararanambona. Un petit village à quelques kilomètres de Mahajanga. C'est là qu'au XVIIe siècle, un des membres de la dynastie Maroserana, s'est installé pour fonder le royaume du Boina.
Ici, comme dans les autres royautés malgaches, des institutions religieuses, sociales et politiques se sont alors mises en place. Avec comme fondement essentiel, le culte des ancêtres royaux. Un culte profondément ancré, depuis, dans la culture malgache. Le Fitampoha en est l'une des manifestations. Plus qu'une tradition, une institution traditionnelle. Jadis, le souverain en titre recevait à cette occasion, l'allégeance des différents clans du royaume.
«Si on prie pour chasser quelqu'un du pouvoir, ça marche»
Avec la centaine de personnes venues de la capitale malgache, Clément se rend en procession offrir des cadeaux au souverain : un zébu à sacrifier et de l'argent. Clément, comme les autres, souhaite que le roi intercède auprès des ancêtres.
Cette nombreuse délégation venue de la capitale est emmenée par un Prince. Il s'appelle Julien Ramongorakotomavo. Les dorures cousues sur son costume traditionnel témoignent de son rang. Le prince justifie son influence en précisant avant tout qu'il ne fait pas de politique, mais «si on prie ensemble pour chasser quelqu'un du pouvoir, ou pour le maintenir au pouvoir, ça marche, simplement parce qu'on prie avec les Ancêtres...» Nul n'ira chercher à vérifier ou à mettre en doute cette affirmation. Surtout pas les autorités administratives de la région.
Politique et tradition essayent de faire à peu près bon ménage. Pour preuve, cette visite du gouverneur de la province de Mahajanga, fraîchement élu. Etienne Hilaire Razafindehibe s'est rendu dans le village sacré pour saluer le roi des Sakalavas du Boina. «Dans le contexte de la mise en place des provinces autonomes, il est nécessaire, explique le gouverneur, d'établir un lien entre le pouvoir étatique classique et le pouvoir traditionnel. On peut collaborer avec les tenants de ce pouvoir traditionnel, à condition bien sûr qu'on s'enracine dans les valeurs qui sont les leurs.»
Sur le plan politique, les royaumes ont disparu au XXe siècle. La colonisation a eu tendance à mettre entre parenthèses les pouvoirs traditionnels, au profit d'un Etat moderne, un Etat devenu républicain au moment de l'Indépendance, en 1960. Et pourtant, ce pouvoir traditionnel perdure, bien au-delà de l'apparence folklorique.
Car il y a bien toujours un roi. Dans la langue Sakalava, on l'appelle le Panzaka. Malgré ou à cause de son âge avancé, il jouit d'une grande aura, y compris chez les jeunes. «Le Panzaka conserve la tradition, depuis toujours, explique Clément, alors que le président de la République et le gouvernement, ça n'est que pour les choses administratives de maintenant.»
L'une des valeurs essentielles non seulement dans cette région, mais dans toute la Grande Ile, demeure celle du respect de la Terre des Ancêtres. En malgache, cette notion de patrie ancestrale se dit «Tanindrazana». Un mot qui figure dans la devise de la République de Madagascar.
Clément Ramananzanary, âgé d'une vingtaine d'années, est venu d'Antananarivo pour participer au Fitampoha. Le Fitampoha, c'est le nom donné dans la langue Sakalava, à la cérémonie de «bain des reliques royales». Une fête qui se déroule chaque année, toujours à la même période (fin juilletûdébut août), lorsque le devin-guérisseur estime la période faste.
La cérémonie a toujours lieu au même endroit: le site sacré de Doany Tsararanambona. Un petit village à quelques kilomètres de Mahajanga. C'est là qu'au XVIIe siècle, un des membres de la dynastie Maroserana, s'est installé pour fonder le royaume du Boina.
Ici, comme dans les autres royautés malgaches, des institutions religieuses, sociales et politiques se sont alors mises en place. Avec comme fondement essentiel, le culte des ancêtres royaux. Un culte profondément ancré, depuis, dans la culture malgache. Le Fitampoha en est l'une des manifestations. Plus qu'une tradition, une institution traditionnelle. Jadis, le souverain en titre recevait à cette occasion, l'allégeance des différents clans du royaume.
«Si on prie pour chasser quelqu'un du pouvoir, ça marche»
Avec la centaine de personnes venues de la capitale malgache, Clément se rend en procession offrir des cadeaux au souverain : un zébu à sacrifier et de l'argent. Clément, comme les autres, souhaite que le roi intercède auprès des ancêtres.
Cette nombreuse délégation venue de la capitale est emmenée par un Prince. Il s'appelle Julien Ramongorakotomavo. Les dorures cousues sur son costume traditionnel témoignent de son rang. Le prince justifie son influence en précisant avant tout qu'il ne fait pas de politique, mais «si on prie ensemble pour chasser quelqu'un du pouvoir, ou pour le maintenir au pouvoir, ça marche, simplement parce qu'on prie avec les Ancêtres...» Nul n'ira chercher à vérifier ou à mettre en doute cette affirmation. Surtout pas les autorités administratives de la région.
Politique et tradition essayent de faire à peu près bon ménage. Pour preuve, cette visite du gouverneur de la province de Mahajanga, fraîchement élu. Etienne Hilaire Razafindehibe s'est rendu dans le village sacré pour saluer le roi des Sakalavas du Boina. «Dans le contexte de la mise en place des provinces autonomes, il est nécessaire, explique le gouverneur, d'établir un lien entre le pouvoir étatique classique et le pouvoir traditionnel. On peut collaborer avec les tenants de ce pouvoir traditionnel, à condition bien sûr qu'on s'enracine dans les valeurs qui sont les leurs.»
Sur le plan politique, les royaumes ont disparu au XXe siècle. La colonisation a eu tendance à mettre entre parenthèses les pouvoirs traditionnels, au profit d'un Etat moderne, un Etat devenu républicain au moment de l'Indépendance, en 1960. Et pourtant, ce pouvoir traditionnel perdure, bien au-delà de l'apparence folklorique.
Car il y a bien toujours un roi. Dans la langue Sakalava, on l'appelle le Panzaka. Malgré ou à cause de son âge avancé, il jouit d'une grande aura, y compris chez les jeunes. «Le Panzaka conserve la tradition, depuis toujours, explique Clément, alors que le président de la République et le gouvernement, ça n'est que pour les choses administratives de maintenant.»
L'une des valeurs essentielles non seulement dans cette région, mais dans toute la Grande Ile, demeure celle du respect de la Terre des Ancêtres. En malgache, cette notion de patrie ancestrale se dit «Tanindrazana». Un mot qui figure dans la devise de la République de Madagascar.
par Olivier Péguy
Article publié le 10/08/2001