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Commerce mondial

De Seattle à Doha, les leçons d'un échec

Deux ans après l'échec du sommet de l'OMC, en 1999 à Seattle, personne ne se hasarde à parier sur le succès de la rencontre du 9 au 13 novembre à Doha au Qatar. Pourtant, en deux ans, les leçons de la conférence de Seattle ont été tirées et la situation politique et économique mondiale a changé.
Il y a, de toute évidence, un avant et un après Seattle. La troisième conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce, en décembre 1999, a achoppé sur l'incompatibilité des intérêts entre les Etats-Unis, l'Union européenne et, parlant pour la première fois en leur propre nom dans cette instance, les pays en développement. Pendant ce temps, dans la rue, l'opposition à la mondialisation ultralibérale prenait la forme de manifestations d'une importance inconnue jusqu'à ce jour. A Seattle, les heurts violents entre manifestants et forces de l'ordre, débordées et surprises par le nombre, préfiguraient les incidents qui se sont régulièrement reproduits depuis, à chaque grande rencontre internationale, Göteborg, Prague, Nice, pour aboutir à la mort d'un jeune manifestant italien au G8 de Gènes.

Pour Pascal Lamy, commissaire européen chargé du commerce extérieur et représentant à ce titre l'Union européenne à Doha, la quatrième conférence ministérielle se présente beaucoup mieux que la précédente parce qu'elle a été mieux préparée et plus transparente. C'est la première leçon tirée de Seattle. La deuxième est la prise en compte d'un meilleur équilibre entre libéralisation des échanges et régulation, entre efficacité des marchés et équité. D'un dosage acceptable par tous dépend la réussite de la rencontre de cette année, c'est à dire le lancement, ou non, d'un nouveau cycle de négociations sur la libéralisation du commerce international des biens et services.

Une régulation plus que jamais nécessaire

En effet, comme il y a deux ans, la rencontre entre les ministres du commerce des 141 membres de l'OMC n'a pas pour objectif l'ouverture à la concurrence de nouveaux secteurs économiques mais un accord sur les domaines dans lesquels la négociation en vue d'une libéralisation ultérieure va pouvoir s'engager. Du point de vue européen, des concessions ont été faites depuis Seattle et l'UE a assoupli ses positions. Elle n'exige plus la modification des règles de l'OMC sur l'environnement mais des clarifications, elle a reculé sur les défenses commerciales qu'un pays peut opposer aux importations qui lui nuisent, elle a accepté des adaptations des contraintes portant sur les investissements et la concurrence.

En revanche, dans trois domaines, Pascal Lamy estime qu'il reste «beaucoup de travail à faire et beaucoup de problèmes à régler». On retrouve sous ce chapitre des exigences européennes déjà connues en matière de protection de l'environnement, de respect des normes sociales et de préservation de l'agriculture.

Sur ces points le risque existe, comme il y a deux ans, de voir pays en développement et Etats-Unis solidaires face à l'Europe. Les premiers pour dénoncer un protectionnisme déguisé sous des préoccupations sociales ou écologiques, et les seconds pour empêcher les mesures prises dans l'UE en faveur de la sécurité alimentaire (traçabilité, étiquetage, principe de précaution appliqué aux organismes génétiquement modifiés). A cela s'ajoute la question de la propriété intellectuelle. Les pays pauvres demandent la levée des protections portant sur les médicaments qui leur sont indispensables. Dans les pays industrialisés la polémique est centrée sur la brevetabilité du vivant, liée au développement des thérapies géniques.

Un nouvel échec de l'OMC et donc de la gestion multilatérale du commerce mondial serait-il très grave ? Pour Pierre Moscovici, ministre français chargé des affaires européennes, le ralentissement de l'économie mondiale mais surtout les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis ont «braqué les projecteurs sur les désordres du monde qui peuvent créer un terreau favorable à la dérive terroriste». L'OMC est le lieu où peuvent se dégager des solutions pour une mondialisation sans exclusion, faire avancer l'indispensable régulation et la prise en compte des pays en développement. Pour y parvenir, l'OMC doit toutefois encore faire des progrès vers plus de démocratie dans les décisions et de transparence dans son fonctionnement.



par Francine  Quentin

Article publié le 07/11/2001