Patrimoine
Enchères : la fin de l’exception française
Les commissaires-priseurs français n’ont plus le monopole sur les enchères hexagonales. La célèbre société américaine Sotheby’s procède aujourd’hui à sa première vente sans intermédiaire à Paris. Cette réforme fait presque figure de révolution après plus de quatre siècles sans changement dans cette profession qui va maintenant s’ouvrir à la concurrence internationale.
Cela fait dix ans que Laure de Beauvau-Craon, présidente de Sotheby’s France, fait campagne pour obtenir la réforme du statut des commissaires-priseurs dans l’Hexagone et l’ouverture du marché aux sociétés internationales. Depuis 1991, la princesse (par mariage) des enchères n’a eu de cesse de casser le monopole dont jouissait jusqu’à cette année les quelque 458 officiers ministériels, seuls habilités depuis une ordonnance d’Henri II, en 1556, à adjuger des biens par un coup de marteau. Aujourd’hui, elle a enfin obtenu gain de cause. Les commissaires-priseurs français n’ont plus le monopole sur les ventes volontaires de meubles. Ils doivent se convertir en sociétés commerciales et obtenir un agrément d’une nouvelle instance, le Conseil des ventes, au même titre que les études étrangères qui veulent s’installer en France. Ils ne gardent leur statut «Ancien Régime» d’officiers ministériels que dans le cadre des ventes sur décisions judiciaires. Pour officier au pupitre, il demeure par contre nécessaire d’être détenteur d’une licence (droit, histoire de l’art) et d’avoir effectué deux ans de stage. Ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays.
La bataille n’a pas été facile tant cette corporation, attachée à ses privilèges, était opposée à toute modification. Après des interventions sans succès auprès des autorités françaises pour obtenir l’autorisation d’organiser une vente, la princesse de Beauvau-Craon s’en est allée à Bruxelles, au début des années 90, solliciter un arbitrage européen. Et en 1995, elle a obtenu une mise en demeure du gouvernement français en vertu du non-respect de l’article 59 du Traité de Rome sur la libre prestation des services au sein de la Communauté européenne. Mais il a fallu attendre encore cinq ans, et quelques changements de gouvernements, pour que finalement une loi soit votée dans ce sens, en juillet 2000.
«Un moment historique»
Depuis juillet 2001, la diffusion des décrets d’application du texte puis la mise en place du Conseil des ventes ont permis d’engager la dernière ligne droite avant ce que Laure de Beauvau-Craon appelle «un moment historique». C’est à dire la vente aux enchères par la maison américaine, qui a fait partie des cinq premiers bénéficiaires d’agrément, dans ses prestigieux locaux proches du Palais de l’Elysée à Paris, d’une collection de littérature française du Belge Charles Hayoit dont le clou est, selon les spécialistes, le manuscrit des Faux monnayeurs d’André Gide. Christie’s, sa rivale anglaise passée dans l’escarcelle de l’homme d’affaires français François Pinault, doit aussi s’engouffrer dans la brèche, dès le 5 décembre, en organisant à son siège parisien de l’avenue de Matignon, la vente de cinq collections privées.
Pourtant, Sotheby’s avait déjà mis un pied sur le marché hexagonal. Laure de Beauvau-Craon avait contourné l’interdit en organisant des ventes grâce à des accords avec des commissaires-priseurs français. En 1999, Sotheby’s s’était associée avec l’étude d’Hervé Poulain et Remi Le Fur pour mettre aux enchères le mobilier du château de Groussay. La maison américaine ne jouant officiellement que le rôle de prestataire de service pour assurer la logistique et la promotion de la vente, l’enchère proprement dite ayant lieu sous la direction des commissaires hexagonaux.
La réforme de cette profession devrait permettre à Paris de reprendre du poil de la bête face à Londres et surtout New York. La capitale française qui était, en effet, leader mondial sur le marché de l’art jusque dans les années 50, ne représente plus aujourd’hui que 5 à 7 % des ventes. Le feu vert donné à Sotheby’s et Chritie’s devrait entraîner un flux de collections et de clients étrangers vers la France. Mais aussi changer le mode de fonctionnement de ce marché dans lequel l’hôtel Drouot, qui organisait 2000 ventes annuelles, était jusqu’à présent le temple incontesté. Malgré tout, Maître Ribeyre, le responsable de la salle reste serein : «Avec l’ouverture du marché aux maisons étrangères, la concurrence sera plus rude mais la clientèle plus importante. J’y vois donc un très grand avantage».
En ces temps d’ouverture à la concurrence qui pourrait faire perdre des plumes aux «petits» commissaires-priseurs, surtout en province, certains pensent déjà à se regrouper pour faire face aux géants d’Outre-Manche et d’Outre-Atlantique. Des rumeurs persistantes font ainsi état des intentions de Pierre Bergé, Pdg d’Yves Saint Laurent haute couture, de créer un nouveau pôle français de la vente aux enchère en regroupant une quinzaine de commissaires-priseurs et en rachetant une partie des actifs de Drouot.
La bataille n’a pas été facile tant cette corporation, attachée à ses privilèges, était opposée à toute modification. Après des interventions sans succès auprès des autorités françaises pour obtenir l’autorisation d’organiser une vente, la princesse de Beauvau-Craon s’en est allée à Bruxelles, au début des années 90, solliciter un arbitrage européen. Et en 1995, elle a obtenu une mise en demeure du gouvernement français en vertu du non-respect de l’article 59 du Traité de Rome sur la libre prestation des services au sein de la Communauté européenne. Mais il a fallu attendre encore cinq ans, et quelques changements de gouvernements, pour que finalement une loi soit votée dans ce sens, en juillet 2000.
«Un moment historique»
Depuis juillet 2001, la diffusion des décrets d’application du texte puis la mise en place du Conseil des ventes ont permis d’engager la dernière ligne droite avant ce que Laure de Beauvau-Craon appelle «un moment historique». C’est à dire la vente aux enchères par la maison américaine, qui a fait partie des cinq premiers bénéficiaires d’agrément, dans ses prestigieux locaux proches du Palais de l’Elysée à Paris, d’une collection de littérature française du Belge Charles Hayoit dont le clou est, selon les spécialistes, le manuscrit des Faux monnayeurs d’André Gide. Christie’s, sa rivale anglaise passée dans l’escarcelle de l’homme d’affaires français François Pinault, doit aussi s’engouffrer dans la brèche, dès le 5 décembre, en organisant à son siège parisien de l’avenue de Matignon, la vente de cinq collections privées.
Pourtant, Sotheby’s avait déjà mis un pied sur le marché hexagonal. Laure de Beauvau-Craon avait contourné l’interdit en organisant des ventes grâce à des accords avec des commissaires-priseurs français. En 1999, Sotheby’s s’était associée avec l’étude d’Hervé Poulain et Remi Le Fur pour mettre aux enchères le mobilier du château de Groussay. La maison américaine ne jouant officiellement que le rôle de prestataire de service pour assurer la logistique et la promotion de la vente, l’enchère proprement dite ayant lieu sous la direction des commissaires hexagonaux.
La réforme de cette profession devrait permettre à Paris de reprendre du poil de la bête face à Londres et surtout New York. La capitale française qui était, en effet, leader mondial sur le marché de l’art jusque dans les années 50, ne représente plus aujourd’hui que 5 à 7 % des ventes. Le feu vert donné à Sotheby’s et Chritie’s devrait entraîner un flux de collections et de clients étrangers vers la France. Mais aussi changer le mode de fonctionnement de ce marché dans lequel l’hôtel Drouot, qui organisait 2000 ventes annuelles, était jusqu’à présent le temple incontesté. Malgré tout, Maître Ribeyre, le responsable de la salle reste serein : «Avec l’ouverture du marché aux maisons étrangères, la concurrence sera plus rude mais la clientèle plus importante. J’y vois donc un très grand avantage».
En ces temps d’ouverture à la concurrence qui pourrait faire perdre des plumes aux «petits» commissaires-priseurs, surtout en province, certains pensent déjà à se regrouper pour faire face aux géants d’Outre-Manche et d’Outre-Atlantique. Des rumeurs persistantes font ainsi état des intentions de Pierre Bergé, Pdg d’Yves Saint Laurent haute couture, de créer un nouveau pôle français de la vente aux enchère en regroupant une quinzaine de commissaires-priseurs et en rachetant une partie des actifs de Drouot.
par Valérie Gas
Article publié le 29/11/2001