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Chanson

La disparition de Gilbert Bécaud

L’une des grandes voix de la chanson française vient de s’éteindre. Gilbert Bécaud a succombé des suites d’un cancer à l’age de 74 ans. Retour sur un demi-siècle de carrière. Portrait extrait de www.rfimusique.com.
C'est sur les bords de la Méditerranée, à Toulon, que naît François Silly, alias Gilbert Bécaud, le 24 octobre 1927. Son père quitte sa famille lorsque François est encore très jeune, mais sans divorcer. Madame Silly ne peut donc pas épouser son nouveau compagnon, Louis Bécaud, que François, son frère Jean et sa sœur Odette considèrent désormais comme leur père.
François s'intéresse à la musique dès ses premières années, et en particulier au piano qu'il pratique brillamment assez vite. A neuf ans, il entre au conservatoire de Nice où il reste jusqu'à ce que la famille quitte Toulon pendant la guerre en 1942. La mère de François, surnommée Mamico, souhaite donner toutes les chances à son fils pour qu'il pratique son art dans les meilleures conditions. En 1943, la famille prend la direction d'Albertville en Savoie sous l'impulsion de Jean, le frère aîné. Jean est alors un membre actif de la résistance dans le Vercors, et François le rejoint quelques temps.
A la fin de la guerre, tout le monde rentre à Paris. François a vingt ans et décroche quelques contrats dans les bars ou les cabarets en tant que pianiste. Il commence aussi à composer quelques musiques de films sous le nom de François Bécaud. La Sacem (Société des auteurs compositeurs) enregistre son nom pour la première fois en 1947. Puis, il va venir à la chanson doucement à travers tout d'abord sa rencontre avec Maurice Vidalin. En 1948, François/Gilbert Bécaud compose pour la chanteuse Marie Bizet qui lui présente un jeune auteur, Pierre Delanoë. Vidalin et Delanoë deviennent des amis proches de Bécaud et ensemble ils écriront d'innombrables tubes inoubliables.

En 1950, grâce encore à Marie Bizet, François/Gilbert Bécaud rencontre Jacques Pills, chanteur très à la mode à cette époque. Bécaud devient son accompagnateur, et ensemble, ils entreprennent plusieurs tournées triomphales, en particulier aux Etats-Unis. C'est là qu'il font la connaissance d’Edith Piaf pour qui ils rêvent d'écrire. Ils lui présentent alors la chanson Je t'ai dans la peau dont la chanteuse raffole immédiatement. Peu de temps après, Jacques Pills épouse Piaf. La collaboration avec Pills cesse mais Bécaud devient régisseur de Piaf. En 1952, François Silly prend définitivement le nom de Gilbert Bécaud. C'est aussi à cette époque qu'il adopte quelques habitudes qui ne le quitteront plus, telle sa cravate à pois sans laquelle il ne montera désormais pas sur scène.
Toujours en 1952, il rencontre celui qui, avec Vidalin et Delanoë, va aussi devenir un de ses paroliers fétiches, Louis Amade. Haut fonctionnaire, Louis Amade se partagera toute sa vie entre ses fonctions officielles et l'écriture. Gilbert Bécaud fait également la connaissance en 52 d'un jeune compositeur et chanteur débutant comme lui, Charles Aznavour. Comme pour Bécaud, Piaf a ouvert les portes de l'Amérique à Aznavour à la fin des années 40. Les deux jeunes artistes commencent à composer ensemble, et de nombreuses fois au cours de leurs carrières triomphales, ils se retrouveront pour écrire ensemble.
Enfin en 1952, Gilbert Bécaud épouse Monique Nicolas, dont il aura un fils l'année suivante, Gaya. Tout va très vite désormais pour Bécaud qui possède tous les atouts du succès: son talent de compositeur, des auteurs talentueux, et une solide expérience de la scène acquise durant ses longues tournées avec Jacques Pills.

Monsieur 100.000 volts!

Le 2 février 1953, Bécaud enregistre ses deux premiers titres, Mes mains signé Delanoë, et Les Croix signé Amade. Son fils Gaya, naît exactement le même jour. A ce moment-là, ce qui va devenir la salle de spectacle la plus célèbre de Paris, l'Olympia est sur le point de rouvrir après vingt-cinq ans d'abandon. Le propriétaire, Bruno Coquatrix, pense à Bécaud pour la toute première affiche en février 54. Bécaud n'est alors que vedette américaine. Mais lorsque le 17 février 1955, il remonte sur la scène de l'Olympia en vedette cette fois, le triomphe est au rendez-vous. A cette occasion, a lieu la célèbre séance en matinée au cours de laquelle quatre mille jeunes, emportés par l'incroyable énergie de Gilbert Bécaud, détériorent une partie de la salle, événement assez inédit pour l'époque. La presse relate largement les faits et Bécaud bénéficie de surnoms tels «Monsieur Dynamite», «Le champignon atomique» ou le plus célèbre d'entre eux, «Monsieur 100.000 volts». Cet incident marque en fait le véritable départ de la carrière de Bécaud et surtout son attachement à l'Olympia, dont il reste l'emblème et le symbole. Le nombre de ses passages dans cette salle est un record (trente fois de 1954 à 1997). Sa fougue, sa jeunesse, sa voix chaleureuse et son tempérament méditerranéen sont autant d'atouts pour établir une complicité avec le public qui ne se démentira jamais.
Dès 1955, Bécaud consacre une grande partie de son temps aux tournées qui l'emmènent de l'Europe à l'Amérique du Nord en passant par le Maghreb. Chaque année, il donnera parfois jusqu'à deux cent cinquante concerts sur toutes les scènes du monde. De plus, il ne cesse de composer et avec la complicité de ses trois auteurs favoris, il crée et enregistre sans relâche. On peut juste citer en 1956, La corrida, en 57 Les marchés de Provence ou en 58 C'est merveilleux l'amour. Parallèlement à la chanson, Gilbert Bécaud fait ses débuts au cinéma en 1956 dans Le pays d'où je viens de Marcel Carné. Il en compose également la musique. Cependant, le septième art restera toujours en second plan dans la carrière du chanteur. Enfin, en 1957 naît son second fils, Philippe. Fin 1958, disparaissent son père et son beau-père à deux semaines d'intervalle.

Après le démarrage en trombe d'une carrière qui ne fait que commencer, Gilbert Bécaud attaque les années 60 triomphalement. Vedette internationale, son énergie enthousiasme des publics de toutes nationalités. En 1960, il reçoit le grand prix du disque. Compositeur curieux, il crée cette année-là une cantate de Noël, L'Enfant à l'étoile, qui est diffusée à la télévision lors de la soirée du 24 décembre 60 depuis l'église Saint Germain l'Auxerrois à Paris.
En 1961 c’est l'année de Et maintenant, célébrissime titre de Gilbert Bécaud, signé par Pierre Delanoë pour le texte. Cette chanson sera reprise plus de cent cinquante fois, et la version anglaise What now my love fera le tour du monde. Après sa cantate, Gilbert Bécaud se lance en 1962 dans une nouvelle expérience de taille: un opéra. Déjà en partie composé depuis plusieurs années, l'entreprise fut longue et complexe à monter avant cette date du 25 octobre 1962 où enfin, Gilbert Bécaud peut présenter son œuvre, l'Opéra d'Aran devant le Tout-Paris réuni pour la première au théâtre des Champs-Elysées. Dirigé par le chef d'orchestre Georges Prêtre, cet opéra lyrique est joué cent fois. Les critiques sont plutôt bonnes et aujourd'hui encore, le spectacle est repris régulièrement sur des scènes étrangères. Cependant, c'est dans son rôle de chanteur et d'homme de scène que le public préfère Bécaud. Après l'épuisante expérience de l'opéra, le chanteur reprend en 1963 ses tournées (le Japon) et ses enregistrements. Le titre phare de cette année-là est Un dimanche à Orly, allusion à ses innombrables passages dans l'aéroport parisien.
Dans ce début des années 60, une nouvelle vague de chanteurs, ceux qu'on appelle les yéyés et qui marquent l'arrivée du rock'n'roll dans le paysage musical français, font une concurrence impitoyable à la génération précédente, dont Bécaud fait partie. Comme Aznavour, Bécaud commence donc à écrire pour ces jeunes chanteurs, dont Richard Anthony ou Hervé Vilard. Le jeune Eddy Mitchell se lance même dans une reprise de Et maintenant. Bécaud compose surtout en 1960 Age tendre et tête de bois qui devient le générique d'une célèbre émission de télévision pour les jeunes. Enfin, l'événement national qui marque la France en octobre 1963 est la mort d'Edith Piaf et de l'écrivain Jean Cocteau le même jour. Pour Bécaud, comme pour tous les Français, la mort de Piaf est un choc, mais celle de Cocteau marque la disparition d'un ami qui l'avait encouragé à ses débuts et au moment de ses premiers passages sur la scène de l'Olympia.
1964, c'est l'année de Nathalie, titre phare de son répertoire et qui atteint en quelques mois des scores de ventes exceptionnels. Gilbert Bécaud l'interprète à l'Olympia pour son dixième passage sur la scène du boulevard des Capucines. Puis, l'Opéra d'Aran part en tournée à travers la France et l'Europe. L'année suivante, Bécaud repart en tournée à travers la France, puis s'envole pour l’URSS le 24 avril. De 65, on retient Quand il est mort le poète et Tu le regretteras, chanson dédiée au Général de Gaulle, et qui fit couler un peu d'encre en cette année d'élections présidentielles. D'ailleurs, Gilbert Bécaud choisira de ne jamais chanter cette chanson sur scène. Après six semaines de tournée en Allemagne début 66, Gilbert Bécaud donne un concert en direct à la télévision américaine le 22 avril, avant de s'envoler pour l'Amérique du Sud. Le 8 octobre, il remonte son opéra en Belgique avant d'en effectuer un nouvel enregistrement plus moderne et dans lequel, il s'attribue pour la première fois un rôle. En 1966, naît son troisième enfant, Anne.
Après l'incroyable succès de What now my love(Et maintenant), c'est la version anglaise de Je t'appartiens (1955), soit Let it be me, qui devient un succès planétaire en 67. Bob Dylan, Nina Simone, Sonny and Cher, ou James Brown, la liste des interprètes de cette nouvelle version demeure impressionnante. En outre, il crée également en 67 une autre de ses chansons les plus célèbres, L'important c'est la rose qu'il chante devant son public lors de son douzième Olympia à partir du 17 novembre.
La fin des années 60, se termine entre tournées, émissions de télévision et enregistrements. Gilbert Bécaud est désormais un artiste majeur de la chanson française. Certains de ses titres sont des classiques et sa popularité est énorme. Les années 70 démarrent avec le très beau titre, La solitude ça n'existe pas, écrit avec Delanoë. Mais Bécaud a un faible pour La vente aux enchères dont le texte est signé Maurice Vidalin. Le chanteur enregistre un peu moins de nouveaux titres, mais ses récitals restent nombreux et sa puissance scénique n'a rien perdu de sa vigueur. Le public l'adore et lors de son Olympia de février 72, on compte dix-neuf rappels! Fin 72, Gilbert Bécaud publie une intégrale en six triples albums! Cette année-là, il revient également devant les caméras dans le film de Roberto Muller, produit par Claude Lelouch, Un homme libre.
En 1973, il joue cette fois dans un film de Claude Lelouch, Toute une vie. Mais, après ces deux films, il se replonge dans la chanson et entame son seizième Olympia en octobre. Le rythme effréné de la vie du chanteur depuis une vingtaine d'années finit par se faire sentir. Gilbert Bécaud est fatigué. De plus, il fume beaucoup, et le tabac représente de plus en plus un handicap pour sa voix.
Comme en 1960, sa cantate de Noël est diffusée à la télévision en mondiovision le 24 décembre 73. Trois semaines plus tard, le 14 janvier 1974, Gilbert Bécaud est nommé Chevalier de la Légion d'Honneur. La cérémonie a lieu - fait except



Article publié le 18/12/2001