Surveillance
Sommes-nous tous en liberté surveillée ?
Orwell l'avait pressenti, nous vivons désormais dans des sociétés de surveillance. Caméras, applications biométriques ou autres se multiplient. Si le Royaume Uni est l’un des pays les plus vidéosurveillés au monde, la France n’est pas en reste. On compte plus d’un million et demi d’objectifs pointés sur les lieux publics. Dans la banlieue de Londres, les autorités municipales de la ville de Newham ont recours depuis 1998 à un système de vidéosurveillance biométrique capable de reconnaître le visage des criminels fichés par la police. Ce programme de reconnaissance faciale qui a suscité une vaste polémique, est présenté par ces concepteurs et les autorités de Newham comme particulièrement efficace: le nombre de crimes et délits aurait baissé de plus de 20%. La municipalité s’est vue décernée, en 1998, par l’ONG britannique «Privacy International» un trophée Big Brother Award.
Le succès de ce procédé ne s’est pas démenti. Début 2001, l’Etat de Floride aux Etats-Unis a recours à ce type de système lors du «Super Bowl», la finale du championnat de football américain. Dans plusieurs villes américaines, on l’utilise pour endiguer la violence urbaine dans les quartiers chauds, dans les casinos de Las Vegas pour repérer les tricheurs, et dans le métro les délinquants. L’une des illustrations de l’après 11 septembre a été l’intérêt grandissant pour l’identification biométrique. Les aéroports internationaux, les gares ferroviaires et les postes frontaliers des Etats-Unis et du Canada sont désormais équipés de ces technologies de reconnaissance faciale.
La traque des little brothers
La liste est longue. Les exemples nombreux. Car si historiquement le marché de la biométrie est policier, il s’étend aujourd’hui au contrôle d’accès. La reconnaissance faciale a ainsi trouvé des applications dans la surveillance des travailleurs palestiniens aux frontières d’Israël, et dans la lutte contre les fraudes électorales au Mexique. En Floride, le parc d’attractions de Disneyland fait lui appel à une technique basée sur la géométrie de la main pour la reconnaissance d’accès des abonnés aux activités du parc. L’empreinte digitale est utilisée aux Etats-Unis pour l’attribution des prestations sociales, dans les aéroports de Malaisie et d’Islande pour la lecture des passeports, et également dans des pays comme le Royaume-Uni, la Belgique et la Finlande pour gérer l’accès aux collèges, aux clubs privés et aux stades.
Cette surveillance électronique qui s’étend à de nombreux domaines de la sphère privée, risque de commencer très tôt dans la vie de certains citoyens. Au Texas et dans l'Indiana, mais également en France dans la commune d’Issy-Les-Moulineaux, des crèches laissent les parents surveiller depuis leur bureau ce que font leurs enfants pendant la journée. Le procédé se veut simple. Les crèches en question sont équipées de webcams et d’un serveur connecté au réseau Internet. Ces caméras de télévision installées en circuit fermé, permettent aux parents depuis leur bureau, grâce à un site web sécurisé de regarder ce que font leurs enfants pendant la journée. La cantine scolaire de Morges en Suisse identifie les élèves grâce à leur empreinte digitale. Très efficace, ce système permet de facturer aux parents les repas consommés.
Mais la surveillance n’est plus le monopole des Etats ou de sociétés spécialisées. Ce n’est pas tant un Big Brother qui nous menace que la multiplication des «little brothers». En cause: la miniaturisation des appareils et la baisse des prix qui l’accompagne. Les moyens d’espionnage sont en train de devenir très abordables. Une mini-caméra de surveillance qui se vendait il y a dix ans 800, coûte aujourd’hui près de 90 dollars. Les coûts de stockage et d’analyse des données sont également en baisse. Le volume d’informations stockées ne cesse d’augmenter. Tout est fiché, de votre permis de conduire à votre dossier médical, en passant par votre casier judiciaire. Les fichiers informatiques tendent à grossir et à ne jamais être détruits. Notre intimité est devenue une cible pour les annonceurs. C’est l’un des effets de ce que l’on appelle la marchandisation des données. Mais un autre marché se profile : celui de la protection de ces données tant convoitées.
par Myriam Berber
Article publié le 24/12/2001 Dernière mise à jour le 05/08/2005 à 15:26 TU