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Portugal

Lourde défaite pour les socialistes

Le Premier ministre portugais tire les conséquences de la sévère défaite enregistrée par le Parti socialiste lors des municipales: Antonio Guterres remet sa démission après ce cuisant revers électoral.
La défaite est cuisante, d'autant plus que les sondages, tout en prédisant un recul socialiste, étaient loin de lui donner une telle ampleur. Au total national des suffrages, le parti socialiste reste la force politique pour laquelle les Portugais ont le plus voté, puisqu'il est crédité d'un peu plus de 34% des suffrages exprimés contre 28,5% au Parti social-démocrate (le parti dit social-démocrate étant au Portugal le parti de droite, ou de centre-droit). Avance en nombre de voix donc, mais le parti socialiste perd à l'issue du scrutin d'hier la plupart des centres urbains, qui constituaient ses grands fiefs.

Il y a eu d'abord hier soir les résultats de Porto, la métropole du nord, de Sintra dans la banlieue de Lisbonne, la deuxième ville par le nombre d'électeurs, de Coïmbra, la prestigieuse ville universitaire, et aussi de Faro, la capitale de l'Algarve dans le sud, toutes villes administrées par les socialistes et qui, à la faveur de ces élections, passent à droite. La plus mauvaise surprise portant sur la perte de Porto, où le candidat socialiste, l'ancien ministre de l'Intérieur Fernando Gomes était pourtant donné gagnant dans les sondages.

Et puis, vers 2 heures du matin est tombée une nouvelle, pire encore pour Antonio Guterres, et qui a directement semble-t-il poussé le Premier ministre à la démission : Lisbonne, la capitale, passait elle aussi à droite, et c'était d'autant plus un désaveu que plusieurs socialistes d'envergure nationale, dont Antonio Guterres lui-même, s'étaient mobilisés durant la campagne pour préserver ce bastion. Lisbonne comme d'autres capitales est une métropole qui concentre beaucoup de problèmes spécifiques comme une circulation automobile étouffante: mais aussi la dégradation de l'habitat immobilier ancien. Mais outre ces facteurs, la bataille pour Lisbonne a mis aux prises deux personnalités très en vue. D'une part le fils de l'ancien président Mario Soares, Joan Soares, pour les socialistes, qui a donc perdu; et d'autre part, à droite donc un quadragénaire charismatique, Pedro Santana Lopes, qui en dépit de trois expériences matrimoniales dans ce pays qui reste très catholique, plait beaucoup à l'électorat, comme son succès d'hier en témoigne. Un succès d'autant plus éclatant qu'il se trouvait dans une configuration moins favorable qu'ailleurs. Puisqu'il n'avait pas noué d'alliance, comme d'autres, avec la droite nationaliste, mais qu'en face, le candidat socialiste se présentait lui comme le candidat d'une coalition avec les communistes, un cas unique dans le scrutin d'hier.

Des mesures économiques impopulaires

L’explication de ce revers socialiste est à chercher surtout dans le domaine de l'économie. C’est là que le gouvernement socialiste a dû prendre il y a quelques mois des mesures impopulaires. Confronté à un ralentissement de la croissance, responsable d'une baisse des recettes fiscales et d'un dérapage des finances publiques, il risquait de ne pas pouvoir respecter ses engagements de réduction des déficits vis-à-vis de Bruxelles s'il renâclait à se serrer la ceinture. Des mesures draconiennes ont donc été prises cet été, des coupes claires dans le budget de l'année en cours et dans les prévisions pour 2002-2004. Le gouvernement a ainsi décidé de geler, ou presque, les salaires dans la fonction Publique, de réduire le nombre de fonctionnaires et de remettre à plus tard de grands projets d'investissements: par exemple la construction d'un nouvel aéroport près de Lisbonne, ou d'un troisième pont sur le Tage, ou encore de quatre lignes de TGV. Et puis il y a des raisons plus récentes et anecdotiques pour expliquer apparemment la perte de vitesse des socialistes; comme la volonté de baisser à 0,2 gramme par litre de sang le taux d'alcoolémie acceptable au volant, ce qui a été particulièrement mal perçu par des milliers de viticulteurs portugais.

Désormais, le Premier ministre a présenté sa démission, pour a-t-il dit clarifier la situation et éviter ce qu'il appelle un marécage politique au Portugal en période de crise internationale, pour également assumer la responsabilité de cette défaite après s'être personnellement beaucoup engagé durant la campagne. Le président de la république Jorge Sampaio doit maintenant accepter ou refuser cette démission. S'il l'accepte, ce qui est probable, il y aura sans doute à la clé des élections législatives anticipées dans les prochains mois. Il faut dire aussi que Antonio Guterres ne maîtrisait peut-être plus tout à fait ses troupes. Il y avait eu pas mal d'incidents dans l'équipe gouvernementale; et qu'il a vu dans ce revers électoral l'occasion de jouer à quitte ou double. Avec l'espoir que, le premier parti du pays restant malgré tout le sien, il pourrait profiter d'une remise en jeu de son mandat pour mieux affermir son emprise sur la gauche portugaise.



par Michèle  Gayral

Article publié le 17/12/2001